Les décisions de rentrer dans l'ouverture des marchés étaient antérieures à 2007. J'ai dû constituer une minorité de blocage au moment de la deuxième vague de séparation des réseaux de l'opérateur historique, mais cela devait être la deuxième ou troisième directive. Une décision antérieure avait déjà été prise.
Je n'étais pas présent à cette époque, mais nous étions déjà interconnectés. Or, lorsque la majorité des États membres voulait entrer dans une logique de libéralisation, seules des minorités de blocage apparaissaient sur des points secondaires, sans une capacité de bloquer l'ensemble du dispositif. Néanmoins, des débats ont lieu à cette époque. Différents modèles existent, avec un certain nombre de « market design ».
À l'époque, cette construction était vue sous la forme de concurrence entre des producteurs thermiques, qui ont un niveau de rapport entre capex et opex relativement similaire (concurrences entre des centrales à gaz et à charbon). Les renouvelables étaient hors marché et le nucléaire constituait une « pièce étrange » dans ce contexte. D'ailleurs, les acteurs du nucléaire ont rencontré des difficultés en premier à partir de 2007, ce qui a entraîné la loi NOME. En effet, le nucléaire se traduit par beaucoup de capex et très peu d'opex.
À l'époque, ce « market design » constituait un moyen d'intégrer les marchés et de mettre en place le meilleur mécanisme d'allocation des moyens de production à court terme. De ce point de vue, la tarification au coût marginal (le marché fonctionnant au coût marginal de la dernière unité appelée) est un moyen efficace pour sélectionner la meilleure unité à appeler. Cela fonctionnait correctement dans une logique avec peu de capex. L'investissement était réalisé dans les centrales thermiques relativement facilement et la concurrence se faisait essentiellement dans ce domaine. Or, la mise en place de ce marché a pris 15 ans et le contexte a changé entre-temps.
Dans un monde où les capacités sont essentiellement des capex (sans opex), ce qui est le cas pour les renouvelables, cela ne fonctionne plus. Ce dysfonctionnement a commencé dans la période de prix bas, avec des temps de périodes de prix négatifs. En effet, dans un système comprenant un grand nombre de renouvelables à coût nul, les unités, qui ont du mal à s'arrêter, ont intérêt à tourner à prix négatifs. Ces prix négatifs étaient donc le signe que le marché fonctionnait bien. En revanche, le marché doit être pensé différemment dans une situation où seuls des coûts d'entrée (coûts de capacité) existent.
En parallèle de la loi NOME, nous avons commencé en 2010 à constater ces phénomènes. Ainsi, le consommateur consommait des mégawattheures (de l'énergie), mais également de la puissance. Puisque l'énergie ne se stocke pas, le consommateur achète en effet de la capacité (du mégawatt) et du mégawattheure. Des systèmes de mécanismes (ou de marché de capacité) ont ainsi été mis en place, en considérant un manque de rémunération de la capacité. Des dispositifs, les plus neutres possible technologiquement, et entre production et effacement de demande, devaient donc être mis en œuvre. L'objectif était de trouver un moyen de rémunérer la capacité (le mégawatt), et non le mégawattheure qui ne vaut rien.
Par ailleurs, lorsque nous ne sommes plus dans un marché surcapacitaire, mais plutôt dans un marché qui doit réinvestir, des mécanismes de financement de long terme doivent être trouvés, avec des dispositifs de type base d'actifs régulés ou le dispositif « contract for difference » au Royaume-Uni qui permet de garantir un prix à l'investisseur. Un système entièrement en « contract for difference » peut s'apparenter à celui de l'acheteur unique. Je constate que les débats qui existaient, notamment en 2014, autour du « market design » ont repris de la vigueur, car le mécanisme de marché est dysfonctionnel et doit être retouché en ne perdant pas cette forte capacité d'interconnexion et d'échange d'électricité, mais en développant une part de marché de long terme, avec une allocation optimisée des investissements.