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Intervention de Nathalie Bassire

Séance en hémicycle du lundi 16 janvier 2023 à 16h00
Aide universelle d'urgence pour les victimes de violences conjugales — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNathalie Bassire :

Avant tout, je tiens à saluer à mon tour l'engagement, au Sénat, de Valérie Létard et des autres membres du groupe Union centriste, qui sont à l'origine de la proposition de loi. En toute cohérence, il était légitime que notre propre groupe poursuive ici leur travail, et je salue l'investissement de la rapporteure dans ce texte. La prise de conscience du sujet dont il traite s'est accélérée ces dernières années ; depuis le Grenelle des violences conjugales, notre arsenal juridique a été renforcé, ce dont nous pouvons nous féliciter.

Mais reconnaissons que nous en sommes encore aux balbutiements. Malgré le renforcement des mesures, le nombre des victimes et celui des plaintes continuent d'augmenter, preuve que le chemin est encore long. Savez-vous qu'en Guadeloupe, dans la circonscription de mon collègue Olivier Serva, un monument a été érigé en hommage à des victimes de violences intrafamiliales ? En outre-mer comme dans l'Hexagone, aucun territoire n'échappe à une terrible réalité : la difficulté d'accompagner au mieux les victimes. À titre d'exemple, les premiers retours au sujet des expérimentations visant à améliorer l'accès au logement des victimes montrent qu'un nombre encore réduit de territoires s'est saisi des possibilités ouvertes par la loi. Nous pouvons et nous devons faire mieux, et vite.

Évidemment, la priorité doit être l'éviction de l'auteur des violences du domicile conjugal. Mais il est parfois plus urgent, voire préférable, de mettre les victimes à l'abri. C'est la raison pour laquelle notre groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires appelle le Gouvernement à augmenter le nombre de places en centres d'hébergement et de réinsertion sociale. En effet, la dépendance économique dans laquelle les victimes se trouvent vis-à-vis de leur conjoint empêche l'étape essentielle de mise à l'abri, et cette dépendance se constate quels que soient les niveaux de revenus. Voilà une des raisons pour lesquelles nous avons plaidé pour la déconjugalisation de l'allocation aux adultes handicapés (AAH). L'indépendance économique est un préalable à toute protection, à toute émancipation.

Le dispositif d'avance d'urgence proposé par ce texte s'inspire d'initiatives locales de certaines CAF et de conseils départementaux, qui jouent un rôle fondamental dans l'accompagnement et la mise à l'abri des victimes. Malheureusement, les prêts sur l'honneur et autres aides accordées par ces structures se trouvent aujourd'hui limités. Ce constat est à l'origine de la proposition de loi, dont l'objectif premier est d'élargir le nombre de personnes concernées, sachant que les aides actuelles sont soumises à conditions de ressources, et de leur garantir un soutien immédiat. Il s'agit aussi de proposer aux victimes un accompagnement social et professionnel adapté, en visant leur indépendance économique.

Comme je l'avais indiqué en commission, notre groupe est conscient qu'un prêt n'est pas la solution parfaite ; tout le monde ici en conviendra. Nous avons toutefois considéré de prime abord que c'était une réponse utile pour permettre aux femmes de s'extirper rapidement d'un environnement dangereux, d'autant que le dispositif prenait en compte la situation financière de la personne pour échelonner voire annuler les différents remboursements. Aussi, nous ne cachons pas que nous souhaitions initialement voter le texte du Sénat sans proposer de modification. Un vote conforme aurait permis une mise en œuvre immédiate du dispositif et une avancée, une respiration au bénéfice des femmes concernées – même à titre temporaire, le temps de mettre en place un dispositif plus ambitieux.

Les députés de la commission des affaires sociales en ont décidé autrement en adoptant des amendements, réduisant ainsi les chances d'une entrée en vigueur rapide du texte. Nous en avons pris acte et avons décidé de nous saisir de cette opportunité pour aboutir à une mesure ambitieuse et consensuelle. Les amendements transpartisans de réécriture permettent ainsi de proposer un prêt ou une aide non remboursable, selon la situation de la victime. Nous nous en réjouissons, d'autant qu'il est prévu que la charge du remboursement pèse sur l'auteur des violences, selon la même logique que le texte initial qui permettait de faire payer l'auteur pour une situation dont il est responsable. Le débat qui s'ouvre nous permettra toutefois de proposer des pistes d'amélioration de ce nouveau dispositif.

Quoi qu'il en soit, notre groupe est convaincu que l'adoption de cette proposition de loi constituera une avancée non négligeable, sans épuiser évidemment les solutions qu'il reste à mettre en place. Nous avons la grande responsabilité aujourd'hui de tout faire pour arriver à une écriture ambitieuse et j'en appelle particulièrement au Gouvernement : c'est aussi sa responsabilité d'inscrire le texte à l'ordre du jour du Sénat le plus rapidement possible afin de parvenir à une adoption définitive, dans l'intérêt des victimes de violences conjugales.

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