M. D. n'a « pas de contrat, pas de fiche de paye, pas de congés ». Il est payé 80 euros par jour pour des journées de travail qui s'achèvent souvent à vingt et une heures. M. D. indique, dans le journal Le Monde, travailler à la construction du village des athlètes des Jeux olympiques et paralympiques de 2024. Sa situation n'est pas une anomalie, mais bien une réalité courante sur ce chantier que la Société de livraison des ouvrages olympiques (Solideo) voulait pourtant « exemplaire en matière économique et sociale ».
Les enquêtes publiées par Le Monde et par Libération sur les conditions de travail très dégradées des travailleurs sans papiers employés sur les chantiers des JO sont accablantes. Le parquet de Bobigny a d'ailleurs ouvert en juin 2022 une enquête préliminaire pour travail dissimulé, emploi d'étrangers sans titre en bande organisée et blanchiment aggravé. Pourtant, cette situation est connue depuis longtemps du ministère du travail, du Comité d'organisation des Jeux olympiques et paralympiques (Cojop) et de la Solideo. En janvier 2022, déjà, les syndicats alertaient sur la multiplication des accidents graves survenus sur les chantiers des JO, sur l'absence de permanences syndicales et sur le trop faible nombre de contrôles assurés par l'inspection du travail. Alors que la CGT évoque une « nébuleuse de sociétés » de sous-traitance impliquées dans les chantiers des JO, le manque criant de contrôles par l'inspection du travail apparaît comme une faute et un refus d'entendre les cris d'alarme des personnels impliqués dans les chantiers.
Déjà, en avril 2021, les révélations de Mediapart sur les propos racistes et sexistes tenus par plusieurs cadres de la Solideo nous alertaient. Les enquêtes du Monde et de Libération ternissent encore le tableau. Le ministère du travail est d'autant plus conscient de cette situation que des dispositifs spéciaux ont été instaurés par la préfecture de Seine-Saint-Denis pour permettre un traitement des dossiers des travailleurs sans papiers employés sur ces chantiers. Toutefois, ces travailleurs, comme les syndicats, dénoncent un dispositif grippé, et même embolisé : aucun dossier n'avance et aucun titre de séjour n'a été accordé à ce jour.
M. le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion a pris la peine de répondre au communiqué des élus de la Seine-Saint-Denis qui interpellaient les parties prenantes de ce dossier. Je l'en remercie, car il a bien été le seul. Néanmoins, sa réponse n'est pas satisfaisante, puisqu'il se contente de déclarer que des contrôles ont eu lieu, sans préciser quelles en ont été les suites. Or la seule question qui vaille est de savoir ce que deviennent les travailleurs sans papiers une fois les contrôles effectués. En l'occurrence, ils se retrouvent subitement sans ressources et sans travail. Alors que chacun sait que ces personnes sont indispensables, personne ne leur octroie la protection qu'elles méritent. Cette hypocrisie doit cesser.
Pourquoi la préfecture de Seine-Saint-Denis accorde-t-elle si peu de titres de séjour dans le cadre de la procédure spécifique de traitement des dossiers des travailleurs qu'elle a créée à l'occasion des JO ? Quels dispositifs comptez-vous instaurer pour ces personnes, qui subissent des conditions de rémunération et de travail indignes et se retrouvent sans emploi à la suite des contrôles de l'inspection du travail ? Quand comptez-vous faire la lumière sur le recours aux travailleurs sans papiers employés sur l'ensemble des grands chantiers de l'État, particulièrement sur ceux des Jeux olympiques et paralympiques de 2024 ?