Cette dernière audition de l'année 2022 pour notre commission achève également notre cycle consacré au retour d'expérience de la guerre en Ukraine. Après avoir accueilli Mme Alice Rufo et M. Philippe Errera en début de matinée, nous prendrons encore davantage de hauteur avec cette audition qui portera sur les leçons du conflit ukrainien dans le domaine spatial.
C'est la raison pour laquelle nous avons le plaisir de vous accueillir, mon général, puisque, depuis le 1er juillet dernier, vous êtes commandant de l'espace – ce n'est pas rien ! (Sourires.) Avant d'occuper cette fonction, vous avez été pilote de chasse, général adjoint de l'opération Barkhane de 2018 à 2019, et, dernièrement, chef de la division cohérence capacitaire au sein de l'État-major des armées, l'EMA.
Je rappelle à mes collègues que le commandement de l'espace (CDE) a été créé le 3 septembre 2019, au cours du précédent quinquennat, dans le prolongement de la publication de la stratégie spatiale de défense. À la fois commandement de l'armée de l'air et de l'espace et organisme à vocation interarmées, le CDE comprend aujourd'hui 350 personnes environ, réparties sur quatre sites, avec un objectif de 500 personnels d'ici à 2025 et une installation à Toulouse à ce même horizon. En tant que Rhodanien, j'ai le plaisir d'accueillir à Lyon le Cosmos, le centre opérationnel de surveillance militaire des objets spatiaux. Je crois qu'il rejoindra Toulouse, mais je ne vous en veux pas, puisque cela permettra de consolider cette capacité !
Mon général, en introduction de la stratégie spatiale de défense (SSD), la ministre Florence Parly soulignait que si l'espace a été une nouvelle frontière à franchir, c'est désormais un nouveau front que nous devons défendre. L'émergence de l'espace comme un milieu de conflictualité à part entière semble être confirmée par la guerre en Ukraine, avec notamment la menace des autorités russes de considérer les satellites commerciaux occidentaux comme des cibles légitimes de représailles ou si l'on se réfère à la cyberattaque visant le service ViaSat au début du conflit.
Si l'espace est susceptible de devenir un milieu de conflictualité, c'est en raison de son rôle crucial en soutien des forces armées sur le terrain, que ce soit dans le domaine de la communication, de la navigation, de l'observation et, je me permets d'ajouter, dans nos vies au quotidien, puisque tous les jours sans le savoir, nous utilisons au moins une dizaine de fois l'espace, que ce soit pour communiquer, au travers des GPS que nous avons dans nos poches ou pour regarder des images satellitaires. L'espace et l'Ukraine, c'est également l'apparition d'un acteur privé, SpaceX, qui a joué et continue de jouer un rôle en fournissant des capacités aux Ukrainiens (Starlink).
Vous aurez certainement à cœur, mon général, de revenir sur ces multiples dimensions du spatial militaire dans le cadre du conflit ukrainien. Vous reviendrez peut-être sur ces notions de spatial militaire, car la guerre en Ukraine rappelle que celui-ci ne se réduit pas à nos capacités strictement militaires et que l'usage militaire de capacités civiles, notamment issues du New Space, joue également un rôle fondamental. J'en parlais précédemment.
Enfin, mon général, c'est une audition d'actualité puisque pas plus tard qu'hier, à dix-sept heures trente, un tir Ariane 5 a mis avec succès en orbite trois satellites depuis le centre spatial guyanais de Kourou : un satellite météo et deux satellites de télécom. Nous avions sur place plusieurs ministres, les ministres Retailleau et Carenco, ainsi que des collègues de cette commission. Il s'agissait, me semble-t-il, de la 115e mission d'Ariane 5, qui est sans doute l'une des dernières puisque Ariane 5 remplira encore deux missions en 2023, avant l'arrivée de sa petite sœur, Ariane 6, au plus tôt en fin d'année prochaine.
Vous pourriez sans doute évoquer les questions d'accès à l'espace, notamment concernant Ariane 6, quant aux délais de mise en route de ce lanceur et sa compétitivité par rapport notamment aux lanceurs réutilisables puisque, s'agissant de l'espace, un des aspects majeurs est d'avoir capacité d'y accéder.
Mon général, nous vous savons très attentif aux besoins de nos armées dans le cadre de la prochaine LPM. Il serait intéressant de connaître votre appréciation sur les enseignements qu'il conviendrait de tirer du conflit ukrainien pour nos propres forces armées.
Sans plus attendre, mon général, je vous laisse la parole.