Intervention de Boris Ravignon

Réunion du mercredi 14 décembre 2022 à 9h35
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Boris Ravignon :

J'ai trouvé plaisir et intérêt à répondre au questionnaire du rapporteur parce qu'il permet de préciser le projet du président de l'Ademe que je deviendrai, si les commissions du Sénat et de l'Assemblée en décident ainsi.

S'agissant de la dernière question, ma candidature ne doit rien au hasard. La transition écologique, expression qui résume bien la complexité et l'ampleur du sujet, est le fil rouge de mon engagement politique national et local. Dès 2007, conseiller du Président Nicolas Sarkozy, en doublon avec Chantal Jouanno jusqu'à son départ pour l'Ademe, j'ai travaillé avec bonheur sur le Grenelle de l'environnement et ses suites pendant cinq ans avec des acteurs importants du virage écologique de notre pays, comme Jean-Louis Borloo. J'ai pu alors constater l'importance de l'Ademe et participé à la création de certains de ses outils tels que le fonds Chaleur. Issu directement des lois Grenelle, ce fonds, qui a vu le jour en 2009, est monté en puissance pour atteindre plus de 500 millions d'euros. Il s'est révélé comme l'un des outils les plus efficaces pour soutenir les énergies renouvelables destinées à la production de chaleur.

Après cette expérience nationale, j'ai eu le bonheur de devenir élu local et de poursuivre, comme maire et président d'agglomération, mon action au service de la transition écologique en prenant conscience des contraintes quotidiennes qu'elle implique. Pour développer des pistes cyclables dans une ville, réduire les vitesses de circulation et concilier les différents usages, la pédagogie sur le terrain est primordiale. Nous l'avons fait à Charleville-Mézières avec certains résultats – selon la Fédération française des usagers de la bicyclette (FUB), il s'agit de la ville moyenne dont l'équipement cyclable a le plus progressé.

Nous avons aussi mis en œuvre d'autres politiques, notamment pour la récupération de chaleur. Ainsi l'usine Stellantis chauffe désormais un quartier de la ville grâce à la récupération d'une chaleur auparavant dissipée à l'air libre. Cette écologie positive est très bien reçue par nos concitoyens car tout en améliorant le bilan écologique local, nous leur offrons une source de chaleur déconnectée des cours du gaz, ce qui est appréciable dans la période actuelle.

L'Ademe joue un rôle dans l'économie circulaire et l'accompagnement de la réduction des déchets. La communauté d'agglomération Ardenne métropole est la première agglomération de la région Grand Est à engager une démarche visant à créer une taxe d'enlèvement des ordures ménagères (TEOM) incitative.

En matière de mobilité électrique comme sur d'autres sujets, j'ai souvent constaté la qualité de l'expertise de l'Ademe, ainsi que son rôle central dans toutes les politiques de transition écologique. C'est pour mettre mes connaissances de praticien de la transition écologique au service d'un opérateur national que je suis candidat. L'expérience locale sera utile, elle est même une condition du succès de la massification de la transition écologique. L'Ademe est appelée à devenir l'agence des solutions de la transition écologique.

L'action de l'Ademe revêt une dimension territoriale considérable. Une petite moitié des effectifs est affectée aux directions régionales. L'agence est ainsi présente dans toutes les régions de métropole et d'outre-mer ; elle compte également des délégations à Saint-Pierre-et-Miquelon, en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie. Cette présence est nécessaire pour faire progresser la transition écologique non seulement dans des territoires favorisés mais aussi dans le reste du pays.

Je partage votre préoccupation quant aux besoins d'ingénierie de certains Epci, des intercommunalités de petite taille, des petites communes, voire des régions pour certaines missions spécialisées. L'Ademe dispose déjà d'outils pour y répondre.

Les conventions territoriales signées avec les collectivités permettent le financement de l'équivalent de 300 postes de chargés de mission d'ingénierie. C'est à la fois beaucoup pour le budget de l'Ademe et peu au regard des missions à accomplir, mais ces 300 postes s'ajoutent aux agents propres de l'agence et procurent de l'expertise au niveau intercommunal. En ce qui concerne les communes, l'ampleur de la tâche justifie d'avancer en ordre avec les autres opérateurs, dont l'Agence nationale de la cohésion des territoires (Anct) qui a pour mission généraliste d'apporter de l'ingénierie aux territoires les plus défavorisés. Il existe déjà, avec l'Anct, des conventions qu'il faudra encore mieux mettre en œuvre pour soutenir les petites communes et intercommunalités. Il y a des collaborations plus spécifiques avec d'autres opérateurs comme le Centre d'étude et d'expertises sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema). Le Cerema est un pourvoyeur d'ingénierie technique à la qualité reconnue.

Nous devons formaliser nos relations avec les autres opérateurs de l'État pour éviter les doublons et la concurrence mais aussi utiliser au mieux l'argent public mis à leur disposition.

