C'est donc à cette injustice que nous avons tâché de répondre, car c'est au législateur de la réparer. L'absence de validation de trimestres liée aux conditions spécifiques de cotisations applicables aux personnes ayant effectué des TUC ou des stages similaires est une injustice à plusieurs égards.
Premièrement, le statut de stagiaire de la formation professionnelle accordé aux tucistes était largement abusif. Force est de constater que l'encadrement proposé par les organismes d'accueil était de faible qualité, voire totalement inexistant.
Selon les enquêtes menées par le service des études et de la statistique du ministère du travail, seul un quart des stagiaires a disposé d'un réel encadrement. Au total, seulement 13 % des stagiaires TUC ont bénéficié d'une formation pendant leur stage, dont 3 % au sein de leur organisme d'accueil.
Ces données rejoignent celles collectées par l'association TUC, les oubliés de la retraite, auditionnée la semaine dernière : seuls 9 % des 490 adhérents ayant répondu au sondage affirment avoir effectué une formation au cours de leur TUC.
Les enquêtes citées confirment que ce dispositif a été largement dévoyé. Des tucistes se sont vu confier des tâches peu gratifiantes et peu formatrices, relevant de l'entretien courant, notamment dans les petites communes. De nombreux employeurs se sont servis des TUC comme main-d'œuvre de substitution, en particulier dans certains établissements d'enseignement ou dans les hôpitaux, notamment pour assurer les fonctions de surveillant ou d'accueil au public, normalement dévolues à des personnes titulaires d'un contrat de travail.
Ces enquêtes sont corroborées par les nombreux témoignages que nous avons pu recueillir lors de nos auditions.
Il apparaît donc que, sous le vernis de la formation professionnelle, les stages TUC ont souvent été l'occasion pour les organismes d'accueil de bénéficier d'une main-d'œuvre à bas coût. En 1984, la rémunération des tucistes représentait l'équivalent de deux tiers du Smic à horaires équivalents. Selon les barèmes de conversion fournis par l'Insee, une telle indemnité serait aujourd'hui équivalente à 350 euros, largement inférieure au revenu de solidarité active.
Deuxièmement, cette situation est d'autant plus contestable que les personnes qui se sont inscrites dans cette démarche d'insertion, auraient pu bénéficier de trimestres de retraite si elles avaient décidé de rester au chômage. En effet, en application de l'article L. 351-3 du code de la sécurité sociale, les périodes de chômage sont assimilées à des périodes d'assurance, prises en compte pour le calcul de la retraite.
De ce fait, les tucistes subissent une véritable double peine. Ainsi, après avoir travaillé pour des indemnités qualifiées par certains de « salaire de misère » lors des auditions, ils pâtissent aujourd'hui d'une absence de prise en compte de ces années de travail pour leurs droits à la retraite. Ce sentiment d'injustice éprouvé est d'autant plus vif qu'il ne leur a été que très rarement précisé qu'ils seraient considérés comme stagiaires de la formation professionnelle au moment de l'embauche. En outre, les enquêtes menées à l'époque et les témoignages que nous avons recueillis ont révélé une très forte pression de la part des pouvoirs publics et de l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE) pour inciter les jeunes chômeurs à effectuer des TUC ou d'autres stages similaires.
Alors qu'environ 15 % des jeunes tucistes ont effectué au moins deux stages sous statut TUC, un nombre important de jeunes auraient enchaîné sur d'autres types d'emplois aidés. Selon les données collectées par l'association TUC, les oubliés de la retraite, environ un tiers des répondants bénéficiaires d'un TUC indique avoir effectué un autre type de stage : près de 50 % des répondants indiquent avoir effectué plusieurs stages TUC ou similaires ; 10 % affirment même en avoir fait trois ou plus.
Tous ces dispositifs présentent des caractéristiques communes : il s'agissait d'emplois aidés soumis au régime des stages de la formation professionnelle, visant à favoriser l'insertion professionnelle de jeunes pas ou peu qualifiés et dont le volet « formation » ne présentait, au mieux, qu'un caractère accessoire.
L'urgence pour trouver une solution afin de compenser ce sentiment d'injustice est réelle. D'après les données collectées par l'association TUC, les oubliés de la retraite, il apparaît qu'un peu plus de 5 % des tucistes devraient faire valoir leurs droits à la retraite en 2024 puis en 2025 ; 10 % en 2026 puis en 2027 ; 20 % en 2028 ; 10 % en 2029 puis 2030 ; 5 % en 2031, 2032 et 2033. Le pic des départs est donc prévu dans cinq ans, mais les premiers sont imminents, sinon déjà advenus.