Le principe d'adéquation entre formation et emploi a été déconstruit depuis trente ans, en tout cas en sociologie. On sait désormais qu'il ne fonctionne pas : pour le meilleur ou pour le pire, la majorité des élèves finissent par exercer un métier auquel leur formation initiale ne les avait pas préparés.
Comme vous le dites, les territoires ruraux connaissent bien sûr des problématiques spécifiques que nous n'avons pas le temps de développer ici. Proposer des formations conçues pour être en adéquation avec le territoire présente également un autre risque. Par exemple, les territoires ruraux souhaiteront certainement développer les formations relatives à l'agriculture ou à l'aide à la personne, espérant ainsi retenir les jeunes. Ne risque-t-on pas alors de les enfermer dans un bassin d'emploi donné ? Ne devrait-on pas leur donner la possibilité, la chance, de se déplacer ? J'ai enseigné quelques années à l'université d'Albi ; je me suis alors rendu compte que deux tiers de mes étudiants, pourtant élèves dans l'enseignement supérieur, n'étaient jamais allés à Toulouse, une ville distante de 70 kilomètres seulement. Il me paraît donc important de décloisonner, d'enrichir l'expérience des jeunes en leur permettant de circuler entre différents territoires.
Enfin, la recherche démontre que l'école a pour rôle de transmettre aux élèves des compétences suffisamment variées pour s'adapter à différents métiers, à différents milieux professionnels. En rester au principe d'adéquation entre la formation et l'emploi ne permet donc pas d'élargir l'éventail de compétences des élèves, ni de favoriser leur réussite professionnelle.