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Intervention de Pap Ndiaye

Séance en hémicycle du mardi 10 janvier 2023 à 21h30
État de l'école de la république — État de l'école de la république

Pap Ndiaye, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse :

Vous me permettez aujourd'hui de revenir sur l'action réalisée depuis sept mois et, au-delà, sur ma vision de l'école.

L'école laïque, gratuite et obligatoire est le symbole le plus vif et le pilier essentiel de notre République. C'est son histoire et son évolution, son identité et sa raison d'être. Notre école est notre bien commun. Le droit inconditionnel à l'éducation pour tous les enfants, quelle que soit leur nationalité, fait partie de cette histoire.

L'engagement de ses personnels est remarquable : au quotidien pour faire progresser les élèves, lors de la crise sanitaire en préservant la mission d'éducation contre vents et marées, face aux grands enjeux de notre monde, aux mutations de la société, à la remise en cause du principe de laïcité, aux demandes multiples de l'institution, des élèves et des parents et parfois aux pressions et aux menaces.

Il est impératif de réaffirmer les valeurs de la République à l'école. L'émancipation voulue par l'école républicaine ne se négocie ni sous la pression religieuse ou politique ni sous l'influence préoccupante des réseaux sociaux. Donner à tous les élèves accès au savoir et à la culture, c'est être vigilant vis-à-vis des dangers et des défis de notre époque.

Les atteintes à la laïcité sont sanctionnées et la loi de 2004 fermement appliquée. La laïcité est d'abord une liberté, celle de l'émancipation par le savoir et par le raisonnement. Les formations engagées sont poursuivies et amplifiées. Dans le même temps, les équipes éducatives sont soutenues et formées, les enseignants protégés, quelles que soient les menaces qu'ils peuvent subir. Dès mon entrée en fonction, j'ai pris des dispositions pour renforcer les équipes Valeurs de la République chargées d'assister les chefs d'établissement et les équipes éducatives lorsque des questions se posent et quand des signalements sont faits.

La loi de 2004 n'est pas une loi de contraintes mais de libertés. Elle permet la transmission du savoir dans un espace neutre d'un point de vue politique et religieux. Le ministre de l'éducation nationale Jean Zay, avant d'être assassiné en juin 1944 par la Milice, prononça ces mots qui résonnent encore aujourd'hui : « Les écoles doivent rester l'asile inviolable où les querelles des hommes ne pénètrent pas. »

Dès que j'ai eu connaissance des chiffres de signalement des atteintes à la laïcité, par exemple pour le mois d'octobre, j'ai mis en place un ensemble d'actions répondant au triptyque « dialogue, sanction, protection » des professeurs. Ma détermination à ce sujet est totale : je ne tolère aucune attaque ou remise en cause du principe de laïcité dans notre école pas plus que la moindre violence ou menace, d'où qu'elles viennent, à l'égard des enseignants.

Le respect du cadre que nous ont légué les bâtisseurs de la République nous enjoint de tout mettre en œuvre pour la réussite de tous les élèves. Malgré un dévouement sans faille des personnels et malgré des avancées importantes lors du précédent quinquennat, les constats relatifs au niveau scolaire sont durs et persistants. Ils concernent le niveau des élèves – les comparaisons internationales révèlent des lacunes préoccupantes – ainsi que la crise du recrutement des professeurs. Ils reflètent également l'expérience quotidienne des établissements, où les horaires annuels dans chaque discipline peinent à être couverts.

Petit à petit, ce tableau peut conduire à une défiance à l'encontre de cette institution qui nous est si chère. Un Français sur deux ne fait pas confiance à l'institution scolaire bien que les trois quarts d'entre eux fassent confiance aux professeurs. À l'heure où, pourtant, le système scolaire conduit 80 % des élèves au bac, les Français doutent de leur école. C'est un paradoxe que nous devons résoudre.

Nous devons progresser en fixant des objectifs ambitieux. Les tests en orthographe, en lecture, en calcul ou en langues vivantes indiquent qu'il faut encore insister sur les enseignements fondamentaux. Notre école doit viser l'excellence pour tous les élèves et donner toutes les chances de réussite à chacun d'eux, garantir les mêmes chances de réussite pour tous.

Cet engagement s'incarnera dans un ensemble d'actions pour l'école maternelle afin qu'elle soit à la hauteur des ambitions de réussite et d'épanouissement, première brique indispensable à la réussite scolaire – vous avez raison, madame la députée Descamps.

Il se traduira aussi dans la poursuite des plans de formation des professeurs en mathématiques et en français, y compris, madame la députée Genevard, s'agissant de l'apprentissage de la lecture, mais encore dans la poursuite et l'amplification des évaluations nationales des acquis des élèves en français et en mathématiques pour répondre immédiatement aux difficultés rencontrées par les élèves et mettre en place une pédagogie adaptée. Il s'agira également d'assurer de meilleures conditions d'apprentissage à l'école primaire par la poursuite des dédoublements des classes en éducation prioritaire, et par le plafonnement à vingt-quatre élèves en grande section de CP et de CE1, hors éducation prioritaire.

