Ce texte est bienvenu, car il va nous permettre de débattre de la principale proposition de la candidate du Rassemblement National à la dernière élection présidentielle en matière de pouvoir d'achat et ainsi d'en exposer les nombreuses faiblesses.
Premièrement, et contrairement à ce qui a été dit par M. le rapporteur, cette proposition engendrerait un coût considérable pour les finances publiques, alors que la majorité présidentielle est pleinement mobilisée pour faire en sorte que le travail paie mieux et pour préserver le pouvoir d'achat des salariés.
Deuxièmement, l'exemption proposée présenterait un bénéfice très modeste pour les salariés, car elle entraînerait des effets d'aubaine dans les entreprises ayant déjà prévu d'augmenter les salaires. Ces effets d'aubaine seront d'autant plus importants que les augmentations ultérieures viendront diluer progressivement cette hausse de 10 %.
Troisièmement, cette proposition serait parfaitement antiredistributive, car elle bénéficierait surtout aux salariés les plus qualifiés. Rappelons qu'au niveau du salaire minimal et à proximité, les employeurs ne payent déjà plus de cotisations patronales, du fait des mesures décidées par la majorité présidentielle. En pratique, les exonérations décidées bénéficieraient essentiellement aux salaires supérieurs à 1,6 Smic, voire 2,5 Smic.
À cet égard, je dois dire que l'exposé des motifs de la proposition de loi témoigne d'une certaine déconnexion avec la réalité, en incluant dans les classes moyennes les salariés gagnant jusqu'à trois Smic, soit 5 000 euros. Voilà ce que sont les classes moyennes pour vous !
La majorité est convaincue qu'il est nécessaire d'accroître le pouvoir d'achat de tous les salariés. C'est le sens des mesures qui ont été prises l'été dernier, comme la possibilité de monétiser les RTT. En revanche, privilégier de fait les exonérations sur les salaires les plus élevés est contraire à l'esprit de justice sociale, c'est pourquoi nous y sommes opposés.
Enfin, cette proposition induirait une très forte complexité dans notre système de prélèvements. En pratique, il s'agirait d'appliquer des exonérations à un flux, l'augmentation salariale ponctuelle, alors que le système d'exonération de charges repose sur une assiette constituée de la masse salariale globale. La mise en œuvre de cette disposition impliquerait donc une refonte profonde de notre système, ce qui la rend largement inapplicable.
En résumé, la mesure proposée serait budgétairement coûteuse, économiquement inefficace, moralement inéquitable et opérationnellement fragile. Le groupe Front national en est visiblement conscient, puisqu'il vient de déposer un amendement demandant un rapport sur les limites potentielles du dispositif. On ne saurait mieux exprimer le niveau d'impréparation et d'amateurisme qui entoure cette proposition, faite par Marine Le Pen lors de sa campagne.
Pour toutes ces raisons, le groupe Renaissance votera contre cette proposition et proposera un amendement de suppression.