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Intervention de Jean-Luc Fugit

Réunion du mercredi 14 décembre 2022 à 9h35
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Luc Fugit :

Dans la discussion générale, j'ai retracé l'historique des ZFE-m, en expliquant pourquoi nous avions décidé d'inscrire ce dispositif dans la loi d'orientation des mobilités, dont j'ai eu l'honneur d'être le rapporteur pour le titre III, « Développer les mobilités propres et actives ». Je voudrais maintenant, monsieur le rapporteur, vous apporter quelques éléments scientifiques. Je reviendrai sur la question de l'accompagnement à l'occasion de l'examen du prochain article ; pour l'heure, je souhaite corriger plusieurs inexactitudes que vous avez proférées.

Vous avez déclaré que les ZFE-m n'avaient pas d'effets sanitaires. Soyons sérieux. Lors du confinement de 2020, alors que la circulation était considérablement réduite, les émissions d'oxydes d'azote ont été réduites de 70 % – les associations agréées de surveillance de la qualité de l'air que vous avez auditionnées vous le confirmeront ; je vous renvoie aussi au rapport que j'ai remis au nom de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) au mois de décembre 2021. En effet, ce n'est pas tant contre les particules fines que contre les oxydes d'azote que les ZFE-m vont permettre de lutter. Cela prouve que dès lors qu'on s'attaque à la circulation automobile dense, en particulier à celle des véhicules les plus anciens, il y a un effet direct sur la qualité de l'air.

Au-delà des aspects sanitaires, l'enjeu socio-économique est énorme. La pollution de l'air coûte près de 5 milliards d'euros par an à la France, dont 3 milliards de dépenses de santé respiratoire. Elle a aussi – et, à ma grande surprise, cela n'a pas encore été signalé – un impact sur la biodiversité, ainsi que sur les rendements agricoles : elle provoque l'été une baisse de 15 % à 30 % de ceux-ci en raison de l'ozone troposphérique résultant de la présence d'oxydes d'azote – si vous voulez, je peux vous faire un cours de chimie. Elle a ainsi des répercussions directes sur les productions de blé, de maïs et, en Asie, de riz – qui ne sont rien moins que les aliments principaux de l'humanité. Elle provoque aussi la dégradation des bâtiments.

Les zones à faibles émissions mobilité ont été conçues en 2018-2019 avec la ministre des transports de l'époque, Élisabeth Borne, en concertation avec les collectivités territoriales et au vu de ce qui se faisait en Allemagne et en Italie, où l'on compte plus de 200 zones équivalentes – on a constaté à Rome une baisse considérable de la pollution, qui est tout à fait bénéfique, notamment pour nous autres touristes. Elles ont donc été inscrites dans la loi d'orientation des mobilités.

On ne peut pas dire n'importe quoi. Comment nos collègues de la France insoumise – qui annoncent, à ma grande surprise, vouloir s'abstenir sur ce texte – peuvent-ils affirmer qu'à partir de 2025, 40 % du parc automobile n'aura plus le droit de circuler ? Ce n'est pas ce qui est inscrit dans la loi ! Ce que dit la loi « climat et résilience », c'est qu'un calendrier d'exclusion des véhicules jusqu'en 2025 sera imposé uniquement si les valeurs limites de qualité de l'air sont régulièrement dépassées. Pour ce qui concerne les oxydes d'azote, cela ne concernera en réalité que les agglomérations de Paris, Lyon et Marseille.

À Villeurbane, vos concitoyens, monsieur Amar, perdent un an d'espérance de vie à cause de la pollution. Vous devriez soutenir les zones à faibles émissions mobilité. Comment pouvez-vous vous abstenir sur un tel texte ? C'est irresponsable !

Il s'agit d'un enjeu de santé publique et environnemental majeur. Lisez la loi dans le détail avant de critiquer, comme d'habitude, ce qui a été fait au cours de la précédente législature. Nous nous sommes attaqués à la pollution de l'air de manière extrêmement poussée. Il a été inscrit dans la loi « climat et résilience » un plan d'action « chauffage au bois » élaboré avec le Conseil national de l'air, que je préside, des associations environnementales comme Réseau Action Climat et le monde agricole. Ce plan prévoit une réduction progressive de l'émission de particules fines dans l'ensemble du territoire ainsi qu'une réduction de l'emploi des engrais azotés dans le monde agricole.

En ce moment même, le projet de décret définissant les trajectoires annuelles de réduction des émissions de protoxyde d'azote et d'ammoniac du secteur agricole jusqu'en 2030 – que nous avons élaboré en liaison avec le monde agricole – est soumis à consultation publique. On n'a jamais autant fait que sous la précédente législature pour s'engager dans une trajectoire d'amélioration progressive de la qualité de l'air. C'est un enjeu de santé respiratoire. Je ne comprendrais pas que des groupes qui se disent sensibles aux questions écologiques s'abstiennent sur un tel texte.

En mettant en place les ZFE-m, on traite aussi la question du CO2. Au cours de la précédente législature, on a intégré pour la première fois dans l'indice de la qualité de l'air au quotidien la mesure des particules PM2.5, ce qui était réclamé depuis 2011 par nombre d'associations. Eh bien, c'est le gouvernement de l'époque, et plus particulièrement la ministre de la transition écologique et solidaire Élisabeth Borne, qui a eu le courage de le faire.

Dernier point qui a été scientifiquement démontré : on s'est aperçu à l'occasion de l'épidémie de covid que la faiblesse de la résistance au virus était fortement liée à l'exposition à la pollution de l'air. Autrement dit, les personnes qui vivent dans un milieu pollué ont une résistance au virus plus faible. Cela a été démontré à partir d'études de cohorte menées en France et dans le monde. Tout est consigné dans le rapport de l'Opecst, que je vous invite à lire.

Adopter ces amendements de suppression, c'est donner la possibilité de mettre en œuvre des ZFE-m – même si, j'en suis d'accord, il faudra améliorer l'accompagnement ; c'est vouloir préserver la santé respiratoire de nos concitoyens. J'espère que la France insoumise ne s'abstiendra pas. Ce serait incompréhensible.

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