Cela s'est passé de manière assez claire. Dans la stratégie d'EDF, les Émirats arabes unis ne faisaient pas partie des pays prioritaires. Quand nous avons voulu construire une offre collective avec les grands énergéticiens français – Total, qui occupait une place importante dans ce pays et se posait beaucoup de questions sur son développement dans le nucléaire, et GDF-Suez, qui souhaitait être investisseur et opérateur du réacteur –, EDF n'a pas souhaité y aller. C'est un sujet très intéressant, qui montre que les stratégies doivent être globales.
Dans le même temps, Nicolas Sarkozy décide de construire un EPR en France. Le choix du futur exploitant donne lieu à une grosse bataille entre EDF et GDF-Suez, qui souhaite construire un Atmea. La balance penche plutôt en faveur de ce dernier car la construction d'un Atmea en France permettrait de le vendre plus facilement à l'étranger ; de plus, l'existence de deux exploitants nucléaires français permettrait de mieux exporter. Or, la décision a finalement été prise de prendre EDF. Dans la foulée, je suis convoquée aux Émirats arabes unis où l'on me fait remarquer que lorsque la France a le choix, elle prend EDF ; ils entendent donc en faire autant. Or EDF refuse. L'équipe de France, en l'occurrence, a manqué de coordination. Quant à l'offre coréenne qui a finalement emporté le marché, c'était un « package » contenant non seulement des réacteurs nucléaires mais aussi des armements ; elle s'est conclue par une perte d'au moins 10 milliards d'euros pour la Corée.