Je me suis consacré à la seule séparation entre les activités transport, distribution et production.
S'agissant de la distribution, la séparation était assez logique et ne soulevait pas de problèmes. De surcroît, nous disposions déjà de régies locales dotées de leurs propres systèmes à Bordeaux ou à Strasbourg, même si nous jugions la séparation d'avec Gaz de France (GDF) un peu dommageable. Nous avons pu réaliser des économies d'échelle et les compteurs automatiques d'Enedis ont également rendu la relève des compteurs inutile, celle-ci mobilisant de nombreuses personnes.
Le transport suppose également de veiller à l'équilibre entre la production et le marché. EDF a ainsi créé une cellule – qui dialogue en permanence avec RTE – consacrée à la planification de l'équilibre entre la production et la consommation. La séparation m'avait alors paru un peu regrettable mais cette structure fonctionne. De plus, les conséquences financières sont nulles, EDF n'ayant pas été obligée de faire des arbitrages entre le transport et la distribution ou la production au détriment du réseau. C'est aujourd'hui le régulateur qui arbitre puisque c'est lui qui fixe les tarifs permettant à RTE de se rémunérer, les tarifs étant fixés en fonction des investissements prévus par RTE. Le modèle que j'ai décrit, où le cash-flow devait financer les investissements, s'applique par nature au transport.
Quant à l'ouverture du marché, nous étions confiants car nous étions convaincus qu'EDF en sortirait gagnant, avec les meilleurs tarifs en Europe. En revanche, j'ai hurlé lorsqu'il a été question de subventionner nos concurrents avec l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (ARENH), qui est une monstruosité !
Je me fais l'avocat du diable : EDF a le monopole du nucléaire et nul ne pourra investir dans ce domaine ; ses concurrents doivent donc bénéficier d'une partie de la rente nucléaire. Or, aucun d'entre eux n'a investi, ni dans le nucléaire ni même dans la production – si l'on excepte Total, qui en a les moyens et qui n'a pas besoin de cela pour le faire. Bruxelles a introduit la pilule empoisonnée de l'ARENH pour empêcher EDF de s'imposer sur le marché et de bénéficier de sa rente ! Un tel dispositif n'aurait jamais dû être accepté. Les accointances avec l'Allemagne étaient d'ailleurs patentes, l'industrie et le pouvoir politique allemands étant conscients de l'avantage français. Les tarifs d'EDF pour les secteurs domestique et industriel étaient alors nettement inférieurs – d'environ 30 % – à ceux en vigueur dans ce pays. Bruxelles et l'Allemagne jugeaient que c'était une distorsion de concurrence.