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Intervention de Éric Lombard

Réunion du mardi 10 janvier 2023 à 17h15
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Éric Lombard, directeur général de la Caisse des dépôts :

Je suis très honoré de vous présenter ma candidature au poste de directeur général de la Caisse des dépôts. Le 8 décembre, le Président de la République a en effet proposé de me reconduire pour un deuxième mandat, et je vous demande aujourd'hui de m'accorder votre confiance.

Au-delà de la procédure prévue à l'article 13 de la Constitution, notre rencontre reflète la relation très particulière que la Caisse des dépôts et consignations entretient avec le Parlement. Depuis 1816, la Caisse est placée « de la manière la plus spéciale, sous la surveillance et la garantie de l'autorité législative ». Naturellement, ce statut particulier se traduit dans notre gouvernance. J'en profite pour saluer Sophie Errante, qui a présidé la commission de surveillance de la Caisse pendant cinq ans. Je la remercie du soutien qu'elle a accordé à l'action de la direction générale pendant tout ce temps et pour l'énergie et la compétence dont elle a fait preuve. Les éléments positifs du bilan que je vais vous présenter rapidement lui doivent beaucoup. Quant aux éléments négatifs, car il y en a sans doute, j'en assume la responsabilité. Je salue également Alexandre Holroyd, qui exerce cette présidence, avec autant d'énergie et de compétence, depuis le mois de septembre 2022.

Cette relation particulière, j'ai essayé de la faire vivre en venant régulièrement vous rendre compte de l'action et des initiatives de la Caisse, comme l'ont fait les collaborateurs de la Caisse, dont les auditions se comptent par dizaines. Naturellement, si vous me renouvelez votre confiance, nous continuerons dans cette voie.

Quel est donc le bilan du mandat écoulé ? Plus forte, plus efficace, la Caisse des dépôts est au service de nos territoires et de notre économie. Je vous présenterai les actions menées depuis 2017 en me concentrant sur la lutte contre les inégalités territoriales.

Le premier objectif a été de rendre l'action de la Caisse plus lisible auprès des élus. C'est pour cela qu'en mai 2018 nous avons créé la Banque des territoires, qui concentre l'ensemble de nos actions et les rend facilement accessibles à tous les élus du pays, qu'ils soient de zones urbaines ou rurales, de métropole ou des outre-mer. L'organisation de la Banque des territoires, placée sous l'autorité d'Olivier Sichel, est très déconcentrée. La majorité des décisions de prêts ou d'investissements sont prises dans les régions, au plus près du terrain – la moitié concernent des zones rurales ou des villes de taille moyenne.

L'offre est globale. Elle commence par l'ingénierie, indispensable pour que les projets de développement territoriaux soient conduits de façon efficace et ordonnée. Il y a aussi des prêts ou des investissements en capital, très importants notamment dans le domaine du logement social, comme l'illustrent nos Plans logement 1 et 2. Notre action a plus particulièrement porté sur la rénovation thermique du parc, et notre filiale CDC Habitat est également très engagée dans la rénovation des copropriétés dégradées.

Je profite de cette occasion pour redire mon attachement au modèle de financement par l'épargne réglementée. En effet, le fonds d'épargne constitue un modèle unique, qui transforme une épargne populaire de très court terme en prêts à long ou à très long terme – parfois quatre-vingts ans. Ces prêts étant en outre accordés exactement aux mêmes conditions en tout point du territoire, il s'agit d'un outil massif d'égalité territoriale.

Les résultats obtenus depuis la création de la Banque des territoires sont tangibles. Le volume d'investissements en actions de sociétés d'économie mixte ou de sociétés locales a été multiplié par trois, pour atteindre 2 milliards d'euros l'année dernière. Or cet investissement produit un fort effet de levier : la confiance que les partenaires font à la Caisse des dépôts est telle que lorsqu'elle investit 1 euro, 7 euros le sont par des investisseurs privés et publics ou par l'Union européenne, grâce notamment au mécanisme InvestEU.

