S'agissant du Pacte sur la migration et l'asile, nous progressons sous plusieurs angles, dont le premier est l'accueil des bateaux, après le drame de l' Ocean Viking en décembre – ou du moins ce qui aurait pu se révéler un drame.
À la suite d'une réunion extraordinaire du Conseil européen, nous avons instauré un groupe de contact regroupant les États membres et des ONG pour veiller à une bonne coordination quand un bateau transportant des migrants s'approche de nos côtes. Il s'agit d'assurer la sécurité des migrants et de garantir le suivi de la procédure relative à la prise en charge des demandeurs d'asile. C'est une bonne mesure, qui évitera des situations humainement indignes.
Après les progrès permis par la première étape du Pacte sur la migration et l'asile, la seconde étape consistera, d'abord, en un meilleur filtrage à l'entrée. Il faut s'assurer que toutes les personnes sont bien enregistrées, que leur demande est rapidement étudiée et qu'un suivi a lieu. Il arrive que des gens s'inscrivent plusieurs fois, dans plusieurs pays ; cela ne sera plus possible grâce au nouveau système. Il y aura un volant relatif à la solidarité, comportant notamment l'accueil, et un volant relatif à la responsabilité, pour éviter ce que je viens d'évoquer.
Une troisième étape, actuellement à l'étude, permettra d'améliorer notre politique à l'égard des pays de départ. Nous devons renforcer l'aide au développement et le soutien aux structures économiques, mais aussi veiller à la sécurité : il n'est pas normal que des personnes mettent leur vie en danger en montant dans des bateaux.
J'en viens à la route des Balkans. Les migrants qui empruntent la voie maritime ne représentent pas la majeure partie des personnes arrivant en Europe.
L'entrée de la Croatie dans l'espace Schengen est une bonne nouvelle. Cette décision a d'ailleurs été adoptée à l'unanimité. Au-delà de la question des frontières que vous avez évoquée, madame Tanguy, c'est un signal très fort. Si l'entrée de la Croatie a fait l'objet d'un consensus, c'est parce que ce pays n'a absolument pas ménagé ses efforts, depuis des années, pour se conformer à l'ensemble des critères, extrêmement exigeants, qui sont requis pour adhérer à l'espace Schengen. La Croatie a travaillé très efficacement avec la Commission.
Par ailleurs, elle est consciente de son rôle de gardienne de la plus longue frontière extérieure de l'Union européenne, qu'elle partage avec la Bosnie-Herzégovine sur près de 1 000 kilomètres. Dans le contexte des flux migratoires sur la route des Balkans, la Croatie a pris des mesures de protection supplémentaires pour mieux contrôler ses frontières, de la même façon que plusieurs pays des Balkans ont ajusté leur politique de visas pour l'aligner plus précisément sur celle de l'Union européenne.
J'en profite pour saluer le travail que vous avez réalisé, madame Tanguy, lorsque vous présidiez le groupe d'amitié franco-croate.
Depuis plusieurs années, la politique française à l'égard des Balkans a beaucoup évolué. En raison du drame de la guerre en Ukraine, nous devons nous assurer de la solidité et de la robustesse de notre continent. C'est d'ailleurs l'objet de la Communauté politique européenne. Dans le cadre de cette politique renouvelée, beaucoup plus de visites ministérielles et de travaux communs, portant sur des projets concrets, se déroulent. Lorsque je me suis rendue en Albanie en compagnie de Mme Tanguy et de Mme Vedrenne, députée européenne, nous avons ainsi évoqué des projets de l'AFD relatifs à l'approvisionnement en eau potable.
S'agissant de la Bosnie-Herzégovine, nous portons un intérêt particulier à l'action de l'AFD et d'Expertise France, qui travaille sur l'amélioration du système judiciaire. Je me rendrai prochainement dans ce pays, où nous amplifierons les projets concrets qui sont menés.
