Mes interlocuteurs gouvernementaux ont été nombreux. Comme je vous le disais, on ne m'a jamais opposé de refus, mais on me disait toujours que ce serait pour plus tard. En 2001, nous étions dans une période de cohabitation : tout était aligné, on se disait que, quel que soit le vote des Français, on y arriverait.
Une question revenait sans cesse : fallait-il ouvrir le capital d'Areva ou financer l'entreprise budgétairement ? Elle n'a jamais été tranchée : on penchait d'un côté, puis de l'autre. On nous a beaucoup promis de nous financer budgétairement mais je n'ai jamais rien vu venir.
La deuxième chose très perturbante, c'est qu'on a eu tendance à vouloir transformer Areva en « Caisse des dépôts industrielle » – on nous a ainsi demandé régulièrement de racheter Alstom. Areva avait un fonds de démantèlement. Mes prédécesseurs, chez Cogema, avaient mis sous séquestre les masses financières nécessaires au démantèlement futur des installations ; nous étions la seule entreprise européenne à avoir totalement provisionné ces charges. Or cet argent, que nous avions investi en bon père de famille, on nous poussait à l'investir autrement. Il a été très difficile pour nous de garder notre cap. Je ne donnerai pas de noms, mais je me rappelle qu'on nous poussait à investir dans certains projets pour « faire bien ». J'expliquais que nous devions faire des investissements coûteux et de long terme pour assurer des niveaux de sûreté très élevés. On me répondait souvent : « Oui, bien sûr, on va le faire », ou : « Pas maintenant ». Et puis il y a eu Fukushima.