J'ai quitté Matignon le 1er avril 2014. Je n'étais donc plus conseiller lorsque la loi a été déposée ou débattue à l'Assemblée. J'étais toutefois au courant de cet engagement politique.
Je suis ennuyé par votre question : je vous ai dit tout à l'heure que les 50 % de part du nucléaire à horizon 2025 correspondaient à une ambition politique et non à un objectif normatif. Ce seuil ne posait donc pas de problème de sécurité d'approvisionnement. Le seul objectif normatif qui figure dans la loi est le plafonnement de la capacité nucléaire à 63,2 GW, qui prévoyait donc que si EDF arrivait à mettre en service l'EPR, l'entreprise devrait fermer une tranche à due concurrence, à savoir Fessenheim.
Ce texte avait vocation à jouer le rôle d'une loi de pilotage et d'outils. Cette loi est très volumineuse et technique. Elle comporte plus de 200 articles. Elle prévoit la SNBC, l'adoption de la PPE et d'autres dispositifs dont la vocation est de garantir la sécurité d'approvisionnement en fonction de différents paramètres qui peuvent évoluer. Parmi ces derniers figurent la consommation, la capacité de la France à déployer les énergies renouvelables, ou encore l'éventuelle adoption d'une nouvelle SNBC accordant davantage de place aux bioénergies. Le monde d l'énergie est un système de vases communicants.
L'objectif de 50 % n'était d'ailleurs pas polémique. Les groupes politiques de droite et de gauche s'étaient assez largement accordés sur ce seuil. En revanche, la date à laquelle fixer son horizon – 2025, 2030 ou 2035 – avait fait l'objet de débats, puisqu'elle reposait sur des ambitions politiques.
En revanche, la loi comportait un volet normatif sur les outils de gouvernement très opérationnels qui permettraient de garantir la sécurité d'approvisionnement, notamment dans le cadre d'une PPE fondée sur nos études. Ainsi, lors de la présentation du bilan prévisionnel 2021 à la presse, j'ai indiqué que les études de RTE ne permettaient pas de fermer de nouvelles tranches nucléaires en 2026, à la fois pour des raisons d'émissions de CO2 et pour garantir la sécurité d'approvisionnement. Ces tranches n'ont donc pas vocation à être fermées.
Enfin, remarquez bien que les difficultés de sécurité d'approvisionnement que la France rencontre cet hiver ne sont dues en rien à des orientations de politiques publiques, qu'il s'agisse de la loi de 2010 portant nouvelle organisation du marché de l'électricité (loi Nome), de la LTECV ou d'une PPE. Elles sont liées à l'indisponibilité du parc nucléaire. Entre 2000 et 2015, le parc nucléaire français produisait environ 400 TWh d'électricité par an. Entre 2016 et 2019, sa production atteignait 385 TWh par an. Ce total est passé à 330 TWh en 2020, année de la crise sanitaire. Cette année, le parc produira environ 280. La production a donc diminué de 25 %. Et pour un moyen de production hyper dominant, une diminution de 25 % est douloureuse.