L'histoire de la République est liée à celle de l'école. Déjà pendant la Révolution française, des voix s'élevaient pour qu'on donne au peuple l'instruction nécessaire à son émancipation. L'état de notre école, qui a jadis fait notre fierté, laisse à désirer et son fonctionnement contribue à creuser les inégalités. Votre gouvernement y contribue, monsieur le ministre, en lançant une cacophonie de réformes qui se contredisent sans cesse ; il n'y a qu'à voir le traitement des mathématiques dans le tronc commun de la réforme du baccalauréat et le recul de la part des jeunes filles dans la filière scientifique. Nous avions bien alerté – certes, c'était hier –, mais on nous répondait lors des questions au Gouvernement que tout allait bien. In fine, les mathématiques ont été réintégrées au tronc commun.
Dans ce contexte, mon propos portera sur un thème qui m'est cher : faire réussir les plus fragiles. C'est en tant qu'ancienne vice-présidente du département du Val-de-Marne pendant onze ans, chargée de la protection de l'enfance et de la prévention spécialisée, que je vous le dis.
Prenons tout d'abord la question de l'orientation. En France, la voie professionnelle est injustement dévalorisée depuis des années, privant notre nation de personnel qualifié dans différents métiers en tension, dont certains ont une très haute valeur ajoutée. L'aide à l'orientation reste notoirement insuffisante et pénalise les élèves dont l'environnement familial n'est pas favorable à la découverte de tous les possibles. Par exemple, les 54 heures annuelles d'aide à l'orientation ne sont en général pas assurées. Pourtant nous le savons : un meilleur accompagnement permettrait de réduire le nombre d'échecs, trop nombreux, et le sentiment de dépréciation éprouvé par les élèves.
Pour faire réussir tous les enfants, l'école a également besoin d'excellents professeurs, ces hussards noirs qui font notre République. Alors qu'il faudrait renforcer l'attractivité du métier d'enseignant, vous continuez de saborder une profession déjà trop précaire, à travers notamment les job datings organisés cet été ; nous en avons observé les effets dévastateurs mais ils pointent une situation plus que préoccupante dans certaines académies. Regardons la réalité en face : il est nécessaire d'assouplir les mutations des enseignants et de mieux les rémunérer – sans qu'ils aient à accomplir des tâches supplémentaires pour avoir le droit à une prime dont nous savons en outre qu'elle n'entrera pas dans le calcul de la retraite.
Une troisième faiblesse, peut-être la plus grave, pénalise notre école : les inégalités scolaires. En 1870, Jules Ferry disait : « […] faire disparaître la dernière, la plus redoutable des inégalités qui viennent de la naissance, l'inégalité d'éducation. C'est le problème du siècle et nous devons nous y attacher. » Plus de 150 ans plus tard, la France reste l'un des pays de l'OCDE où l'origine sociale pèse le plus sur le destin scolaire.