Ce débat, pour lequel nous remercions nos collègues du groupe Socialistes et apparentés, est important au vu de l'urgence climatique que nous traversons et dont témoignent les incendies, les inondations et les épisodes de gel ou de sécheresse qui touchent régulièrement la France et le reste du monde.
L'ambition qui sous-tend la loi « climat et résilience » est d'inscrire la France dans une trajectoire de réduction de ses émissions de carbone. J'avais, au cours de son examen, pointé le nombre insuffisant de mesures susceptibles de lutter de façon concrète contre le dérèglement climatique. L'occasion nous est offerte aujourd'hui de dresser un bilan de la mise en application du texte et d'en évoquer les difficultés, non pour critiquer vainement mais pour améliorer les choses.
S'agissant d'abord de l'artificialisation des sols, l'objectif Zéro artificialisation nette a suscité des critiques dès le départ et son application pose désormais problème. Il cause aux collectivités territoriales des difficultés de planification et s'avère délicat à concilier avec les politiques de revitalisation économique ; il pousse surtout à la recentralisation en matière d'aménagement, qui, de fait, restreint considérablement les marges de manœuvre des élus locaux. Enfin, le dispositif tient peu compte de la réalité des territoires ruraux, où l'artificialisation des sols reste somme toute limitée. Dans ces zones, imposer une division progressive par deux de l'artificialisation des sols revient à limiter la capacité de construction. Le danger est de plonger les petites villes et les villages dans des difficultés d'aménagement particulièrement grandes. Le Gouvernement s'est dit conscient de l'imperfection du dispositif adopté et de la nécessité de le corriger. Nous attendons que ses annonces se concrétisent.
J'évoquerai ensuite la question de la rénovation énergétique des bâtiments. La lutte contre les passoires thermiques engagée à travers ce texte est une grande victoire, puisque nous nous attaquons ici à la racine du mal-logement. Ce début d'année marque, d'une part, l'interdiction de la mise en location des passoires thermiques – les logements de catégorie G – et, d'autre part, le plafonnement des loyers des logements amenés à être rénovés sous peine d'être prochainement interdits à la location. Dans l'absolu, il faut se féliciter de ces évolutions, même si un flou juridique demeure : l'interdiction faite aux propriétaires d'augmenter les loyers des passoires thermiques semble n'être effective que lors d'un renouvellement de bail ou lors d'un changement de locataire, en conséquence de quoi l'ensemble des locataires restant dans leur logement continuent de voir leurs loyers progresser à mesure que l'indice de référence des loyers est revalorisé.
Plus globalement, l'application de la loi « climat et résilience » nous fait entrer dans une période d'incertitude vis-à-vis de l'état du marché locatif. Face aux coûts de rénovation, le risque existe en effet de voir les propriétaires retirer leur bien du marché et d'aggraver ainsi les tensions. Il est vrai que des dispositifs d'aide existent, mais les conditions d'éligibilité, les lourdeurs administratives et la nécessité d'avancer certains frais découragent bon nombre de propriétaires de s'engager dans des travaux de rénovation, d'autant que le reste à charge, malgré les aides, reste encore trop souvent insurmontable.
Enfin, j'appelle votre attention sur le risque de créer une France à deux vitesses : si les coûts de rénovation peuvent être amortis par des loyers suffisamment élevés dans les grandes villes, ce n'est pas le cas dans le reste du territoire. Si nous ne prêtons pas une attention particulière aux petites villes et aux campagnes, nous risquons de ne récolter qu'une démultiplication de biens vacants et de migrations subies.
Vous l'aurez compris : si ce texte nous semble constituer une avancée majeure et indispensable, nous souhaitons que son application tienne davantage compte de la diversité des territoires, des élus locaux et des difficultés que peuvent rencontrer nos concitoyens.
Nous avons en effet besoin d'une transition écologique réussie. Le spectacle du monde nous tient en alerte. Partout, croissent les populations, qui réduisent toujours davantage l'espace naturel, et dont les besoins légitimes nous conduisent à prélever toujours plus sur le capital non renouvelable. Je peux évoquer la Corse, qui n'est pas le pire exemple, mais qui n'en est pas moins agressée par les accidents climatiques, par l'incivisme, par le béton engendré par une croissance démographique annuelle de 4 000 habitants et par une frénésie de spéculation. Elle est un milieu fragile et en souffrance – à l'image, finalement, de ce qui se passe peu ou prou partout ailleurs. Sans mesures fortes, certes difficiles à assumer mais indispensables, les problèmes s'aggraveront et se multiplieront.