La radicalisation reste un problème relativement récent. L'administration pénitentiaire y est confrontée depuis 2015. De nombreuses mesures ont été prises : des évaluations, des binômes de soutien, la création des QER, la création des quartiers de prévention de la violence (QPV), ou encore la mise en place de formations, initiales et continues. Face à un tel problème, les mesures prises seront cependant toujours insuffisantes.
Les radicalisés ont en effet une capacité à se dissimuler supérieure à celle des autres détenus. La dangerosité de certains détenus violents ou apparemment « fous », même s'ils ne présentent pas toujours de véritable problème psychiatrique, est manifeste : à la moindre contradiction, ils peuvent agresser un détenu ou un membre du personnel. Nous en gérons ainsi une douzaine en quartier d'isolement avec des « protocoles » : c'est-à-dire que nous y montons en tenue d'intervention, généralement à quatre agents et un gradé, plus rarement à deux agents seulement. Certains détenus, radicalisés ou non, réussiront cependant toujours à dissimuler leur dangerosité, et deviendront soudainement violents, parce que leur femme les quitte, parce qu'ils reçoivent une nouvelle peine, ou encore parce que leurs enfants ne veulent plus les voir. Cependant, la dangerosité des radicalisés a toujours été la plus difficile à détecter.
Les systèmes et les procédures ont été multipliés à cette fin. Sans doute les QER seront-ils plus nombreux à l'avenir. Il faudra poser la question au directeur de l'administration pénitentiaire. Des progrès ont été réalisés, car, il y a quelques années, nous ne savions pas en quoi consistait la radicalisation. Un ou deux binômes de soutien, composés d'un éducateur et d'un psychologue, ont été mis en place par direction régionale. Ils voient les détenus que nous soupçonnons d'être radicalisés, mais seulement lorsque ces derniers l'acceptent. Or, généralement, ceux qui acceptent sont les moins radicalisés. En effet, il n'existe pas de système permettant d'obliger un détenu à rencontrer quelqu'un en prison.
Néanmoins, le dispositif reste imparfait, et le restera. Dans tous les établissements où je suis passé, hormis le premier, donc depuis 2004, j'ai toujours vu des détenus passer soudainement à l'acte, en agressant un membre du personnel ou un codétenu, sans explication, et alors même qu'ils ne présentaient pas de véritable problème psychiatrique. Au mois d'août, un détenu issu du grand banditisme, certes violent, mais qui se tenait bien jusque-là, s'est radicalisé en deux jours un samedi. Le mardi, il a méchamment agressé à coups de poing un codétenu, qui a dû être hospitalisé par deux fois.
La meilleure prévention consiste à s'assurer que les agents et l'encadrement connaissent les détenus autant que possible, les voient à l'audience, aillent à leur contact en détention et fouillent régulièrement leurs cellules. Aucune méthode ne permet cependant d'anticiper mathématiquement les passages à l'acte.