Intervention de Thomas Cazenave

Séance en hémicycle du jeudi 19 janvier 2023 à 15h00
Faciliter le financement des travaux de rénovation énergétique des bâtiments publics — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaThomas Cazenave, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

La proposition de loi que je vous présente vise à ouvrir le tiers financement à l'État, à ses établissements publics et aux collectivités territoriales pour accélérer les travaux de rénovation énergétique des bâtiments publics. Ce chantier est primordial pour respecter nos engagements en matière de lutte contre le réchauffement climatique. En effet, le secteur du bâtiment dans son ensemble équivaut à 44 % de la consommation d'énergie finale et à un quart des émissions de dioxyde de carbone en France. Les bâtiments publics de l'État et des collectivités locales représentent à eux seuls 380 millions de mètres carrés, soit 37 % du parc tertiaire national ; dans les communes, ils sont responsables de 76 % de la consommation énergétique.

Nous nous sommes fixé des objectifs extrêmement ambitieux ; ainsi, le décret du 23 juillet 2019 relatif aux obligations d'actions de réduction de la consommation d'énergie finale dans des bâtiments à usage tertiaire – dit décret tertiaire – prévoit que la consommation d'énergie des bâtiments tertiaires doit être réduite de 40 % d'ici à 2030, de 50 % en 2040 et de 60 % en 2050 par rapport à 2010.

L'année 2030, c'est demain. Nous devons accélérer la rénovation du parc immobilier public, non seulement pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre, mais aussi pour réduire la facture énergétique dans un contexte d'augmentation du prix de l'énergie. Il nous faut également améliorer le confort des agents et des usagers du service public. Nous avons tous été marqués par les fermetures d'école, en juin dernier, dues à la canicule ; il faut tout mettre en œuvre pour qu'elles ne se reproduisent pas. Enfin, il y a là un enjeu d'exemplarité pour l'État, ses établissements publics et les collectivités territoriales, à l'heure où nous demandons aux particuliers de rénover leurs logements.

Relever ce défi nécessite des investissements considérables. À titre d'illustration, la seule rénovation des écoles représente un effort évalué à 40 milliards d'euros. Pour y faire face, nous devons mobiliser toutes les ressources disponibles. La présente proposition de loi entend faciliter et encourager ces investissements. Elle crée un nouveau dispositif expérimental pour cinq ans, permettant à l'État, aux établissements publics et aux collectivités territoriales d'étaler sur plusieurs années le remboursement de leurs investissements de rénovation énergétique – qui seront, alors, partiellement financés par les économies d'énergie réalisées grâce aux travaux. En d'autres termes, le texte permet d'investir maintenant et de lisser dans le temps le coût des investissements.

Ce dispositif s'inscrit par ailleurs dans le cadre des marchés globaux de performance, qui permettent à la puissance publique de fixer des objectifs de performance énergétique aux opérateurs qui effectuent les travaux. Ces derniers sont peu risqués, puisqu'ils sont soumis à des obligations de résultat.

Ce type d'opération n'était pas possible jusqu'à présent, sauf à recourir aux marchés de partenariat – modalité trop complexe et trop lourde, inadaptée aux travaux de rénovation énergétique. Les chiffres de l'Observatoire national des contrats de performance énergétique (ONCPE) sont éloquents : sur les 380 contrats de performance énergétique publics signés entre 2008 et 2021, seuls vingt ont été conclus sous la forme d'un partenariat public-privé. Contrairement aux contrats de performance énergétique, le dispositif expérimental permet à la puissance publique de garder la maîtrise d'ouvrage ; cette condition est essentielle, car l'État et les collectivités ne peuvent pas être dépossédés de leur bâti – je pense non seulement aux écoles, mais aussi aux hôpitaux et aux universités. Le dispositif est encadré et sécurisé : d'une part, le texte prévoit une analyse de la soutenabilité financière des contrats ; d'autre part, il prévoit une étude préalable de l'intérêt du projet, en particulier en matière de performance énergétique. L'expérimentation doit être réservée aux rénovations ambitieuses. Précisons qu'elle ne déroge pas au droit commun de la commande publique quant aux appels d'offres ou à la mise en concurrence des marchés globaux de performance.

Nous souhaitons que toutes les collectivités territoriales puissent se saisir de ce nouvel outil. Après avoir travaillé avec les associations d'élus – en particulier avec l'Association des maires ruraux de France (AMRF) –, nous avons décidé de supprimer le seuil de 2 millions d'euros initialement prévu pour recourir à ces opérations. Pour faciliter la mutualisation des rénovations, en particulier pour les petites communes, nous avons également travaillé avec France urbaine et la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR) en vue de clarifier la loi quant à la possibilité, pour les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et les syndicats d'énergie, de se saisir du dispositif. Je présenterai un amendement en ce sens.

Nous avons entendu certaines craintes concernant le traitement de la dette issue de ces contrats. Nous y avons répondu en adoptant un amendement de clarification en commission. Cette dette ne sera pas déconsolidée : elle ne sera pas cachée, mais sera clairement inscrite comme telle dans les comptes des collectivités. Nous devons – et nous pouvons – assumer collectivement que cette dette est utile, et même rentable.

Enfin, la proposition de loi prévoit que le Gouvernement remette au Parlement un rapport d'évaluation de l'expérimentation dans les trois ans suivant la promulgation de la loi. Nous devrons être attentifs à la bonne utilisation des contrats. Je souhaite qu'ils soient accessibles à toutes les collectivités territoriales, depuis les régions jusqu'aux communes – les plus petites d'entre elles mériteront une attention particulière. Il faudra également veiller à ce que les PME et les artisans, dans les territoires, puissent répondre aux appels d'offres directement ou par le biais de la sous-traitance. L'État devra enfin accompagner les collectivités dans l'ingénierie que nécessitent ces contrats. Je sais que la Banque des territoires, mais aussi l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) et le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema), entre autres, sont prêts à relever ce défi.

Le dispositif que je vous présente est donc abouti. Il a été enrichi par la trentaine d'auditions que nous avons menées auprès de représentants des collectivités territoriales et des services de l'État, ainsi que d'experts et de professionnels de la rénovation. Je tiens à les remercier pour leur contribution.

La proposition de loi est également le fruit d'un travail parlementaire transpartisan ; je remercie les membres de la commission des lois pour la qualité de nos débats – je pense particulièrement à Guillaume Gouffier Valente pour le groupe Renaissance, Mathilde Desjonquères pour le groupe Démocrate (MODEM et indépendants), Marie-Agnès Poussier-Winsback pour le groupe Horizons et apparentés, et Sandra Regol pour le groupe Écologiste – NUPES, qui ont contribué à améliorer le texte. Mes remerciements vont également à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires ainsi qu'à ses équipes, et au ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, avec lesquels nous avons eu des échanges de qualité.

Je formule le souhait que cette proposition de loi permette d'accompagner l'indispensable mouvement de rénovation énergétique des bâtiments publics dont nous avons besoin ; je vous appelle donc à la voter.

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