« Je vais vous dire un truc qui est une dinguerie, je vous promets que c'est la vérité, c'est hallucinant. C'est quelque chose qui guérit les cellules cancérigeuses (sic). C'est-à-dire que si tu as des cellules cancérigeuses dans ton corps, ce produit-là les tue. » Voilà comment, au mois de novembre 2022, l'influenceur Dylan Thiry a fait la promotion, sur son compte Snapchat, d'un médicament miracle qui détruirait les cellules cancérigènes dans le corps, avant l'apparition de symptômes… Catastrophique, n'est-ce pas ?
Je suis interpellé depuis des mois, dans ma circonscription, sur l'ampleur des arnaques liées aux « influvoleurs » : un sujet qui fait écho à mon travail sur les abus publicitaires des paris sportifs en ligne. Dans les deux cas, les principales victimes sont des jeunes des quartiers populaires qui, pour beaucoup, sont dans des situations précaires. C'est ainsi que j'ai décidé de lancer un travail d'expertise sur le sujet et de me rapprocher des principaux lanceurs d'alerte et collectifs.
Le sujet des « influvoleurs » enflamme régulièrement les réseaux sociaux, notamment avec l'explosion des placements de produits frauduleux. Shampooings aux compositions douteuses, régimes dangereux pour la santé ou commandes qui n'arrivent jamais, dropshipping… Et même une arnaque au compte professionnel de formation (CPF), pour en faire un outil de fraude et de détournement de fonds publics. Ces cas sont désormais nombreux et largement relayés par des collectifs de victimes, juristes ou simples citoyens.
Les pouvoirs publics, et notamment le Gouvernement, ont tardé à réagir. La direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) n'est pas dotée des moyens financiers et techniques pour agir, et de très nombreuses escroqueries restent impunies, alors qu'il suffirait de le vouloir pour que des sanctions soient prises.
Afin de sécuriser davantage ces activités et surtout de protéger les consommateurs, j'ai déposé, au mois de novembre, une proposition de loi visant à poser un premier cadre légal à l'activité des influenceurs et à définir un nouveau régime de responsabilité applicable à ces derniers. En effet, pour pouvoir agir contre les pratiques frauduleuses, il faut commencer par combler un vide en définissant dans la loi ce qu'est un influenceur. Ensuite, un grand nombre d'influenceurs ne mentionnent pas le caractère publicitaire de leurs publications : il faut donc une obligation et des sanctions. Par ailleurs, il est aujourd'hui impossible de signaler une pratique frauduleuse ou contraire aux dispositions légales sur la publicité sur la plupart des plateformes ou réseaux sociaux. Ma proposition de loi pose l'obligation, pour les opérateurs de plateforme en ligne, de mettre en place un dispositif de signalement des contenus relevant des pratiques commerciales interdites, agressives et trompeuses.
Des textes législatifs encadrent déjà la pratique des partenariats commerciaux, et les professionnels du secteur, réunis au sein de l'Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP), ont adopté de bonnes pratiques visant à clarifier les situations et permettant de définir les conditions à partir desquelles la collaboration doit être mentionnée et selon quelles modalités. Certains travaillent aussi sur des labels, comme la toute nouvelle certification Label Influence. Mais force est de constater que, dans la pratique, de nombreux contenus à caractère publicitaire n'indiquent pas l'existence du partenariat entre influenceurs et annonceurs, que le cadre légal est insuffisant et que l'autorégulation des acteurs ne saurait suffire.
Depuis le dépôt de ma proposition de loi, Bruno Le Maire a annoncé le lancement d'une consultation citoyenne, mais aussi des mesures législatives et réglementaires, ainsi que la création d'un statut d'influenceur. Par ailleurs, le député Stéphane Vojetta a annoncé déposer cette semaine une proposition de loi pour une meilleure régulation du secteur, et le Gouvernement envisagerait un examen du texte au mois de mars à l'Assemblée nationale.
Que faut-il attendre de la consultation citoyenne que vous avez lancée, et sera-t-elle réellement prise en compte ? Qu'attendez-vous pour sanctionner les arnaques qui peuvent déjà l'être à droit constant ? Pourquoi ne pas reprendre ma proposition de loi et retravailler ensemble à partir de ce cadre consensuel et concerté ?