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Intervention de Xavier Piechaczyk

Réunion du jeudi 15 décembre 2022 à 9h05
Commission d'enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d'indépendance énergétique de la france

Xavier Piechaczyk, président du Directoire de Réseau de transport d'électricité (RTE) :

Vous dites que c'est la première fois qu'une limite en volume et en proportion des moyens de production est inscrite dans la loi. L'article 187 de la LTECV fixe un plafond de capacité installée nucléaire à 63,2 GW. Les 50 % de production nucléaire à l'horizon 2025 figurent dans un article qui n'est pas normatif. Lors de son intervention au sein de votre commission hier, M. François Brottes a répondu à cette question. Cet objectif de 50 % à l'horizon 2050 correspondait à une ambition politique.

S'agissant de la construction et de la documentation de cet objectif, je pense que vous avez donc auditionné suffisamment de personnes qui ont assisté à la conclusion de cet engagement politique de campagne électorale. Quels sont les ressorts de la volonté de baisser la part du nucléaire de seconde génération dans le mix français ? En 2012, le contexte était marqué par Fukushima, véritable tremblement de terre dans le monde du nucléaire. À la suite de cet incident, le Japon a décidé de mettre son nucléaire à l'arrêt, tandis que les Allemands ont choisi de sortir du nucléaire. La France, quant à elle, a assumé de conserver son nucléaire. Je n'ai entendu aucune majorité de l'Assemblée nationale ni aucun exécutif en exercice réclamer la sortie du nucléaire.

En 2012, 2013 et 2014, par ailleurs, les consommations de la France sont à la baisse et au mieux stables pour les raisons que j'ai décrites dans mon propos liminaire. Le parc nucléaire, à l'époque, produit beaucoup, au point d'exporter de l'électricité. En 2012, la France exporte 42 TWh par an, 47 TWh en 2013 et 65 TWh en 2014. La consommation, en France, s'élève à 580 TWh. L'ambition de diversification du mix électrique ne se dessine pas au détriment du nucléaire et au profit des énergies renouvelables, contrairement à ce que l'on pense, mais au détriment du nucléaire de deuxième génération à date, et pour des raisons de résilience technologique.

Vous présidez une commission sur la souveraineté. Cette dernière s'organise autour de l'approvisionnement de combustibles. La priorité de la France est de cesser d'acheter du gaz et du pétrole à des pays qui ne sont pas nos alliés. S'agissant de la souveraineté technologique, nous devons maîtriser les technologies qui sont installées sur notre territoire grâce à nos propres ingénieurs. Se pose enfin la question de la résilience : sommes-nous capables de résister à des crises géopolitiques, comme la crise en Ukraine, mais aussi à des chocs techniques ?

Ainsi, nous cherchions à multiplier les sources de production d'électricité face à un nucléaire de seconde génération très dominant, qui, s'il était exposé à un défaut générique technique, placerait la France en situation de grande difficulté. C'est précisément ce qui est arrivé lors de la découverte de la corrosion sous contrainte. Depuis Fukushima, nous ne savions pas si nous pourrions prolonger les tranches nucléaires de seconde génération. Le grand carénage, qui désignait les travaux d'adaptation et de sûreté qui se sont ensuivis, a dû être réalisé. Enfin, la France souhaitait développer l'EPR.

Il ne s'agissait donc pas de porter un coup à la filière nucléaire, mais de diversifier nos sources d'approvisionnement en nous appuyant sur les renouvelables tout en multipliant nos stratégies nucléaires. Ces dernières ne s'appuient d'ailleurs pas uniquement sur l'EPR, mais aussi sur le développement du réacteur thermonucléaire expérimental international (Iter), du réacteur rapide refroidi au sodium à visée industrielle (Astrid), du Centre industriel de stockage géologique (Cigéo), ou encore du réacteur de recherche Jules Horowitz.

Tels étaient les paramètres pris en compte pour aborder la résilience à cette époque. Ils restent d'ailleurs d'actualité dans un contexte marqué par l'impact sur le gaz de la guerre en Ukraine et des difficultés liées à la corrosion sous contrainte.

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