Nous recevons aujourd'hui le vice-amiral Hervé Bléjean, directeur général de l'état-major de l'Union européenne depuis 2020. Il est également directeur de la capacité militaire de planification et de conduite (en anglais : MPCC). Il a exercé auparavant de hautes responsabilités au sein de la marine nationale, mais aussi au niveau international, à l'OTAN, et comme commandant de l'opération européenne Atalante de lutte contre la piraterie au large de la Somalie, ou encore comme commandant adjoint de l'opération européenne Sophia de lutte contre les trafics au large de la Libye.
L'état-major de l'Union européenne est composé de 200 personnes et il est chargé d'apporter au sein des institutions européennes une expertise militaire en lien étroit avec le comité militaire de l'Union européenne et le comité politique et de sécurité (COPS). La MPCC est en charge des missions de formation non exécutives de l'Union européenne.
Amiral, vous avez déjà été auditionné par notre commission le 5 janvier dernier. Nous avons souhaité vous entendre à nouveau moins d'un an plus tard, car le contexte a depuis radicalement changé. La guerre en Ukraine, qu'on croyait encore pouvoir éviter en début d'année, a constitué une rupture stratégique majeure, aux impacts considérables, notamment sur l'Europe de la défense. Nous serions donc très intéressés de connaître votre analyse sur ces impacts, et sur le rôle reconnu de l'OTAN dans la défense de l'Europe, en particulier depuis que la Finlande et la Suède ont demandé à y adhérer. Ce week-end se tient d'ailleurs à Madrid l'Assemblée parlementaire de l'OTAN.
Le concept d'autonomie stratégique porté par la France est-il encore pertinent et audible dans ce contexte, alors qu'une guerre de haute intensité a lieu aux frontières de l'Europe ?
L'Union européenne a fait face à cette guerre avec ses moyens, notamment en adoptant des sanctions très lourdes, qui affaibliront progressivement l'économie russe et ses capacités financières à faire la guerre. Elle a également lancé le mois dernier une mission de formation de 15 000 soldats ukrainiens, dont l'état-major de l'Union européenne aura la charge, à travers la MPCC. Pourriez-vous nous présenter ces actions ? Ne craignez-vous pas que cette dernière mission alimente le discours de la Russie sur la co-belligérance de l'Union européenne ?
Par ailleurs, malgré la guerre en Ukraine, la plupart des opérations et missions militaires de l'Union européenne se déroulent encore en Afrique. Après le retrait de l'opération Barkhane, l'arrivée du groupe Wagner et les soubresauts politiques connus par le Mali, les ministres des affaires étrangères ont approuvé le mois dernier le recadrage de la mission EUTM de formation des armées maliennes, qui se poursuit néanmoins. A-t-elle encore un sens ? Quelles sont les possibilités de repli vers le Niger ou le Burkina Faso, où la situation politique est également complexe ?
Enfin, nous aurons peut-être l'occasion d'échanger avec vous sur la situation immédiate en Pologne, et sur les impacts du bouclier antimissile sur l'articulation de la politique de défense de l'Union européenne avec l'OTAN.