Vous m'avez demandé, madame Tanguy, pourquoi nous n'avons pas agi plus tôt. Il y a un arbitrage à faire entre la rapidité de l'accession au statut de candidat à l'adhésion et la mise en œuvre des réformes. Un profond changement est en train d'avoir lieu en la matière. Un consensus se fait autour de l'idée que l'intégration dans l'Union européenne prend trop de temps et que nous devons accompagner mieux, et davantage, les pays qui se sont engagés sur le chemin des réformes. Le travail sur l'État de droit, les procédures et l'acquis communautaire demande une bien plus forte implication de la Commission et des États membres. Comme le Président de la République l'a souhaité, le processus d'élargissement doit être plus rapide et il faut un accompagnement renforcé. Cela ne doit pas être une antichambre dans laquelle on désespère, ainsi que cela a pu être le cas par le passé.
J'ajoute que les partenariats sont multiples : ils portent aussi bien sur l'eau que sur les infrastructures de transport et énergétiques. J'en profite pour évoquer le corridor VIII, auquel j'attache une grande importance, car c'est un élément essentiel – il s'agit de la ligne ferroviaire qui part de la pointe des Balkans et remonte vers l'Italie. Plus généralement, tout ce qui peut aider à accélérer les processus de réforme doit être soutenu. Nous le faisons en Bosnie-Herzégovine, et nous ne comptons pas nous arrêter là.
La Pologne, contrairement aux autres États membres, n'a pas pu bénéficier de versements dans le cadre du plan de relance européen, en raison de la procédure qui a été engagée. Les dernières contraintes ont certes été levées, mais pas un euro n'a encore été déboursé. En effet, un vote doit avoir lieu demain en Pologne pour entériner la réforme assurant l'indépendance de la justice. Le déblocage des fonds est lié à sa mise en œuvre.
Vous avez été nombreux à m'interroger sur la pêche. Si le thon rouge est de nouveau abondant, c'est grâce à la politique de régulation et de préservation de l'environnement. Il faut le répéter pour que tout le monde prenne bien conscience des politiques mises en œuvre. Elles n'ont pas pour vocation d'embêter les pêcheurs mais de maintenir la capacité à pêcher sur le long terme.
Monsieur Pont, vous avez relevé que le Conseil Pêche de décembre a permis à la France d'obtenir satisfaction sur un grand nombre de points, notamment les stocks partagés avec le Royaume-Uni. A priori, le règlement correspondant devrait être publié fin janvier. Par ailleurs, les consultations avec la Norvège se poursuivent activement. Une séance de négociations a lieu aujourd'hui même, et une autre se tiendra demain.
La pluriannualité des quotas est chère au cœur des pêcheurs et au nôtre. Le secrétaire d'État Hervé Berville se bat sur ce sujet, et je le soutiens. Pour l'heure, l'allocation des quotas se fonde sur des rapports scientifiques annuels. Nous poussons en faveur d'une prévisibilité à moyen terme, l'objectif devant, bien sûr, être de préserver la pêche sur le long terme.
Madame Karamanli, une Europe souveraine dotée d'une autonomie stratégique nécessite une politique industrielle robuste – c'est un premier pilier indispensable – mais aussi une politique extérieure cohérente et forte. À cet égard, la présidence française de l'Union européenne nous a dotés d'une variété d'outils : des mesures anticoercition, des mesures miroirs ainsi qu'un instrument antisubventions particulièrement intéressant.
Lorsqu'un pays étranger subventionne outrageusement un secteur ou une entreprise et qu'il entend ensuite vendre les produits qui en sont issus au sein de l'Union européenne, nous avons le pouvoir de mener une enquête. S'il est démontré que des subventions excessives et outrageuses ont été versées, il est dorénavant possible d'appliquer des mesures tarifaires à titre de compensation. C'est un instrument particulièrement puissant vis-à-vis des pays tiers, et qui montre aussi à nos concitoyens que nous savons nous battre contre ceux qui ne respectent pas les règles.
