Sur la première question, les stop and go, dans le domaine du nucléaire, a eu de quoi désorienter les gens désireux de s'engager dans cette filière. Entre 2000 et 2010, Areva était le deuxième employeur de référence en France. L'entreprise était très bien vue, participait aux forums des grandes écoles, allait dans les universités et recrutait beaucoup en apprentissage, sans aucune difficulté. J'ajoute que, dans un monde qui était très masculin – ce qui est paradoxal, puisque les deux grandes découvreuses de la radioactivité ont été des femmes, Marie Curie et Irène Joliot-Curie –, nous sommes parvenus à féminiser les recrutements. Alors que les femmes représentaient 20 % des promotions d'ingénieurs, on en recrutait 30 à 35 %. On a vraiment fait bouger les choses. Puis le vent a tourné et les plans sociaux se sont multipliés.
La bonne nouvelle, c'est que l'attractivité du nucléaire est de retour. Je fais tous les ans une petite séance avec les ingénieurs-élèves du Corps des mines. Cette année, 50 % d'entre eux vont faire un stage dans le nucléaire et, parmi les 50 % restants, 25 % iront vers d'autres types d'énergie : au total, 75 % vont donc se consacrer à l'énergie, alors qu'on était tombé à 10 % en moyenne ces dernières années. Il y a un engouement pour l'énergie, parce qu'on en parle beaucoup, mais aussi parce que les jeunes prennent conscience de sa dimension géostratégique. Il ne faut surtout pas que les entreprises passent à côté de cet élan. Et il faut bien réfléchir à la manière de tout reconstruire.
En matière de recyclage, il y a plusieurs écoles. Je pense qu'il faut continuer la recherche et voir comment on peut faire du retraitement poussé, comme on disait autrefois. La Hague est un merveilleux objet. Je me rappellerai toujours ce ministre russe, à qui je faisais visiter l'usine un an après mon arrivée chez Cogema, et qui n'arrêtait pas de me demander où étaient les autres usines : il n'arrivait pas à croire que celle-ci suffisait à retraiter autant de combustibles.
J'ai toujours dit que nous étions des nains sur des épaules de géants. On a réussi à faire des choses extraordinaires sur le plan technologique en France : il faut en être fier. Tout est possible, mais il faut être innovant et audacieux, retrouver une ambition collective.