C'est le caractère très complet de notre offre qui nous a permis d'accompagner des programmes comme Action cœur de ville, Petites Villes de demain ou Territoires d'industrie, qui ont contribué à transformer l'équilibre territorial de notre pays ces dernières années.

Notre ancrage dans les territoires a été renforcé par notre rapprochement avec La Poste, autorisé en 2018 par la loi Pacte et concrétisé en 2020, qui permet à la Caisse de s'adosser à un réseau territorial sans égal. Bien entendu, en devenant actionnaire majoritaire de La Poste, la Caisse des dépôts s'est engagée à accompagner sa transformation. Je reviendrai sur les nombreuses coopérations stratégiques qui ont été engagées avec La Poste.

Cette opération ainsi que l'acquisition de la SFIL (anciennement Société de financement local) font de la Caisse des dépôts l'animateur d'un grand pôle financier public, qui gère 1 300 milliards d'euros d'investissements et de prêts, au service de notre économie et de l'intérêt général. Le fait que La Banque postale, SFIL, Bpifrance et la Banque des territoires soient placées sous la même autorité permet de bien coordonner leur action et d'éviter tout gaspillage de l'argent public consacré au développement économique et territorial.

Je suis également très attaché aux activités que nous menons en matière de politique sociale. J'ai ainsi renforcé la direction des politiques sociales de la Caisse, qui gère la retraite d'un Français sur cinq, par l'intermédiaire notamment de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales et de l'Ircantec. C'est cette même direction qui a développé Mon compte formation, un outil qui a révolutionné l'accès des Françaises et des Français à la formation professionnelle. Naguère essentiellement utilisée par des hommes, généralement cadres, la formation professionnelle est désormais majoritairement au service des ouvriers et des employés, à parité entre les femmes et les hommes. Il s'agit d'une évolution très positive.

La Caisse des dépôts, et c'est son rôle historique, a également été au rendez-vous des crises, qui n'ont pas manqué ces dernières années. Nous avons ainsi mobilisé 26,3 milliards d'euros de fonds propres pour notre plan de relance, complémentaire de celui de l'État. Je vous ai rendu compte à plusieurs reprises du déploiement effectif de ce plan. Je peux vous confirmer que, conformément à l'engagement que nous avons pris, 80 % des fonds étaient engagés à la fin de 2022. Nous poursuivrons bien sûr jusqu'aux 100 %.

Tous ces résultats sont le fruit de l'engagement quotidien des femmes et des hommes de la Caisse des dépôts au service de l'intérêt général. Je veux devant vous leur rendre un hommage appuyé. C'est grâce à leur professionnalisme et à leur énergie que nous avons pu accroître ainsi notre utilité dans les territoires.

Ce dynamisme s'est aussi traduit par de bons résultats économiques. C'est important car, la Caisse des dépôts n'ayant pas d'actionnaire, ce sont nos résultats qui nous donnent les moyens de continuer à nous développer. Depuis cinq ans, notre résultat net est supérieur à 2,5 milliards en moyenne – nous serons au-dessus de ce chiffre en 2022. Selon la tradition, nous versons chaque année une quote-part de nos résultats au budget de l'État, pour un total de 6 milliards au cours des cinq dernières années.

Alors, un second mandat, pour quoi faire ? La solidité financière acquise nous permet de nous projeter avec vigueur. Nous prévoyons d'investir 27,5 milliards de fonds propres au cours de la période 2023-2027. Cette trajectoire nous place au niveau d'engagement que nous avons connu pendant le plan de relance, un niveau historiquement élevé.

Nous souhaitons que ces engagements servent trois priorités : la transformation écologique, les souverainetés, et la cohésion sociale et territoriale.

La transformation écologique va concerner l'ensemble de notre économie et même de la vie de nos concitoyens. J'y vois une occasion à la fois de développement et d'amélioration du quotidien des Français. En tout état de cause, elle va nécessiter des investissements massifs, parce qu'il s'agit de transformer toutes les dimensions de la vie économique et sociale. La Caisse y prendra toute sa part. Depuis 2020, nous avons engagé 50 milliards ; d'ici à 2027, nous sommes prêts à en mobiliser 80 de plus.