S'agissant des investissements, nous ne devons pas faire preuve de naïveté. Certains sont un peu duaux, si je puis dire : ils offrent la possibilité de récupérer des données ou des technologies. À ce stade, les décisions relatives aux investissements relèvent largement des prérogatives nationales. Voulons-nous, pour assurer l'intégrité du marché unique, qu'elles soient en partie européennes ? Je pose cette question sans engager qui que ce soit, mais nous pourrons en débattre si vous le souhaitez.
Nous pouvons nous réjouir de l'instauration d'un impôt minimal sur les sociétés, qui montre une nouvelle fois que les règles de la gouvernance mondiale peuvent être effectives et efficaces. Cette mesure devrait permettre de dégager 150 milliards d'euros au niveau mondial, l'évaluation étant à affiner par pays.
S'agissant des technologies et de la résilience en matière de défense, nous agissons dans les domaines de la recherche, du développement de l'industrie et des achats.
Dans le cadre de la Facilité européenne pour la paix, nous cherchons à faire en sorte que les pays européens, notamment les petits, qui n'ont pas beaucoup de munitions et de stocks mais qui ont fait beaucoup de sacrifices pour l'Ukraine puissent se réapprovisionner avec le soutien de l'Union européenne, et de préférence en matériel européen. Par ailleurs, des crédits européens permettront d'investir dans la recherche de défense.
En ce qui concerne les achats au sens large et l'industrie, l'ambition de la France est claire : il s'agit de développer une industrie de défense beaucoup plus large en Europe. Cela prendra un peu de temps, il faut le reconnaître. Dans la situation actuelle, des matériels sont nécessairement achetés ailleurs qu'en Europe. L'objectif est de disposer à terme, grâce aux synergies européennes, d'une industrie suffisamment puissante pour que ce soit de moins en moins fréquent. Vous l'avez dit, tout se fait en coopération avec l'Otan : la défense européenne et la défense transatlantique sont complémentaires et ont vocation à l'être. Nous pouvons nous réjouir, un peu en amont du CMFA, de l'accord sur le Scaf, qui combine tous ces éléments.
Monsieur Buchou, vous m'avez interrogée sur le Fonds social pour le climat et sur le Fit for 55. Notre objectif, en Europe, est d'être la première économie décarbonée au monde. Nous nous sommes fixé les ambitions les plus exigeantes et les plus pragmatiques. Il convient maintenant d'avancer avec nos entreprises et nos concitoyens. Des mesures telles que la taxe carbone et le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières sont ainsi destinées à protéger notre industrie et nos emplois. Quant au Fonds social pour le climat, il tend à protéger les personnes en les accompagnant sur la voie de la transition. Quand un pays ferme des mines de charbon, il doit être en mesure de réindustrialiser la région concernée avec d'autres activités, comme le fait l'Allemagne en Rhénanie du Nord, mais aussi d'accompagner les personnes, soit dans une formation pour qu'elles trouvent un nouvel emploi dans la région, soit vers d'autres secteurs. Le Fonds social pour le climat servira à le faire. Il faudra le réévaluer et, si besoin, le réabonder au fur et à mesure de la transition.
Merci pour la question portant sur les prochaines étapes de la Communauté politique européenne. Nous travaillons actuellement à des projets concrets dans les sept secteurs qui ont été identifiés à Prague, dont la cybersécurité, l'énergie, les infrastructures et les échanges étudiants. Nous consultons toutes les institutions financières internationales et européennes, car la réalisation de projets concrets nécessite des fonds. Notre objectif est d'inclure ces institutions dans la Communauté politique européenne. Cela devrait être fait très prochainement, à l'occasion de la réunion en Moldavie ou sinon plus tard, en Espagne.
Pour ce qui est de l'influence politique, je rappelle que le Président de la République et Charles Michel se sont longuement entretenus, lors du premier sommet de la Communauté politique européenne, avec les dirigeants de l'Arménie et de l'Azerbaïdjan sur la mise en place de la mission d'observation qui doit conduire à une discussion constructive sur les frontières. Par ailleurs, le fait que la prochaine réunion de la Communauté politique européenne interviendra après les élections turques peut être intéressant.