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Intervention de Vice-amiral Hervé Bléjean

Réunion du mercredi 16 novembre 2022 à 11h05
Commission de la défense nationale et des forces armées

Vice-amiral Hervé Bléjean, directeur général de l'état-major de l'Union européenne :

Le plan d'action sur la mobilité militaire 2.0 répond à deux priorités. Des fonds sont d'abord fournis pour adapter les infrastructures, afin que les ponts par exemple soient en mesure de soutenir des chars Leclerc, Léopard, etc. Le plus difficile et le plus important sera toutefois de réduire les « tracasseries » administratives liées aux franchissements de frontières, notamment avec du matériel dangereux (munitions, etc.). Un précédent commandant suprême des forces de l'OTAN en Europe (SACEUR) avait ainsi déclaré qu'« il est plus facile pour un migrant clandestin de traverser l'Europe que pour un militaire européen avec son équipement ». Même lorsque les infrastructures sont adéquates, des convois peuvent se retrouver bloqués durant deux jours, en raison d'incompatibilités des formulaires utilisés entre les pays voisins.

Il est aussi important de ne pas être « dans le bricolage ». Chacun aujourd'hui cherche une solution pour transporter son convoi et son personnel. Il faudrait aller vers davantage de solutions de l'Union européenne. Par exemple, je ne peux pas être un client du commandement de transport aérien européen, car la Grèce s'y oppose, au motif que la Turquie lui pose des problèmes en matière d'abonnement à une autre facilité de transport logistique. Un centre cohérent de pourvoyeurs de solutions de transport au sein du territoire européen doit donc être mis en place. La Commission a évoqué ce point avec M. Breton hier. Un projet de la coopération structurée permanente existe à ce sujet. Y sont associés les États-Unis, la Norvège, le Canada et, depuis le 11 novembre, le Royaume-Uni. C'est en effet un problème de l'OTAN également, que l'Union européenne peut résoudre. Cependant, la Turquie demande également à participer à ce projet, et ne comprend pas qu'on le lui refuse.

Nous n'avons pas été associés du tout à Sky Shield, qui a délibérément été annoncé au dernier moment.

Le CAT-C a été établi pour EUMAM en Pologne à Zagan, non loin de la frontière allemande, et le ST-C allemand a été établi à Strausberg, à côté de Berlin. Tous deux sont fondés sur des états-majors existants, donc dotés de structures équipées et opérationnelles. Je me rends en Pologne cet après-midi pour matérialiser ma prise de contrôle opérationnel du CAT-C polonais. Une formation de bataillon déjà en cours en Pologne basculera sous le commandement de EUMAM. De même, l'Allemagne commencera ses formations au niveau d'unités constituées à partir du lundi 21 prochain. Comme le Haut représentant s'y était engagé, les premières actions de formation auront donc eu lieu avant la fin du mois de novembre, ce qui permettra aussi de communiquer stratégiquement sur notre efficacité.

La France a demandé à réaliser sur son territoire toute la formation qu'elle délivrera, même s'il faudrait selon moi l'articuler autant que possible aux deux autres centres de formation. Des unités constituées seront formées dans ce cadre, et des formations spécialisées seront également délivrées en soutien médical, en lutte contre les engins explosifs improvisés (en anglais : IED), et en maintenance.

Le mandat de cette mission (comme de la plupart de celles que nous exécutons pour l'Union européenne) est de deux ans. Quelle que soit la durée de la guerre, une reconstruction sera ensuite nécessaire. EUMAM Ukraine constituera à cet égard le socle idéal pour aider les armées ukrainiennes à se reconstruire et à se réorganiser en armée moderne après la guerre : leur modèle initial reste actuellement postsoviétique. L'Ukraine nous le demande, notamment en matière d'automatisation et de numérisation d'un certain nombre de composantes, comme la gestion des ressources humaines.

En matière de renseignement, l'Union européenne ne possède aujourd'hui aucun moyen en propre à l'exception du centre satellitaire établi en Espagne, à Torrejón, qui réalise un travail remarquable d'analyse à partir d'abonnements aux satellites commerciaux. Ce service est ainsi fourni quotidiennement à l'Ukraine (et à la Moldavie, par exemple). Pour enrichir encore cette capacité d'analyse, nous aurions intérêt à ce que les États membres permettent à leurs moyens gouvernementaux d'accéder aux analyses du centre satellitaire. Pour le reste, nous analysons des données (élaborées ou brutes) fournies par les États membres. Une analyse très réussie de la menace et des défis (Threat Analysis) a ainsi servi à préparer la boussole stratégique. Tous les États membres y ont contribué, notamment l'Allemagne et la France, qui est l'un des meilleurs contributeurs au renseignement de l'Union européenne, en quantité comme en qualité. Au sein de l'état-major de l'Union européenne, la direction du renseignement militaire, qui travaille en permanence avec son pendant civil (l'Intelligence Center), est aujourd'hui devenue un partenaire crédible d'échange de renseignements avec différents partenaires, et notamment les Américains. J'ai ainsi accès à une riche base de données américaines classées secrètes, notamment concernant nos territoires d'action en Afrique. Or, nous n'avons pas grand-chose à leur offrir en contrepartie, hormis nos propres analyses.

Un ancien leader de l'OTAN avait dit que la guerre hybride était sous le seuil de la guerre conventionnelle, mais au-dessus du seuil de l'action. Elle est aujourd'hui permanente, dans des domaines attendus comme le cyberespace ou l'espace même, mais aussi dans des domaines plus inattendus, qui sont transformés en « armes hybrides » :

À cet égard, les résolutions du Conseil des Nations-Unies sont également utilisées comme des armes. Après un long suspense, une telle résolution a permis à l'opération Althea d'être prolongée d'un an. Il faudra cependant s'habituer à mener des opérations pour défendre nos intérêts stratégiques sans nécessairement qu'une résolution des Nations-Unies les accompagnent, ce qui constitue également une révolution pour l'Allemagne, les pays du Nord, etc.

Cette guerre hybride doit constituer un pilier de la défense européenne, comme elle l'est de la défense française, car elle constitue notre quotidien.

« L'égalité des genres » est le vocabulaire consacré à l'Union européenne pour l'égalité homme-femme : il ne désigne pas la théorie du genre. J'ai d'ailleurs le grand plaisir de vous annoncer qu'un général féminin belge a, ce matin, été élu au poste de directeur logistique de l'état-major de l'Union européenne. Elle est la première officier général du Command Group.

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