Un travail en profondeur sur le collège vient d'être entamé. En dix ans, le nombre d'élèves en difficulté a bondi de dix points et un collégien sur quatre n'a pas le niveau attendu en fin de troisième. Trop forte, la rupture entre le CM2 et la sixième renforce les inégalités scolaires plutôt qu'elle ne les réduit. Il faut donc faciliter le passage de l'école primaire au collège en proposant des choses simples : travailler régulièrement l'orthographe, la conjugaison et la grammaire, consolider encore ou approfondir le français et les mathématiques en sixième.

J'ai en effet pour ambition de construire une nouvelle classe de sixième qui puisse assurer à chaque élève la maîtrise des savoirs fondamentaux indispensables à la suite de sa scolarité. Chaque élève bénéficiera d'une heure hebdomadaire de soutien ou d'approfondissement en mathématiques ou en français, autour des compétences clés, afin de remédier aux difficultés des plus fragiles mais aussi de cultiver l'excellence des plus à l'aise. Le dispositif Devoirs faits sera rendu obligatoire afin de donner davantage d'autonomie aux élèves et ainsi de réduire les inégalités devant les apprentissages.

Pour penser les grands défis de demain, les mathématiques doivent plus que jamais faire partie de notre culture commune. J'ai décidé de lancer en novembre dernier une stratégie nationale pour les mathématiques avec plusieurs objectifs : réconcilier tous les élèves avec les mathématiques, élever le niveau général et faire progresser encore notre niveau d'excellence en mathématiques en suscitant davantage de vocations, notamment chez les filles. C'est pourquoi j'ai décidé de réintroduire, à la rentrée prochaine, l'heure et demie de mathématiques pour tous les élèves en classe de première générale.

Une école engagée pour l'excellence, c'est aussi une école qui relève les défis contemporains. Les actions déjà menées ne sont pas suffisantes pour répondre aux enjeux de la transition écologique, et les élèves sont pourtant très intéressés et engagés sur le sujet. C'est pourquoi le ministère déploiera de nouvelles actions dans les toutes prochaines semaines.

Ainsi, ayant acquis le niveau nécessaire, les élèves s'offrent le choix de leur orientation et peuvent accomplir une entrée réussie dans le milieu professionnel. À la rentrée 2023, la découverte des métiers sera généralisée à partir de la classe de cinquième. Et j'ai engagé avec Carole Grandjean, ministre déléguée à l'enseignement et à la formation professionnelle, une réforme en profondeur du lycée professionnel car trop d'élèves décrochent encore, souvent mal orientés, et la moitié des bacheliers professionnels est sans emploi plusieurs mois après l'obtention du baccalauréat. Nous nous devons de favoriser à la fois l'insertion dans l'emploi, la réussite dans l'enseignement supérieur et la maîtrise des savoirs fondamentaux : c'est une ardente obligation pour l'avenir des élèves et pour préserver la force économique du pays.

Mon ambition porte aussi sur l'égalité des chances et la lutte contre toutes les formes de discrimination. À cet égard, le renforcement de la mixité sociale dans les établissements scolaires par l'implantation de filières d'excellence dans les établissements de l'éducation prioritaire et le renforcement de la mixité dans tous les établissements sont une nécessité. Notre système doit continuer à faire émerger l'excellence sous toutes ses formes, tout en permettant à toutes et tous de l'atteindre. À cette fin, nous devons lutter contre toutes les formes de déterminismes sociaux et contre toutes les assignations comme l'a dit M. Corbière. Une école qui, tout en la promettant, n'accorde pas l'égalité produit non seulement des injustices mais aussi une défiance et un sentiment de colère parfois. Le ministère a récemment publié les indices de positionnement social des collèges et des lycées : ils montrent l'existence de forts écarts sociaux dans la carte scolaire alors que l'on sait que la mixité est un facteur de réussite pour tous.

Des objectifs vont donc être assignés aux recteurs d'académie qui, en lien avec les collectivités territoriales, agiront notamment sur les affectations scolaires. Je vous confirme, madame Faucillon, que l'enseignement privé sous contrat devra apporter sa contribution à cet effort. Et pour rebondir sur vos propos, monsieur Le Vigoureux, j'indique que nous allons également engager le chantier de la refonte de la carte de l'éducation prioritaire – je sais que votre assemblée s'est récemment saisie du sujet – car nous devons la rendre cohérente avec les réalités sociales d'aujourd'hui. C'est en effet une carte datée, qui n'a pas été revue depuis 2014, et basée alors sur des indicateurs de 2011. Elle ne répond plus aux réalités sociales des territoires et je souhaite que nos réflexions convergent à cet égard.

