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Intervention de Corinne Puglierini

Réunion du mercredi 11 janvier 2023 à 14h30
Commission d'enquête chargée de faire la lumière sur les dysfonctionnements au sein de l'administration pénitentiaire et de l'appareil judiciaire ayant conduit à l'assassinat d'un détenu le 2 mars 2022 à la maison centrale d'arles

Corinne Puglierini, contrôleuse en établissement, mission de contrôle interne à la direction de l'administration pénitentiaire, ancienne cheffe d'établissement de la maison centrale d'Arles :

Je n'ai eu aucune volonté de masquer le parcours disciplinaire de Franck Elong Abé. Je ne me souviens plus qui, de moi ou de mon collègue, a évoqué ce parcours lors de l'audition, mais je pense qu'il avait été évoqué. Chaque fois qu'il est passé en commission disciplinaire, des sanctions ont en effet été prises le concernant.

La CPU dangerosité s'est en effet réunie à plusieurs reprises concernant Franck Elong Abé. Son passage en QER avait été évoqué dès son arrivée, car elle avait précédé de peu l'organisation d'une CPU dangerosité « radicalisation ». La CPU dangerosité est en effet scindée en deux avec une CPU dangerosité « DPS », présidée par la directrice de détention, et une CPU dangerosité « radicalisation ». Dès son arrivée, la radicalisation de Franck Elong Abé, compte tenu de sa condamnation, ne faisait pas de doute. Pour autant, une affectation en QER n'avait pas été décidée dans son établissement précédent de Condé-sur-Sarthe, sans que nous sachions pourquoi. Nous connaissions néanmoins son dossier d'orientation, et la décision de l'affecter à la maison centrale d'Arles était motivée par ses problèmes de comportement et les nombreux incidents qu'il avait occasionnés dans le précédent établissement. Les transferts de détenus d'une maison centrale à une autre constituent ainsi souvent des « échanges » entre des détenus difficiles à gérer, visant, dans l'intérêt des établissements et surtout des détenus, à les orienter vers d'autres personnels pour améliorer leur suivi.

Je n'avais pas reçu de consigne particulière indiquant qu'en cas d'amélioration de son état psychique, je devrais réaliser un dossier d'affectation au QER. Pour autant, nous ne sommes pas restés inactifs, puisque la décision avait été prise d'organiser des rencontres avec la psychologue de la mission de lutte contre la radicalisation violente (MLRV), de la direction interrégionale. Franck Elong Abé l'a rencontrée, quoique de manière non assidue. Il a parfois préféré aller au sport.

Je vous confirme avoir conservé à mon niveau les préconisations de la CPU, m'étant convaincue à tort d'attendre plutôt la fin de sa peine pour solliciter son orientation au QER. En effet, les avis de la CPU étaient partagés concernant la nécessité de l'orienter également pour préparer sa sortie, puisqu'il était libérable dans moins de deux ans.

Par ailleurs, comme je l'ai dit lors de l'audition, l'un des objectifs du QER est d'orienter les personnes détenues radicalisées. Dès lors que la radicalisation de Franck Elong Abé ne faisait pas débat, je ne suis pas allée plus loin, à tort, que le suivi déjà mis en place.

Le QER a aussi pour objectif de déterminer si les personnes radicalisées doivent être gérées à l'isolement, ou peuvent être gérées en détention ordinaire. À son arrivée, Franck Elong Abé a été directement placé en isolement. Nous avons ensuite demandé la prolongation de cet isolement, avant d'en demander la levée, sur la base d'un rapport adressé à la direction interrégionale et à la direction de l'administration pénitentiaire (DAP). La hiérarchie aurait alors pu demander une affectation au QER avant d'accepter la levée d'isolement. Cela n'a pas été le cas. De même, la direction interrégionale a accepté les demandes de travail de Franck Elong Abé sans y faire obstacle.

J'assume ma part de responsabilité concernant mon appréciation de la situation de Franck Elong Abé. Mon but était de l'orienter vers le QER pour préparer son retour à la société. Je n'avais pas perçu de signe de passage à l'acte imminent. Nous savions certes que ce détenu était violent, et que son parcours avait été violent dans ses établissements précédents. À la maison centrale d'Arles, il s'était tenu tranquille durant un certain temps, ce qui peut paraître facile, mais la gestion du temps en détention ne s'apprécie pas de la même manière qu'à l'extérieur. En matière d'accompagnement, nous avions cherché à baliser son parcours avant de prendre des décisions.

Je regrette également que, devant mon inaction, le relais n'ait pas été pris par le service pénitentiaire d'insertion et de probation (SPIP), qui pouvait aussi, selon les textes, initier une demande d'orientation au QER. Je n'ai pas non plus été alertée par ma hiérarchie sur le fait qu'aucun dossier ne remontait.

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