Un premier axe sera résolument la rénovation énergétique. En cinq ans, nous avons financé la rénovation énergétique de plus d'un million de mètres carrés de bâtiments publics et de près de 190 000 logements sociaux. Mais comment établir les priorités ? Nous avons développé Prioréno, un outil qui permet aux élus, grâce à un accord passé avec les énergéticiens, de savoir quel bâtiment public de leur commune, la crèche ou le gymnase, doit être rénové le premier. Nous finançons ces opérations en fonction des décisions que prennent ces élus.

Autre priorité : les mobilités durables. Des transports publics décarbonés doivent être accessibles au plus grand nombre, sur un maximum de territoires. Nous finançons par exemple, en partenariat avec l'Union européenne, l'électrification des bus de la RATP ou de Brest, ou la conversion de ceux de Dijon à l'hydrogène. Demain, nous pourrons être le financeur de nouvelles infrastructures ferroviaires, comme les petites lignes ou les RER. Au sein de notre groupe, nous avons en outre un opérateur de mobilité, Transdev, dont nous accélérons la décarbonation. Avec La Poste, nous avons créé deux sociétés communes, Movivolt et Urby, la première permettant d'équiper les PME en véhicules électriques, la seconde de mutualiser et d'optimiser la logistique urbaine décarbonée. Quant aux mobilités individuelles, il faut bien sûr installer des bornes de recharge pour les véhicules électriques. C'est le rôle de notre filiale Logivolt, qui s'intéresse plus particulièrement aux copropriétés, pour lesquelles les financements sont compliqués à mettre en place.

Par ailleurs, les effets du réchauffement sont déjà tangibles et nous devons être aux côtés des territoires les plus fragiles, en montagne et en bord de mer notamment, pour les aider à s'adapter. Nous intégrons cette dimension dans nos projets urbanistiques, avec notamment la réduction des îlots de chaleur et la renaturation des villes.

Je veux également rappeler que la lutte contre le réchauffement climatique est indissociable de la lutte pour le maintien de la biodiversité, qui doit faire l'objet d'une égale attention. Nous disposons à cet égard de notre filiale CDC Biodiversité, qui est un outil de compensation. Surtout, nous transformons complètement notre rôle d'aménageur. Il faut réduire l'artificialisation des sols, il faut construire la ville sur la ville, il ne faut plus détruire pour reconstruire, mais rénover. Ce qu'on appelle la deuxième vie du bâtiment va dans ce sens. Il y a de très beaux exemples à Villeurbanne où, plutôt que de détruire des HLM, on conserve leurs squelettes pour construire par-dessus. Cela permet d'économiser du béton – or le secteur du ciment est un des plus grands émetteurs de CO2 au monde. Cela permet aussi d'améliorer la qualité des bâtiments – toujours à Villeurbanne, certains sont même devenus des bâtiments à énergie positive.

Cette sobriété foncière va également nous obliger à revoir complètement l'organisation de nos entrées de ville. Alors que de grands centres commerciaux souffrent du retour en force du commerce en ville, ce qui est heureux, et du développement de la vente en ligne, leurs locaux et leurs parkings peuvent être rendus à l'aménagement urbain, à des activités, au logement social... Nous nous engageons en ce sens.

Mais il n'y a pas de transformation écologique sans une mutation profonde de notre système énergétique, dont dépend notre souveraineté – énergétique, mais aussi industrielle, numérique et financière. C'est notre deuxième priorité.

À l'évidence, l'urgence climatique est encore plus forte depuis l'invasion de l'Ukraine. Le dérèglement du monde nous invite à plus d'autonomie énergétique. Là aussi la Caisse joue un rôle majeur, puisque nous sommes coactionnaires des deux grands réseaux de transport que sont RTE pour l'électricité et GRTgaz pour le gaz. Nous allons continuer à investir dans le développement de ces réseaux, qui sont essentiels pour l'avenir. Plus largement, nous sommes en mesure de financer de nombreuses infrastructures lourdes.