La convergence, dont vous relevez à juste titre la nécessité, doit aussi être de mise avec les régions. Si la loi « 3DS » a ouvert la possibilité de déléguer aux régions la mise en œuvre du fonds Chaleur et du fonds Économie circulaire, aucune coopération n'est encore établie pour la décarbonation industrielle. En tant que vice-président, pour quelques jours encore, en charge du développement économique de la région Grand Est, je peux vous assurer que toutes les régions de France proposent aux entreprises de faire des diagnostics et de les aider à investir pour la décarbonation. Il serait dommage d'avancer en ordre dispersé et de dépenser l'argent public de la région et de l'État sans rechercher des synergies dans les interventions des uns et des autres. Si nous voulons entraîner dans ce sillage les 26 000 petites et moyennes industries (PMI) de notre territoire, nous avons intérêt à unir nos forces. Beaucoup reste à faire pour mieux coordonner l'action de l'État et celle de ses différents opérateurs. Nous collaborons déjà avec certaines régions, dans le respect de leur autonomie, et nous connaissons des exemples de coopérations réussies.

En ce qui concerne les effectifs, les moyens d'intervention augmentent. Aux 4,2 milliards d'euros du budget d'intervention, il convient d'ajouter les 125 à 130 millions d'euros du budget de fonctionnement moyen de l'Ademe, soit, pour 2023, 4,4 milliards d'euros d'autorisation d'engagement, montant considérable grâce auquel le plafond d'emplois a été relevé de quatre-vingt-dix. Cette bonne nouvelle permettra de pérenniser et de stabiliser des emplois créés l'an dernier pour faire face au besoin d'instruction plus rapide et plus réactive des demandes. Peut-être faut-il aller au-delà. En tout état de cause, si ma nomination était confirmée, je ferai le tour des services de l'Ademe afin de vérifier, avec les différents responsables territoriaux, l'adéquation entre les missions confiées, notamment les nouvelles, les objectifs affichés de consommation des crédits considérables et les moyens dont nous disposons.

L'ajustement ne pourra pas se faire en abandonnant des « petits » dossiers, qui ne le sont que pour ceux qui ne s'en occupent pas. Mon expérience d'élu local m'a appris qu'il n'y avait jamais de petit dossier.

Sur les trois thématiques du Fonds vert – la renaturation, les friches et les biodéchets –, nous cherchons à interconnecter le plus possible les systèmes d'information afin d'éviter les doubles saisies qui font perdre beaucoup de temps. Nous poursuivrons les efforts pour améliorer la fluidité des systèmes d'information. Si les effectifs augmentent, la vérité oblige à reconnaître une érosion entre 2014 et 2020 ; la hausse récente opère donc une remise à niveau. Mon objectif prioritaire est de m'assurer de l'adéquation entre les missions qui nous sont confiées, les attentes légitimes du Gouvernement et du Parlement et les moyens humains qui nous sont alloués.

S'agissant du dialogue social, des administrateurs salariés ont souhaité hier me rencontrer, dans le plus grand respect des prérogatives du Parlement. Nous avons commencé à nouer une relation que je souhaite régulière et dense. L'Ademe est une grosse équipe dont les membres partagent une culture forte quant aux transitions à mener. Cet esprit de mission est une chance et il attire de nombreux profils de jeunes ou moins jeunes qui ont envie de servir leur pays. Dans une structure comprenant 80 % de cadres, où tous les agents occupent des postes clés, il est indispensable de mobiliser l'ensemble des services.

J'ai dit ce matin à vos collègues du Sénat que je renoncerai au mandat de vice-président de la région Grand Est et même à celui de conseiller régional, mais j'ai bien l'intention d'être un président d'action de l'Ademe à plein temps et d'organiser sur mon temps personnel l'exercice de mes mandats locaux. Je serai aussi présent qu'Arnaud Leroy l'était et sur le temps qui me reste, j'accomplirai le mandat pour lequel les Carolomacériens m'ont élu, en m'appuyant sur les équipes techniques et politiques solides dont je dispose pour relayer mon action.

J'ai déjà fait savoir que si je percevais une rémunération comme président de l'Ademe, je renoncerais à mes indemnités d'élu local. Il est toutefois impossible de les réduire à zéro. En effet, une disposition du code général des collectivités territoriales prévoit que personne, adjoint ou conseiller municipal, ne peut percevoir plus que le maire, ce qui me permettra d'abaisser le montant de mes indemnités au moins au niveau de la première adjointe. Pour le reste, je ferai don au centre communal d'action sociale (Ccas) de Charleville-Mézières de mon indemnité de maire et à une association humanitaire de mes indemnités de président de l'agglomération.

Quant à la rémunération du président de l'Ademe, elle est composée d'une partie socle et d'une partie variable, laquelle me semble éminemment justifiée. Il est important que les responsables des opérateurs soient motivés et qu'une partie de leur rémunération soit conditionnée à l'atteinte de résultats fixés par le Gouvernement en lien avec le Parlement. Pour la partie socle, j'ai été surpris de découvrir qu'un opérateur de l'État peut être davantage rémunéré que ses ministres de tutelle. S'il y avait matière à rétablir une plus grande cohérence, j'y serais tout à fait favorable.

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