La France dispose de la deuxième zone économique exclusive (ZEE) après les États-Unis ; 93 % de cette ZEE est liée, directement ou indirectement, à notre présence dans l'océan indien. Levons d'emblée toute hypocrisie : comme l'indique un article de la revue Conflits, nos intérêts ou, pour être exact, les intérêts des actionnaires des entreprises françaises, y sont d'abord économiques. En effet, l'océan indien contient l'un des sous-sols les plus riches de la planète. Il renferme près de 55 % des réserves mondiales de pétrole, 60 % de celles d'uranium, 80 % de celles de diamants, 40 % de celles de gaz et 40 % de celles d'or, sans compter les réserves halieutiques. On comprend aisément que la région attire les convoitises – évidemment sous le couvert d'intentions vertueuses. Certes, vertu et intérêts ne sont pas toujours incompatibles et nous pouvons admettre que l'accord de Victoria, en visant à apporter plus de stabilité, de coopération et de développement à la région, cherchait à concilier ces deux objectifs. Toutefois, les peuples de la région sont loin d'y avoir trouvé leur compte. Et si la diversité des situations des États membres de la COI ne facilite pas l'émergence d'une ambition commune, il n'est pas certain qu'une telle intention politique ait jamais existé. D'ailleurs, l'adhésion de Mayotte n'a pas été concrétisée.
S'agit-il d'agir avec et dans l'intérêt des populations locales ou de se partager les ressources de la région ? Soyons sérieux ! La Chine, le Japon, l'Union européenne et même l'Ordre souverain militaire et hospitalier de Saint-Jean de Jérusalem, de Rhodes et de Malte sont membres observateurs de la COI, mais pas l'Afrique du Sud, la Tanzanie ou le Mozambique. Malgré l'immense richesse halieutique de la zone, 97 % des captures sont le fait de pays non-riverains. Pendant ce temps, la faim et la misère poussent des milliers de Comoriens à fuir leur pays au péril de leur vie, notamment vers Mayotte. On se souvient d'ailleurs que le président Macron avait cru bon de plaisanter sur ces morts, qui devraient pourtant faire honte à tous les décideurs politiques de la région, à commencer par ceux de notre pays.
En 2006, l'ancien secrétaire général de la COI, Wilfrid Bertile, regrettait que celle-ci ne soit pas devenue une véritable organisation d'intégration régionale en s'appuyant sur des problématiques communes, par exemple celles de petits États insulaires en développement, et qu'elle n'ait pas contribué à densifier la coopération au sein de l'espace swahili. La révision proposée va-t-elle dans ce sens ? Nous ne le pensons pas.