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Intervention de Vice-amiral Hervé Bléjean

Réunion du mercredi 16 novembre 2022 à 11h05
Commission de la défense nationale et des forces armées

Vice-amiral Hervé Bléjean, directeur général de l'état-major de l'Union européenne :

Merci pour votre intérêt et la pertinence de vos questions.

L'enjeu de la BITDE a été fortement débattu hier lors du conseil des affaires étrangères en format défense. Malgré les discours des États membres, tous ne sont pas réellement alignés à ce sujet, un groupe « polo-balte » notamment priorisant l'efficacité du soutien à l'Ukraine par rapport à l'origine de ce soutien, ce qui constitue évidemment un raisonnement un peu court.

Je constate également une dérive de l'Allemagne à cet égard. Les positions de la France et de l'Allemagne sont aujourd'hui diamétralement opposées sur tous les sujets (y compris l'énergie, etc.). L'initiative Sky Shield constitue un véritable « camouflet » pour la France. Même si ces enjeux dépassent mon niveau de responsabilité, je pense que nous devons inciter la commission à jouer son rôle. Le commissaire français, Thierry Breton, doit avoir une parole et des actions fortes dans le domaine de la préservation de la BITDE. L'évolution des périmètres de responsabilité de la Commission et du Service européen pour l'action extérieure (SEAE) a accru les ambitions de la Commission dans ce domaine, ce qui risque d'être au détriment de l'Agence européenne de défense, qui est un des outils de promotion de la BITDE. Il n'est pas possible en effet que deux patrons coexistent sur ces questions. La nationalité de la présidente de la Commission transparaît régulièrement dans ses propos. Le discours allemand tend notamment à revenir aux sources de l'OTAN, et à faire de l'Union européenne un sujet de deuxième priorité.

Les dispositifs mis en place pour promouvoir la BITDE restent aujourd'hui embryonnaires. Il ne sera possible de la renforcer que si les États membres acceptent de faire de l'acquisition en commun. L'Union européenne dispose aujourd'hui de 16 types de frégates et de 15 types de chars de combat : ce n'est pas un business model cohérent pour développer une industrie européenne de défense avec une vision d'avenir. 11 % des acquisitions en 2020 et 18 % en 2021 se faisaient en commun, contre 25 % il y a vingt ans. L'objectif fixé par l'Union européenne est de 35 %.

Il ne faut pas hésiter à trouver un cadre acceptable de préférence européenne pour les outils que nous développons. La commission met en place avec le SEAE un outil (en anglais EDIRPA : European Defence Industry Reinforcement through common Procurement Act) d'aide à la reconstitution des stocks. La mise en œuvre de cet outil repose d'après son texte fondateur sur deux conditions essentielles : l'acquisition commune (ce qui signifie aujourd'hui une acquisition par un minimum de trois États membres) des produits, et l'orientation des 500 millions d'euros prévus pour l'EDIRPA vers l'industrie européenne.

Jusqu'à présent, les équipements militaires fournis par les États membres à l'Ukraine n'ont pas été jugés éligibles au remboursement de la Facilité européenne pour la paix au regard de leur provenance, mais seulement de leur adéquation aux besoins ukrainiens et de leur délivrance effective.

Nous évoluons toutefois à cet égard. Nos stocks ont diminué, et dans la sixième tranche qui a été ouverte, nous ouvrons la possibilité aux États membres de nous demander si tel matériel sera éligible à un remboursement de la Facilité européenne pour la paix s'ils l'achètent. La seule phrase sur laquelle les États membres soient parvenus à un consensus consiste cependant à dire qu'il faut « tenir compte » des possibilités de l'industrie de défense européenne, ce qui n'est pas suffisant. Dans ce cadre, je demanderai aux États membres qui m'interrogeront sur l'éligibilité des achats qu'ils envisagent comment ils ont tenu compte des possibilités offertes par la BITDE. Ils ne seront pas obligés de me répondre, et leurs réponses seront peut-être insatisfaisantes. Le texte adopté n'est malheureusement pas suffisamment fort pour m'autoriser à bloquer les dossiers dans ce cas. N'ayant pas non plus la capacité de vérifier ces réponses, je demanderai à l'Agence européenne de défense de le faire, et je transmettrai ces dossiers au comité de la Facilité européenne pour la paix, en indiquant que le matériel proposé est éligible au regard des priorités ukrainiennes, mais par exemple que je n'ai pas reçu de réponse sur la manière dont la BITDE a été prise en compte.

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