En ce qui concerne la production d'énergie, la Caisse des dépôts est un grand producteur d'hydroélectricité, puisqu'elle est actionnaire de la Compagnie nationale du Rhône, et elle est un développeur d'activité dans le domaine des énergies renouvelables, avec des projets dans l'éolien terrestre, l'éolien en mer et le photovoltaïque. Deux exemples : à Bordeaux, la centrale de Labarde, construite sur une ancienne décharge, est désormais la plus grande centrale solaire urbaine d'Europe ; à Creil, nous menons un autre projet photovoltaïque sur une zone déjà bétonnée, cette fois sur une ancienne base aérienne.

Nous sommes prêts à faire beaucoup plus : la Caisse peut être le financeur des transitions. Je suis convaincu que l'épargne populaire, c'est-à-dire celle du livret A, du livret de développement durable et solidaire (LDDS) et du livret d'épargne populaire (LEP), qui au total atteint 500 milliards d'euros, peut davantage encore financer la transformation de notre appareil de production énergétique. Le fonds d'épargne est en réalité un formidable grand emprunt quotidien, au service des choix que vous ferez quant à l'évolution de notre mix énergétique.

Avec la souveraineté énergétique va la souveraineté industrielle. Certains avaient rêvé d'entreprises sans usines. Je n'y ai jamais cru. Venant d'un vieux département industriel, l'Aube, je suis sûr que c'est l'industrie qui façonne nos territoires, qui permet un développement équilibré de l'emploi et de la création de richesse. Mais il faut réduire l'empreinte carbone de cette production locale. C'est également une mission que se donne la Caisse. Pour ce qui la concerne, développer une industrie verte passe par la réhabilitation des friches, afin qu'elles soient rendues à de nouvelles industries, et par la construction d'usines clés en main. Ce sont des sujets qui ont été évoqués par le ministre de l'économie et des finances cette semaine et sur lesquels nous allons accompagner l'action du Gouvernement.

Nous agissons aussi pour accompagner des entreprises existantes. Nous sommes ainsi intervenus, il y a quelques mois, pour soutenir le groupe Suez, grande entreprise française du traitement de l'eau et des déchets, dont nous avons pris 20 %.

Quant à la souveraineté numérique, nous continuons à financer l'équipement du pays en très haut débit – une nécessité du point de vue de l'équité territoriale. Récemment, nous avons soutenu le rapprochement, opéré par Bpifrance, d'Eutelsat et de OneWeb, pour constituer une constellation européenne de satellites. Et dans un autre domaine d'importance, la souveraineté des données, nous avons récemment lancé un projet de cloud souverain, que nous menons avec La Poste, Bouygues Telecom et Dassault Systèmes.

La souveraineté d'un pays est aussi financière et nous sommes très fiers d'avoir accompagné le développement d'Euronext, la grande plateforme boursière européenne, dont nous avons ancré l'actionnariat auprès d'acteurs européens.

Troisième axe de notre action, essentiel, qui figure même dans notre ADN : la lutte contre les fractures territoriales et sociales. Nous restons très engagés dans les politiques territoriales, en étant par exemple un des principaux financeurs de la deuxième phase du plan Action cœur de ville. Nous souhaitons, demain, mettre ce savoir-faire au service de nouvelles géographies, par exemple dans le nouveau programme Quartiers 2030.

Nous le sommes aussi dans le domaine de la cohésion sociale, où il faut faire face à de grands défis sanitaires et sociaux. La Caisse est par exemple mobilisée dans les domaines de la prise en charge du grand âge et de la dépendance.

La Caisse des dépôts dispose des moyens nécessaires pour assurer toutes ces missions. En cinq ans, nous avons gagné en efficacité. Nous avons beaucoup travaillé sur notre transformation interne et notre performance opérationnelle, afin d'utiliser au mieux l'argent que nous confient les Français.

Nous sommes face à des défis historiques, à commencer par la transformation écologique et la fragmentation du monde, qui s'est aggravée depuis l'invasion de l'Ukraine. Le rôle de la Caisse des dépôts a toujours été d'agir pour l'intérêt général, d'accompagner les mutations de notre pays et de financer les choix stratégiques de la nation. C'est celui que j'entends poursuivre, avec énergie et détermination, si vous me renouvelez votre confiance.

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