Intervention de Christophe Béchu

Séance en hémicycle du jeudi 19 janvier 2023 à 15h00
Faciliter le financement des travaux de rénovation énergétique des bâtiments publics — Présentation

Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires :

Le dérèglement climatique constitue un enjeu majeur ; pour y faire face, nous devons œuvrer en tout premier lieu à la décarbonation de notre société. Nos objectifs et nos ambitions sont clairs : réduire de 55 % nos émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2030. Pour y parvenir, nous actionnons plusieurs leviers en ce moment même, au premier rang desquels figurent les énergies. Ainsi avons-nous entamé l'examen du projet de loi relatif au nucléaire, tandis que la première lecture du projet de loi relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables vient de s'achever.

Le deuxième pilier de la décarbonation a trait aux transports. Dans quelques jours sera publié le rapport du Conseil d'orientation des infrastructures (COI), qui évaluera les investissements nécessaires, notamment dans le ferroviaire, pour offrir une solution alternative crédible aux transports plus carbonés.

Le troisième grand pilier réside dans la rénovation des bâtiments, qu'il s'agisse des logements individuels ou des bâtiments publics. Nous estimons que 20 millions de logements particuliers sont à rénover d'ici à 2050, soit 700 000 par an : tel est l'objectif du dispositif MaPrimeRénov', doté de 2,6 milliards d'euros. Nous avons conscience que ce dernier mérite encore des améliorations : l'efficacité climatique des rénovations doit être renforcée, le cas des copropriétés doit être approfondi, et des lourdeurs liées aux délais doivent être levées.

Il reste un angle mort, les bâtiments publics : la présente proposition de loi s'en empare. Il s'agit d'un texte crucial et nécessaire, qui constitue un axe majeur de la planification écologique – ce, pour deux raisons principales, l'exemplarité au premier chef. Nos concitoyens estiment que quand nous leur imposons une contrainte, nous devons commencer par nous l'appliquer à nous-mêmes – quelle que soit notre famille politique, nous en avons tous pleinement conscience. Nous aurons beau multiplier les appels à la sobriété, si nous ne commençons pas par rénover les bâtiments qui appartiennent à l'État et aux collectivités locales, nous manquerons à notre responsabilité morale et nous nuirons à l'efficacité globale de la politique de rénovation.

La seconde raison se rapporte aux volumes en jeu : sachant que près de 40 % de l'immobilier tertiaire appartient à l'État et aux collectivités locales, la rénovation thermique de ce parc emporte des conséquences majeures en matière d'économies d'énergie et de budget. Elle nous permettra de répondre aux obligations légales de la loi de 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique – dite loi Elan – et du décret tertiaire. Surtout, elle constituera une opportunité économique pour le secteur du bâtiment. Disons-le : c'est le chantier du siècle. Quatre cents millions de mètres carrés de bâtiments pourraient faire l'objet de travaux ; sachant que les coûts moyens de rénovation sont compris entre 500 et 1 000 euros le mètre carré, le chantier représente 200 à 400 milliards d'euros au total – nous avons là un aperçu du chiffre d'affaires afférent pour le secteur. Ce chantier de rénovation sera de nature à soutenir le secteur du bâtiment et des travaux publics – le BTP – et son 1,5 million de salariés. Naturellement, le financement d'un chantier d'une telle ampleur ne saurait passer par le cadre budgétaire classique.

La proposition de loi que défend avec talent Thomas Cazenave a été conçue dans un esprit de coconstruction et de consensus. Elle s'inscrit dans la planification écologique que nous appelons de nos vœux, élaborée avec les Français, et non à leurs dépens.

Les bâtiments des collectivités territoriales sont au cœur de la proposition de loi. Les maires et les élus ruraux sont confrontés à des injonctions paradoxales : il leur faut accélérer la lutte contre le réchauffement climatique, réduire la consommation énergétique de leurs bâtiments, et préserver l'équilibre de leur budget. Nous devions leur offrir une solution pour résoudre ce dilemme. Précisons que la moitié du parc placé dans leur ressort relève du champ scolaire : sur les 300 millions de mètres carrés appartenant aux collectivités territoriales, 150 millions ont trait aux collèges, aux lycées et aux écoles – dont 50 millions concernent les 44 000 écoles de France. L'État, pour sa part, possède 100 millions de mètres carrés.

Le contexte d'inflation que nous connaissons, en particulier dans le domaine de l'énergie, renforce la nécessité d'agir. Nous devons concrétiser le souhait qu'a exprimé le Président de la République en marge du Congrès des maires, de proposer un accompagnement spécifique aux communes et de lancer un plan de rénovation des écoles.

Certes, la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) couvre notamment la rénovation thermique, mais elle s'élève seulement à 1 milliard d'euros par an. Certes, le dispositif des certificats d'économie d'énergie (C2E) permet de financer des appels à programmes, mais seulement à hauteur de 200 millions d'euros. Certes, le fonds Chaleur existe, mais il n'est doté que de 500 millions d'euros.

Cette proposition de loi autorisera les collectivités à lisser les paiements – ce que ne permet pas actuellement le code de la commande publique – en se remboursant sur les économies d'énergie effectuées. Elles pourront ainsi mobiliser les fonds pour commencer immédiatement les travaux et procéder ensuite à un paiement différé, ce qui entraînera une économie réelle grâce à la baisse des factures liée à la rénovation. Comme l'a mentionné M. le rapporteur, une telle dérogation était jusqu'à présent impossible en dehors des partenariats public-privé (PPP), de facto très peu utilisés pour les travaux de rénovation énergétique car ils requièrent un transfert de maîtrise d'ouvrage. En ouvrant cette possibilité de tiers financement à l'État, à ses établissements publics et aux collectivités territoriales, nous leur offrons un outil clé pour gérer à la fois l'urgence climatique et leurs finances : les collectivités n'auront pas à décaisser des sommes indispensables à d'autres politiques publiques.

Le marché global de performance énergétique (MGPE) garantit que ce mode de financement dérogatoire aura des règles et des limites ; par ailleurs, le tiers financement sera soumis à une procédure de vérification simplifiée, ni trop complexe ni trop chronophage.

Je n'en dirai pas davantage, si ce n'est que j'ai le sentiment que ce texte – qui, s'il est adopté par l'Assemblée nationale, sera étudié par le Sénat dès le début du mois de février selon la procédure d'examen accélérée –, fruit d'un excellent travail, n'est qu'une première étape. La deuxième étape consistera à définir les modalités de mise en œuvre du dispositif et à réunir l'ingénierie nécessaire, aussi ai-je demandé à la Banque des territoires d'étudier en détail les outils permettant d'exploiter les possibilités qu'ouvrirait l'adoption de cette proposition de loi. Enfin, la troisième étape appellera de nouveaux débats au Parlement : il s'agit de réfléchir à la possibilité d'isoler la dette verte contractée pour réaliser la transition écologique, non pour la faire disparaître, mais pour rendre visibles les investissements effectués aujourd'hui pour éviter demain l'explosion des factures. Quand bien même les seules vertus de cette mesure seraient pédagogiques, elle serait justifiée, car on ne saurait traiter de la même manière une dette visant à financer des investissements qui entraîneront une hausse future des dépenses de fonctionnement, et une autre visant au contraire à préparer la diminution des dépenses futures et à limiter l'ampleur du réchauffement climatique.

Je remercie tous ceux qui ont travaillé sur ce texte et me réjouis du débat qui s'annonce. Je salue en particulier les membres de la commission des lois, son président, M. Houlié, et bien sûr M. le rapporteur Cazenave.

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