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Intervention de Fabrice Le Vigoureux

Séance en hémicycle du mardi 10 janvier 2023 à 21h30
État de l'école de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFabrice Le Vigoureux :

Débattre de l'école, c'est débattre de l'une des missions les plus nobles, les plus essentielles et les plus exigeantes de notre nation : celle d'enseigner, de transmettre, de former des citoyens éclairés et de donner à chaque enfant les clés pour trouver sa voie et les moyens de s'épanouir. C'est pourquoi il faut saluer toutes celles et tous ceux qui exercent le métier d'enseignant ou qui contribuent, à leurs côtés, à élever nos enfants. C'est aussi pourquoi il est essentiel de redonner tout leur sens à ces métiers, de les valoriser et de mieux les reconnaître.

Les enseignants sont confrontés à des défis redoutables, à commencer par la baisse généralisée du niveau des élèves, particulièrement marquée pendant la première moitié de la décennie 2000 et suivie, d'après les évaluations du Pisa qui se sont succédé, d'une relative stagnation. Vous avez vous-même récemment, monsieur le ministre, rappelé qu'un quart des élèves qui entrent en sixième ne maîtrisent pas suffisamment le français et que cette proportion est d'un tiers pour les mathématiques. Les personnels sont aussi confrontés à un écart très fort, objectivé par ces mêmes études, entre les élèves issus des milieux défavorisés et les autres. Ils doivent enfin gérer – même si la liste des défis auxquels ils doivent faire face n'est pas exhaustive – des relations parfois dégradées avec des parents qui, pour de multiples raisons sur lesquelles nous n'avons pas le loisir de nous attarder ici, cultivent, pour les uns, une forme d'indifférence et, pour les autres, des attentes démesurées envers l'institution scolaire dans les champs du savoir et, de plus en plus, du savoir-être.

Votre objectif premier consiste à faire de la maîtrise des savoirs fondamentaux à la fin de la sixième une réalité. Nous ne pouvons que vous en féliciter. Heures de soutien en groupes restreints en sixième assurées par des professeurs des écoles volontaires ; renforcement de la place de la dictée, du calcul mental et de la rédaction tout au long du cycle 3 ; extension du dispositif Devoirs faits – car on ne bénéficie pas toujours de bonnes conditions de travail à la maison : tout cela contribue à une meilleure transition entre l'école et le collège, à une plus grande maîtrise de certains fondamentaux et à la réduction des inégalités.

Je poursuivrai en formulant quelques préconisations, dont je sais que vous partagez l'esprit et l'ambition, et qui visent toutes à contrer un certain nombre de déterminismes sociaux ou de trajectoires déjà écrites.

La première concerne l'éducation prioritaire. Le dédoublement des classes de grande section, de CP et de CE1 dans les réseaux d'éducation prioritaire (REP) et les réseaux d'éducation prioritaire renforcés (REP+) a donné d'indéniables et très encourageants résultats. L'immense majorité des enseignants concernés par ce dispositif, qui a permis de créer 10 800 nouvelles classes et qui concerne 300 000 élèves, témoignent de l'intérêt majeur de ces mesures et d'un climat de classe très apaisé depuis leur entrée en vigueur. Le chantier de l'éducation prioritaire ne s'arrête bien sûr pas là et les évaluations doivent être affinées pour en mesurer tout le bénéfice de long terme.

Il semble néanmoins particulièrement nécessaire de réviser une carte qui n'a pas évolué depuis 2015 et qui montre que des établissements cumulant les difficultés ne bénéficient toujours pas des moyens de l'éducation prioritaire. J'ai en tête l'exemple très marquant, dans ma circonscription, du collège Dunois de Caen, où plus de 50 % des élèves sont boursiers, où l'indice de positionnement social des élèves est l'un des plus faibles du département – il est même inférieur à celui d'un collège voisin classé en REP+ – et où une équipe très engagée d'enseignants se démène depuis des années pour accompagner de plus en plus d'élèves qui concentrent les difficultés. Ce collège devrait relever de l'éducation prioritaire. Je vous invite d'ailleurs à venir le visiter dans les prochains mois, monsieur le ministre, car il s'agit d'un cas très symptomatique de la nécessité de faire évoluer la carte des réseaux existants.

S'agissant ensuite des carrières enseignantes, il a été rappelé qu'en 1980, un jeune professeur gagnait environ 2,3 fois le Smic, ce qui correspondrait aujourd'hui à un salaire de plus de 3 000 euros net. Nous le savons, après des décennies de lent affaissement des rémunérations, le chantier de la revalorisation est éminemment nécessaire et sera forcément graduel. Je salue donc votre volontarisme en la matière, qui se manifeste dans le budget pour 2023 et qui permettra des progressions de salaire d'au moins 10 % pour tous les professeurs, ce qui n'était pas arrivé depuis bien longtemps. Je suggère en outre que nous prenions le temps de repenser les modalités de fin de carrière des enseignants. Tenir une classe est parfois éprouvant et les années qui passent peuvent en rendre la charge mentale et physique particulièrement éreintante. Il me paraît important d'alléger les services ou de proposer aux enseignants les plus expérimentés, pour leur fin de carrière, des travaux d'encadrement en groupes très réduits dans le primaire et dans le secondaire. Je suis prêt, bien évidemment, à y travailler à vos côtés.

Enfin, je vous sais très sensible à la question du mentorat. J'en mesure tous les bénéfices, car j'ai lancé à Caen, il y a cinq ans, une opération de compagnonnage baptisée « Tandem Pro » et destinée à 900 élèves de première scolarisés dans quatre lycées de ma circonscription. Un élève se voit affecter un parrain ou une marraine, qui lui donne de la confiance, lui ouvre ses réseaux et lui dispense des conseils, lui permettant de croire en lui-même et en ses projets. Nous devons continuer à amplifier ces opérations de type « 1 jeune, 1 mentor » car elles font souvent beaucoup de bien et contribuent à décloisonner le monde de l'éducation et celui des acteurs économiques.

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