Nous arrivons à l'issue, heureuse, de l'examen d'un texte très attendu par les étudiantes et étudiants sages-femmes. Leurs représentants sont présents dans les tribunes, tout comme notre ancienne collègue parlementaire Annie Chapelier, que je salue. C'est elle qui avait présenté la proposition adoptée, et les étudiantes et les professionnelles s'impatientaient de la poursuite de la navette parlementaire.
Nous ne doutons pas qu'à l'instar de ce qui s'est passé en commission, les débats à venir seront brefs ; l'absence d'amendements l'illustre et permettra l'adoption conforme de la proposition de la loi. Les étudiantes et les étudiants pourront ainsi, dès la rentrée prochaine, entamer leur troisième cycle universitaire avec une année qui, tout en ayant contribué à l'allègement du deuxième cycle, leur permettra de développer leur formation et, éventuellement, d'obtenir un diplôme de docteur en maïeutique. Rappelons qu'en cinq ans, les futures sages-femmes suivent mille heures de formation en maïeutique de plus que les étudiants en pharmacie, par exemple.
Nous l'évoquions en commission, le texte permettra d'autres apports bienvenus comme l'universitarisation, très attendue. Elle arrive tout de même avec six ans de retard par rapport à la date cible fixée par la direction générale de l'offre de soins. La situation n'était plus tenable, mais cela arrive enfin.
Ces mesures constituent une première étape vers l'amélioration de la reconnaissance et vers la valorisation du caractère médical du métier de sage-femme. Car, bizarrerie de notre droit, alors que les sages-femmes françaises disposent des compétences et des responsabilités parmi les plus avancées d'Europe – vous le rappelez dans votre rapport, monsieur le rapporteur –, elles contribuent, au-delà de l'accouchement en salle de naissance, à la santé des femmes tout au long de leur vie ainsi qu'à celle des nouveau-nés. Elles réalisent des actes de prévention, de diagnostic et de prescription en obstétrique, mais aussi en gynécologie et en pédiatrie. La profession n'est qu'insuffisamment alignée sur les autres professions médicales, malheureusement.
Évidemment, le groupe Socialistes et apparentés votera en faveur de cette proposition de loi mais ne saurait être satisfait du traitement global des étudiantes sages-femmes. Certains des témoignages que j'ai recueillis lors de mes échanges avec l'Association nationale des étudiants sages-femmes (ANESF) doivent alerter le Gouvernement. Selon l'enquête de l'ANESF, les maux s'accumulent à plusieurs niveaux : étudiants présentant des symptômes dépressifs et maltraitance durant les stages – à tel point qu'un quart des étudiantes a déjà pensé à arrêter ses études. Cette crise des conditions d'études s'explique logiquement par l'insuffisance de la reconnaissance de la profession mais aussi par des conditions réelles d'exercice qui sont déplorables : pas de gratification de stage en premier cycle ni d'indemnités kilométriques, malgré des dizaines de semaines de stage dès les premières années d'études. Par ailleurs, la durée des stages varie : dix semaines à Caen, douze à Lille et neuf à Besançon en deuxième année. Quant aux terrains de stage, ils sont parfois très éloignés des domiciles. Ces étudiantes sont déconsidérées par l'administration, ce qui affecte l'attractivité de la profession. Flore, qui est en tribune ce soir, a ainsi fait des allers-retours quotidiens entre Lille et Dunkerque – vous connaissez bien le département, monsieur le rapporteur –, soit une heure et trente minutes de route le matin et le même trajet le soir, sans aucune gratification ni aucun défraiement.
Madame la ministre déléguée, quand allez-vous prendre des engagements pour que l'État respecte au moins la loi et gratifie les étudiantes sages-femmes ? Ces étudiantes ont accès à une gratification en second cycle – 130 euros bruts pour un stage se déroulant à plus de 15 kilomètres du domicile : ne nous emballons pas ! – mais les centres hospitaliers universitaires (CHU) ne versent pas toujours correctement cette indemnité, soit parce qu'ils dépassent les délais, soit parce qu'ils ne la versent pas en totalité. Avec un peu d'audace, madame la ministre déléguée, vous irez plus loin et proposerez – je l'espère –, par voie réglementaire, au moins le remboursement des frais kilométriques et une revalorisation des gratifications de stage pour l'ensemble des stagiaires.
L'ensemble de ces défaillances et oublis complique évidemment la situation et la crise de recrutement. Le taux de places vacantes atteint 20 %, avec un pic à 37 % en Île-de-France, et le taux de radiation de l'ordre des sages-femmes s'élève à 112 % ; près de 4 000 sages-femmes en âge d'exercer se trouvent ainsi sans activité.
Vous le voyez, les parlementaires que nous sommes sont ouverts et déterminés à faire avancer et à revaloriser la profession de sage-femme. Nous voulons rendre à ces professionnelles des conditions d'exercice à la hauteur de leur mission, qui est essentielle. Saisissez donc cet appel, madame la ministre déléguée. Ne nous contentons pas de la première pierre que nous allons voter ce soir et travaillons tous ensemble, plus largement, à la revalorisation du statut et des carrières. Les socialistes y sont prêts ; allons-y !