L'égalité des chances passe aussi par une politique volontariste visant à assurer une scolarisation de qualité et un enseignement accessible à tous les élèves. Aujourd'hui, plus de 430 000 élèves en situation de handicap sont accueillis dans les établissements et ce chiffre est en constante augmentation. Face à l'ampleur des besoins, nous avons agi en créant 300 unités localisées pour l'inclusion scolaire (Ulis) en 2022, ce qui porte le total à plus de 10 200 classes Ulis sur l'ensemble du territoire. En outre, 4 000 AESH ont été recrutés à la rentrée 2022, et 4 000 de plus le seront à la rentrée 2023. J'ajoute que les AESH bénéficient désormais de la prime REP et REP+ et qu'ils obtiendront 10 % de revalorisation de leur salaire en 2023. De plus, Geneviève Darrieussecq, la ministre déléguée chargée des personnes handicapées, et moi-même travaillons aux modalités d'un passage aux 35 heures pour les AESH qui le souhaiteraient. Ainsi, au-delà des moyens, nous nous engageons sur la qualité de l'enseignement à travers une professionnalisation renforcée de tous les personnels, y compris des AESH, madame Santiago.

Enfin, l'égalité des chances, c'est aussi lutter contre toutes les formes de discrimination : le racisme, l'antisémitisme, les LGBTphobies… C'est un combat malheureusement toujours d'actualité et que j'ai souhaité affirmer en le plaçant parmi les priorités de l'éducation nationale. Je rappelle qu'un climat apaisé contribue à la réussite des élèves.

Nous répondons aux ambitions que je viens d'afficher par un budget de l'éducation nationale en hausse de 6,5 % pour l'année 2023. La revalorisation salariale qui s'appliquera à la rentrée prochaine sera importante et contribuera à redonner aux enseignants la place qui doit être la leur dans le pays tout en attirant davantage de candidats, madame Bannier. De plus, un nouveau pacte sera conclu avec les professeurs qui, grâce à l'évolution de leurs missions, pourront mieux accompagner chaque élève. Il s'agira, par exemple, d'assurer du renforcement pédagogique ou des remplacements de courte durée pour limiter le nombre d'heures perdues par les élèves, ou encore de se former hors du temps d'enseignement. L'accomplissement de telles missions permettra une nouvelle augmentation salariale. Les concertations à ce sujet avec les organisations syndicales s'ouvrent la semaine prochaine. Bien sûr, rien ne se fera sans les enseignants. Nous allons en outre repenser les modalités de recrutement, mieux gérer le quotidien des professeurs, leur carrière et leurs mutations par une meilleure gestion des ressources humaines, une gestion en proximité : c'est un impératif, par exemple en outre-mer.

Il faut enfin redonner aux professeurs les marges d'initiative qui leur manquent tant et cesser de les infantiliser par un fonctionnement parfois uniquement descendant. La méthode nouvelle de concertation, dans le cadre du Conseil national de la refondation, ici le CNR éducation, permet à la communauté éducative et à ses partenaires extérieurs de déterminer leurs actions pour la réussite scolaire des élèves de leur établissement, avec la possibilité d'un financement à la clef. L'adhésion des équipes éducatives à la démarche du CNR éducation a dépassé les projections initiales s'agissant tant du nombre de concertations déjà enregistrées que de leur traduction dans le dépôt de projets, ce qui démontre bien l'envie et la capacité des équipes éducatives à s'approprier cette liberté nouvelle.

Mesdames, messieurs les députés, l'école est notre bien commun le plus précieux parce qu'il fait le lien entre le monde des élèves qui la fréquentent et celui des adultes qui y travaillent. Elle esquisse aussi le lien entre ce que sont ses élèves aujourd'hui et les citoyens qu'ils seront demain. Elle doit être le lieu qui apprend le libre arbitre, l'empathie et l'entraide. Elle doit répondre à une exigence morale qui engage notre cohésion et notre devenir en tant que démocratie. La place des élèves dans la société et l'attention que nous leur accordons leur permettra de s'exprimer et d'agir positivement plus tard en tant que citoyens. L'ensemble de la société est dépositaire de cette ambition ; la communauté enseignante et éducative doit y retrouver sa place centrale. Comme vous avez pu le comprendre, mesdames et messieurs les députés, je suis un ministre de l'éducation nationale qui regarde en face les difficultés et qui y répond sans catastrophisme. Certains d'entre vous ont parlé de je ne sais quelle déconstruction de l'école. Il n'y a rien de tel. Je suis au contraire totalement déterminé à poursuivre le principe de l'école républicaine, à faire de l'école un lieu de réussite et d'émancipation pour toutes et tous.

2 commentaires :

Le 28/01/2023 à 21:20, Aristide a dit :

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"La laïcité est d'abord une liberté, celle de l'émancipation par le savoir et par le raisonnement. "

C'est justement par le raisonnement que l'on comprend que l'on ne peut pas interdire les foulards à l'école pour des raisons religieuses.

Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui

Le 28/01/2023 à 21:21, Aristide a dit :

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"Mon ambition porte aussi sur l'égalité des chances et la lutte contre toutes les formes de discrimination. "

Arrêtez de discriminer les filles qui portent un foulard alors.

Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui

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