L'école est le socle, le pilier essentiel de la République. L'augmentation du budget qui lui est consacré dans la loi de finances pour 2023 témoigne de l'importance que notre pays entend accorder à l'éducation. Cependant, une question demeure : l'école de la République peut-elle, dans son état actuel, garantir la démocratisation de la réussite ? La tribune que vous avez signée le 22 décembre dernier dans le journal Le Monde, monsieur le ministre, met en relief la nécessité, au vu de la situation actuelle, de « réformer l'école » de la République. Vous y exposez trois exigences, que je me permets de reprendre ici.
La première concerne l'amélioration du niveau scolaire des élèves. Depuis le début des années 2000, les résultats des enquêtes internationales placent en effet la France à un niveau inquiétant qui doit au minimum nous interroger et que nous nous devons d'analyser. En dix ans, le nombre d'élèves en difficulté a bondi de dix points. Trop d'enfants orientés en seconde générale et technologique affichent un niveau insatisfaisant en mathématiques et en français. Bien évidemment, l'État, à travers sa politique éducative, tente depuis plusieurs années de remédier à cette situation. Outre le dédoublement des classes de CP et de CE1, je pourrais citer bien des mesures qui ont été prises en ce sens. Toutefois, de nombreux enseignants, démunis face à la baisse du niveau scolaire général, font état d'une perte de sens de leur métier, malheureusement amplifiée par la crise des vocations mais aussi par leurs conditions de travail.
J'en viens ainsi à votre deuxième exigence, qui a trait au bon fonctionnement de l'école. La baisse vertigineuse du nombre de candidats depuis 2021 inquiète : elle s'établit à 38 % au concours de professeur des écoles pour 2023 et à 21 % au concours externe du certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement du second degré (Capes). Pour lui rendre ses lettres de noblesse, il est indispensable que le métier d'enseignant soit revalorisé à la hauteur du niveau auquel les professeurs sont recrutés et du travail qu'ils fournissent. La formation doit quant à elle être réétudiée. Le renforcement de l'accompagnement des néotitulaires est essentiel pour consolider le démarrage de la carrière professorale, ou encore pour favoriser la création d'une véritable équipe éducative, et pas seulement pédagogique. Le Gouvernement a promis de revaloriser les traitements mais en excluant de cette mesure les enseignants expérimentés ou en fin de carrière. On reste donc loin de la hausse promise par le Président de la République au cours de sa campagne. Le manque global de reconnaissance du métier crée un malaise grandissant parmi les enseignants.
Votre troisième exigence porte sur l'égalité des chances. Vous avez raison : améliorer le niveau des élèves et réduire les inégalités constituent deux enjeux fondamentaux, quasiment indissociables. Chacun doit trouver sa place à l'école pour trouver sa place dans la société, sans le faire au détriment d'autres élèves. Pourtant, la France fait partie des pays de l'OCDE dans lesquels l'origine sociale pèse le plus lourd dans les trajectoires scolaires. Notre système semble inefficace pour la quasi-totalité des 3 à 4 millions d'enfants dont les parents vivent sous le seuil de pauvreté. Nous savons tous, par exemple, que des élèves de 7 ou 8 ans sont parfois notifiés à la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) dans l'espoir de trouver des solutions à leurs difficultés, alors même qu'ils ne sont pas porteurs de handicap. Une expérience est d'ailleurs en cours dans le Valenciennois pour identifier ces enfants dès l'école maternelle, l'objectif étant de créer un partenariat entre l'éducation nationale et le secteur médico-social. Ses premiers résultats sont révélateurs du bien-fondé d'une telle méthode et de l'importance d'agir dès la petite enfance.
L'égalité des chances suppose aussi de permettre l'inclusion scolaire des élèves handicapés, en gardant à l'esprit que certains d'entre eux s'épanouiront davantage et évolueront mieux dans des structures adaptées qui restent trop peu nombreuses en France. Enfin, on ne saurait évoquer l'inclusion scolaire sans faire mention du rôle essentiel des AESH – vous savez où je veux en venir, monsieur le ministre. S'il est indéniable que des mesures ont été prises pour limiter la fragilité du métier, le contrat et la rémunération de ces professionnels demeurent bien trop précaires pour assurer une véritable égalité des chances.