S'agissant des délais de construction, l'erreur d'appréciation est manifeste de la part d'EDF comme d'Areva.
Pourquoi de tels dérapages ? Première explication, nous avions perdu des compétences – cela vaut pour les ingénieurs mais aussi pour les sous-traitants – puisque nous n'avions pas construit de centrales depuis longtemps. Le premier problème auquel nous avons été confrontés – et qui m'a mis la puce à l'oreille quant à la difficulté de la tâche – a concerné les murs en béton construits par Bouygues ; ce dernier n'avait pas respecté les normes en matière nucléaire qui imposent une certaine densité du béton. Je savais dès lors qu'il serait dur de relancer une machine qui était rouillée.
Deuxième explication, l'aéronautique, domaine dans lequel j'ai encore des responsabilités, et le nucléaire ont ceci en commun que la sûreté est une question prioritaire. Dès lors, toute modification est infiniment plus compliquée et coûteuse qu'on ne le pensait. Les ingénieurs – qui étaient également répartis entre EDF et Areva – ont sous-évalué les conséquences des modifications considérant que celles-ci n'étaient pas majeures. Lors du lancement du programme, certains au sein d'EDF plaidaient d'ailleurs pour améliorer l'ancien modèle plutôt que d'en construire un tout nouveau, mais la décision avait déjà été prise et les investissements lancés.
La rivalité entre EDF et Areva, anciennement Framatome, est regrettable. J'avais souhaité que nous travaillions ensemble, ce qui était le cas lorsque les deux entreprises étaient détenues par des capitaux publics. Areva avait développé un modèle économique dans lequel il vendait des centrales clé en main sans EDF – c'était une condition incontournable. Cela explique l'absence de retombées d'Olkiluoto, contrairement à Taishan, ou Hinkley Point. Je le regrette. Depuis, la situation a heureusement été corrigée dans le bon sens.