Nous examinons en deuxième lecture une proposition de loi dont l'objet consiste à faire évoluer la formation des sages-femmes afin que soit mieux reconnu et valorisé le caractère véritablement médical de cette profession en France. Je dis « en France », parce que la profession de sage-femme constitue une singularité sans équivalent chez nos voisins européens, que l'on considère la durée de la formation, les compétences en matière d'accompagnement de la femme et du nouveau-né ou encore les responsabilités dont elles sont investies – car nous avons pris l'habitude de parler au féminin des sages-femmes, dont 98 % sont des femmes tout court, mais je n'oublie pas les 2 % d'hommes qui exercent ce métier. D'ailleurs, contrairement à ce que l'on pourrait croire, le terme « sage-femme » est épicène, puisqu'il désigne étymologiquement celui ou celle qui possède la connaissance de la femme.
Cette parenthèse grammaticale refermée, j'en reviens à l'objectif du texte : reconnaître, je le répète, le statut médical des sages-femmes en mettant leur formation en adéquation avec leurs compétences et responsabilités. Cette proposition de loi nous vient, sous la précédente législature, de notre ancien groupe Agir ensemble, et plus particulièrement d'Annie Chapelier, à qui je souhaite rendre un hommage appuyé. Tout au long de son mandat, en effet, elle n'a eu de cesse d'œuvrer en vue d'une meilleure reconnaissance des sages-femmes et d'une évolution de cette profession qui reste insuffisamment valorisée. Elle avait conçu ce texte sous une forme plus ambitieuse : sa première version, déposée en juin 2021, comptait vingt-six articles et embrassait l'ensemble des enjeux relatifs à l'évolution de la profession. Le principe de réalité nous avait forcés à la restreindre, d'une part parce qu'elle avait vocation à être examinée dans le cadre de la niche parlementaire de notre groupe, d'autre part parce que certaines problématiques relatives à l'extension des compétences des sages-femmes ne sont pas tout à fait consensuelles.
Annie Chapelier avait donc choisi de s'en tenir à la pose d'une première pierre : la réforme de la formation, par laquelle il était du reste indispensable de commencer, dans la mesure où elle déterminerait beaucoup d'autres évolutions. De nouveau déposée sous sa nouvelle forme, la proposition de loi fut donc soumise à l'Assemblée en première lecture, il y a plus d'un an. En commission comme en séance, son examen s'est déroulé, je dois le dire, de manière particulièrement apaisée et constructive, et les auditions ont débouché sur le dépôt et l'adoption, à l'initiative de la rapporteure, de plusieurs amendements visant à l'améliorer. C'est également dans cet état d'esprit qu'en octobre 2022, le Sénat a procédé à son tour à une première lecture. Tous les groupes étant convenus que le texte constituait pour les sages-femmes une avancée nécessaire et attendue, les sénateurs n'ont pas touché à la version que nous avions adoptée, à l'exception d'une date sur laquelle je reviendrai. Sur les cinq articles, trois ont ainsi fait l'objet d'un vote conforme ; s'agissant des deux qui restent en discussion, j'ai bon espoir que nous nous en tiendrons ce soir à la rédaction issue du Sénat – espoir nourri par le fait que la commission l'a adoptée à l'unanimité.
Je suis en effet convaincu que ce texte ne donne pas matière à désaccord, ce que je vais m'appliquer à vous démontrer en revenant brièvement sur ses dispositions. L'article 1er , l'un des deux articles modifiés par le Sénat, constitue le cœur du dispositif : il prévoit l'entière intégration universitaire de la formation des sages-femmes. Cet objectif avait été affirmé à plusieurs reprises, mais le processus semblait en panne, d'où la nécessité de le relancer ; l'article en fixe l'échéance à la rentrée 2027. En commission, certains se sont interrogés sur le choix d'une date si lointaine alors que le texte initial prévoyait un effet immédiat, c'est-à-dire dès la rentrée de l'année 2022-2023. De fait, les différents acteurs nous ont demandé ce délai supplémentaire afin de s'organiser. Il faut par exemple avoir en tête que les contrats passés entre les universités et le ministère le sont pour cinq ans : reporter la date butoir à 2027 permettra aux établissements concernés de prévoir l'intégration universitaire des sages-femmes dans la négociation de leur prochain contrat. Ainsi, cette formation se déroulera prioritairement au sein d'unités de formation et de recherche (UFR) en santé, ce qui permettra de la rapprocher de la formation des médecins. Si cet article reste soumis à discussion, c'est en raison d'une autre mesure de calendrier, dont l'effet se manifeste principalement à l'article 2 – j'y reviendrai à ce propos. Quant au reste, l'article 1er a fait l'objet d'un consensus, tant à l'Assemblée qu'au Sénat.
L'article 1er bis a donné lieu à un vote conforme qui l'exclut de cette nouvelle discussion. Il prévoit un statut de maître de stage agréé en maïeutique, remédiant ainsi à une anomalie, car il paraît étrange que ce statut n'ait pas été créé plus tôt.
L'article 2, l'autre article phare de cette proposition de loi, vise à ajouter à la formation des sages-femmes une sixième année, constituant un troisième cycle qui leur donnera le statut de docteur en maïeutique. Cette évolution sera bénéfique à tous points de vue : elle améliorera la reconnaissance du caractère médical de la profession, favorisera les stages et permettra de mieux répartir la charge des études – l'actuel second cycle étant très lourd –, ainsi que de développer la formation en physiologie et la recherche en maïeutique, laquelle, en France, demeure embryonnaire – si j'ose dire. Cet article est encore en discussion pour la bonne raison que le Sénat a modifié le calendrier d'instauration du troisième cycle. Celui-ci devait concerner tous les étudiants en maïeutique entamant la première année du deuxième cycle, autrement dit leur quatrième année, à la rentrée 2023. Estimant que l'on ne pouvait imposer une sixième année à des étudiants engagés dans une formation de cinq ans, les sénateurs ont prévu que le troisième cycle ne s'appliquerait qu'aux étudiants qui entameront après le 1er septembre 2024 la deuxième année du premier cycle, c'est-à-dire leur première année de maïeutique à proprement parler, l'année initiale étant consacrée au parcours d'accès spécifique santé (Pass) et donc commune à toutes les études de santé.
Comme l'examen de la proposition de loi a pris un peu de retard, la date d'application a en outre été décalée du 1er septembre 2023 au 1er septembre 2024 afin de ménager le temps nécessaire pour les mesures d'application. La mesure votée par le Sénat me semble de bon sens. Elle répond d'ailleurs à une demande convergente de l'ensemble des acteurs. Si elle a également un effet sur la rédaction de l'article premier, comme je l'ai dit tout à l'heure, c'est parce que celui-ci prévoit la date d'exigibilité du nouveau diplôme de docteur en maïeutique, qui est logiquement décalée par le report de l'application du troisième cycle.
L'article 3 a été adopté conforme. Il crée un statut d'enseignant-chercheur en maïeutique, ce qui rejoint l'objectif d'encourager la recherche dans ce domaine. Enfin, l'article 4, également adopté conforme, modifie l'insertion de la profession de sage-femme dans la nomenclature d'activités française et dans la nomenclature des professions et catégories socioprofessionnelles, afin de tenir compte de la nature médicale et non paramédicale de cette profession.
Voici résumée en quelques mots la proposition de loi qui nous est soumise. Je pense que, comme nous l'avons fait en commission, nous pouvons la voter unanimement…