Cinq détenus étaient en effet présents dans l'aile : deux à la bibliothèque et trois dans « le gourbi », une salle commune qui sert de cuisine collective. Nous ne les avons pas interrogés, dès lors qu'une enquête judiciaire était en cours. Cependant, ils ont tous été entendus par la police, la sous-direction antiterroriste (SDAT), et par l'inspection. À l'inspection du moins, tous ont dit ne rien avoir entendu. Or, au regard des personnalités très fortes d'au moins deux de ces détenus, ils auraient dit avoir entendu quelque chose si cela avait été le cas.
Par ailleurs, je comprends qu'on s'étonne que personne n'ait rien vu sur la vidéosurveillance. J'étais en congé lorsque vous êtes venus en juillet, mais vous avez dû visiter le poste du surveillant du PIC A, qui est identique à celui du PIC B. Y sont exactement reportées 46 caméras, qui couvrent les cours de promenade, les deux étages et le rez-de-chaussée. Or, un seul surveillant est affecté à ce poste, très petit, où seuls deux écrans de caméras sont disponibles : il est complètement dépassé. Il doit répondre au téléphone, surveiller et ouvrir 15 portes et grilles sur appel de ses collègues par émetteur-récepteur, après s'être assuré que l'appel ne vient pas d'un détenu, ou qu'il est alors bien accompagné d'un agent. Il doit passer les consignes de l'encadrement aux agents d'étage. Il ne faut pas du tout croire que ce poste est équipé, comme certaines communes, d'un mur de caméras : chaque écran fait la taille d'une télévision d'appartement, et neuf « tuiles », correspondant à neuf caméras, y apparaissent successivement durant trois à quatre secondes. De plus, à l'époque, les surveillants suivaient uniquement le « scénario jour », consistant à surveiller prioritairement les étages et les déplacements collectifs des détenus. Ainsi, les caméras des salles d'activité n'étaient presque jamais regardées, car il n'est pas possible de demander à un agent de regarder simultanément 50 caméras. Or, le poste ne peut pas accueillir physiquement plus d'un agent, et les effectifs disponibles ne le permettraient pas. Le système a été conçu de cette manière et le modifier supposerait de réaliser des travaux très importants. Enfin, l'aile gauche, où a eu lieu l'agression, fait quand même 35 mètres, et l'agression y a eu lieu à plus de 25 mètres du poste de surveillance. L'agent du PIC ne pouvait donc absolument rien entendre de ce qui avait lieu dans cette salle. Ce n'est d'ailleurs pas son rôle.
Reste qu'un surveillant a mis 10 à 12 minutes pour passer, ce que l'inspection ne s'explique pas. Dont acte. On m'avait initialement dit qu'un groupe de détenus était présent dans l'aile droite, ce qui s'avère ne pas avoir été le cas. J'ai désormais pris des mesures pour que l'agent passe désormais 5 fois par heure au minimum, et pour que, lorsqu'il quitte une aile, l'agent du PIC examine systématiquement les caméras des salles d'activité de cette aile à tour de rôle.