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Intervention de Paul Christophe

Réunion du mercredi 14 décembre 2022 à 9h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPaul Christophe, rapporteur :

Chers collègues, nous sommes heureux de présenter devant vous les conclusions de la mission « flash » sur les droits à la retraite des bénéficiaires de travaux d'utilité collective (TUC) et dispositifs comparables. Destinés aux jeunes sans emploi, les TUC étaient une forme d'emplois aidés proposés entre 1984 et 1990 par des organismes à but non lucratif et des personnes morales chargées d'une mission d'utilité publique afin de leur permettre de répondre à des « besoins collectifs non satisfaits ».

Chaque TUC était prévu pour une durée de trois mois à un an, à raison d'une durée de travail hebdomadaire correspondant à un mi-temps (20 heures par semaine, à l'époque). La rémunération des personnes effectuant ces TUC – que nous appellerons les « tucistes » –, était prise en charge par l'État, à hauteur de 1 250 francs par mois, et pouvait être complétée par l'organisme d'accueil jusqu'à 500 francs supplémentaires.

Âgés de 16 à 25 ans à l'époque, les tucistes arrivent aujourd'hui en âge de prendre leur retraite. À ce titre, ils constatent qu'ils n'avaient pas validé un nombre de trimestres équivalant à la période durant laquelle ils ont exercé sous statut TUC.

Suite à la mobilisation de représentants des anciens tucistes, notamment par le biais de l'association TUC, les oubliés de la retraite, une pétition a été adressée à la Présidente de l'Assemblée nationale le 27 juin 2022.

C'est dans ce contexte que la commission des affaires sociales a souhaité la mise en place de notre mission. Menés sur un peu plus d'un mois, nos travaux ont permis d'identifier les raisons expliquant cette absence de prise en compte des trimestres travaillés sous statut TUC afin notamment d'évaluer les pistes permettant de résoudre ce problème.

En propos liminaire, je me permettrai de rappeler très brièvement le contexte dans lequel ont été conçus les TUC. La fin des années 1970 et le début des années 1980 ont marqué le début d'une hausse importante du chômage. Face à une croissance économique plus faible et des pics d'inflation, l'idée émergea de subventionner le retour à l'activité des personnes éloignées de l'emploi. L'attention d'alors se portait particulièrement sur les jeunes en mal d'insertion professionnelle, dans un contexte où de nombreuses sorties du système scolaire se faisaient sans qualification.

Dans les conclusions de son rapport sur l'insertion professionnelle et sociale des jeunes, que lui avait confié Pierre Mauroy en 1981, Bertrand Schwartz écrivait ainsi que 50 % des jeunes chômeurs se retrouvaient sans qualification professionnelle. Dans le prolongement de ces réflexions, l'État a donc mis en place, entre 1984 et 1990, entres autres dispositifs, des emplois aidés sous la forme de travaux d'utilité collective, plus communément appelés « TUC ». Ces emplois, qui relevaient du régime juridique des stages de la formation professionnelle, visaient à mettre le pied à l'étrier des jeunes les plus éloignés du marché de l'emploi en leur proposant une immersion en milieu professionnel.

Au moment de leur création, les TUC étaient pensés comme une extension au secteur non marchand des stages pratiques en entreprise conçus dans le cadre du plan Barre de 1977. Derrière les textes législatifs et règlementaires qui encadraient ce dispositif, il nous est vite apparu indispensable de nous intéresser au profil des tucistes. Nous devons avouer que les éléments statistiques que nous avons pu recueillir, notamment auprès de la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares), sont assez parcellaires.

Selon les données collectées, près de 1 700 000 stages TUC ont été conclus sur l'ensemble de la durée de vie du dispositif, soit environ 300 000 stages chaque année. J'attire votre attention sur le fait que ce chiffre correspond au nombre d'entrées dans le dispositif et non au nombre de personnes ayant effectué des TUC. En l'absence de suivi de cohorte, il nous a été impossible de quantifier avec précision cette donnée.

Néanmoins, si l'on applique à ce nombre total de contrats la ventilation du nombre de renouvellements constatée à l'appui du questionnaire envoyé par l'association TUC, les oubliés de la retraite à ses membres, il apparaît que plus d'un million de personnes pourrait avoir bénéficié d'au moins un TUC.

Plusieurs enquêtes menées entre 1986 et 1990 par le service des études et de la statistique du ministère du travail sur un échantillon représentatif de personnes révèlent que deux tiers des stagiaires étaient âgés de 19 à 25 ans. Ces jeunes avaient majoritairement déjà fait l'expérience de la précarité, malgré leur âge. Au moment de leur entrée en stage TUC, 87 % étaient au chômage ou peu qualifiés puisque près de 40 % d'entre eux n'avaient pas atteint le niveau CAP. Malgré une qualification plus élevée que leurs homologues masculins, les femmes représentaient toutefois la majorité des stagiaires TUC, ce qui témoignait déjà d'un statut plus précaire que les hommes.

Notons par ailleurs que le dispositif s'est progressivement féminisé puisqu'en 1985, 51 % des tucistes étaient des femmes contre 67 % en 1989.

Compte tenu de leur statut de stagiaire de la formation professionnelle, les personnes ayant effectué des TUC ont été mis dans l'incapacité légale de valider des trimestres de retraite. Les trimestres de retraite sont attribués sans référence à la durée réelle d'activité, mais seulement en fonction du salaire soumis à cotisation. Pour les périodes comprises entre le 1er janvier 1972 et le 31 décembre 2013 – applicables aux bénéficiaires de TUC –, la validation d'un trimestre nécessitait un salaire soumis à cotisation équivalent à 200 fois le Smic horaire. En tant que stagiaires de la formation professionnelle, les cotisations de retraite des personnes effectuant des TUC étaient intégralement prises en charge par l'État sur une base forfaitaire qui ne correspondait pas à leur rémunération réelle. Compte tenu du barème applicable à l'époque, les cotisations versées par l'État étaient insuffisantes pour leur permettre de valider leurs trimestres. En effet, un tuciste aurait dû travailler plus de 92 heures par semaine pendant un an pour pouvoir valider une année complète.

Aujourd'hui, les bénéficiaires de TUC se trouvent donc devant un véritable dilemme : choisir de partir avec une décote ou travailler au-delà de l'âge légal pour valider les trimestres qui leur manquent pour bénéficier du taux plein. Ce choix n'est évidemment pas neutre pour les personnes concernées et il est particulièrement injuste.

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