De 2007 à 2014, les modèles de prévision étaient assez frustes. Nous savions faire des modèles d'équilibre prévisionnels (de 1 à 5 ans) pour vérifier notre capacité à passer les hivers et les pointes de consommation, ce que faisait EDF. Des exercices robustes existaient à ce sujet, qui permettaient de travailler à court terme sur la sécurité d'approvisionnement, y compris à une maille régionale.
En revanche, les modèles de prospective à 10, 20 ou 30 ans étaient relativement frustes. Ces modèles n'étaient pas complets, d'un point de vue technologique, économique et environnemental. Ces modèles comportaient souvent des hypothèses plus ou moins implicites, qui permettaient d'illustrer une trajectoire. Nous n'avions pas de modèle complètement intégré. Les modèles n'intégraient pas la capacité d'épargne. Ces modèles avaient une vision keynésianiste fruste où l'investissement devait créer des emplois. Or, nous ne vérifions pas que les ménages ou les acteurs économiques disposaient de la capacité d'épargne nécessaire pour affronter les investissements correspondants. Cela était typiquement le cas dans les modèles liés à la rénovation thermique.
Par ailleurs, ces modèles comportaient souvent implicitement, puis progressivement explicitement, des ruptures technologiques. J'ai souvent fait le reproche aux experts techniques de présenter les ruptures technologiques de manière « décontractée ». Or, les acteurs doivent être sensibilisés, avec l'hypothèse d'avoir ou non une rupture technologique.
La troisième faiblesse de ces modèles était de ne pas mesurer l'impact environnemental, notamment à grande taille. Le nucléaire a des défauts, avec notamment les déchets et les risques industriels. De leur côté, certains renouvelables occupent de l'espace ou ont un impact sur la biodiversité. L'empreinte environnementale constitue un enjeu lorsque nous comparons une énergie dense, comme le nucléaire, à une énergie moins dense comme le renouvelable.
Enfin, les transferts entre énergies étaient également peu modélisés, notamment vers l'électricité. L'objectif n'était pas d'arriver au zéro carbone. Les objectifs n'étaient pas les mêmes qu'aujourd'hui, et n'amenaient pas à réaliser de grands transferts d'énergie. Le chauffage électrique par exemple était vu à l'époque comme excessif. Le chauffage électrique présente des défauts et des qualités. Ce système augmente beaucoup, dans un système classique, la thermosensibilité du système (donc les pointes électriques). Par ailleurs, un foyer qui choisit le chauffage électrique est condamné à garder ce système dans une maison avec l'absence de boucle d'eau chaude. Un impact social existe donc, avec les risques liés à la hausse des prix de l'électricité. Néanmoins, le chauffage électrique peut aussi être vu comme un élément de souplesse. Lorsque des mécanismes de capacité sont mis en place, des systèmes d'effacement du chauffage électrique peuvent être imaginés. Or, à l'époque, le chauffage électrique était plutôt mal vu. De la même façon, le ballon d'eau chaude était critiqué au niveau européen. Ces approches limitaient donc la capacité à réaliser des transferts. Ces modèles étaient initialement relativement rustiques.