Monsieur le garde des sceaux, je suis ravie de vous accueillir. La délégation aux droits des enfants a souhaité vous auditionner afin que vous nous présentiez les initiatives de votre ministère pour améliorer la protection des enfants et, surtout, la prise en compte de la parole de l'enfant par la justice.
En septembre, vous avez annoncé une modification législative qui permettrait le retrait de principe de l'autorité parentale en cas de condamnation d'un parent pour violences sexuelles incestueuses sur son enfant. Lors du dernier comité interministériel consacré à l'enfance, la Première ministre a de nouveau présenté ce dispositif. La Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise), que nous avons auditionnée la semaine dernière, plaide également en sa faveur. Pouvez-vous nous en dire plus sur le calendrier de sa mise en œuvre ?
Au sein de la délégation, nous sommes plusieurs à nous interroger sur une suspension immédiate de l'autorité parentale et de l'autorisation de garde en cas de dépôt de plainte pour violences sexuelles sur l'enfant. Certains souhaiteraient même un retrait de l'autorité parentale du parent auteur de violences conjugales. J'aimerais vous entendre à ce propos.
Lors de votre audition du 25 octobre devant la commission des lois, vous avez annoncé un accompagnement de l'enfant par des associations d'aide aux victimes tout au long du processus pénal et l'intervention d'un administrateur ad hoc en cas de défaillance parentale. Cet administrateur sera-t-il nommé dès qu'un parent est défaillant et dès le début de la procédure ? Comment sera-t-il défrayé ? Quand pensez-vous instaurer ce dispositif ?
Il semble qu'une réflexion soit en cours au sein du ministère pour déterminer où trouver les chiens d'assistance judiciaire (CAJ) et qui doit les prendre en charge. Pour en avoir vu à l'œuvre, je peux témoigner du bien qu'ils font aux enfants. Je pense qu'ils doivent continuer à être dressés par Handi'Chiens et être de préférence placés auprès des associations de victimes, pour qu'il soit possible de les mobiliser dans toutes les situations où il s'agit de prendre en compte la parole de l'enfant, de l'audition – y compris à l'hôpital – au jugement. Quel est votre point de vue ?
Concernant la protection de l'enfance, je plaide pour que la justice en matière d'assistance éducative soit davantage en conformité avec les autres pans de la justice. Un avocat devrait être obligatoirement désigné dès qu'un placement est envisagé et il devrait être possible de faire appel des enquêtes sociales. En outre, pour prendre en compte la parole de l'enfant, il faudrait lui demander l'autorisation de le mettre de nouveau en présence de son parent maltraitant. Qu'en pensez-vous et qu'est-ce qui est envisagé pour améliorer la situation ?
Il y a quelques mois, nous avons voté pour que les juges cherchent, en cas de placement, si celui-ci est possible chez un tiers digne de confiance. Où en est-on et comment les juges en sont-ils informés ?
Le Gouvernement prévoit de déployer les Uaped (unités d'accueil pédiatrique des enfants en danger) dans tous les départements afin de permettre le recueil de la parole de l'enfant dans des conditions optimales en vidéo, par des personnels formés au protocole Nichd (National Institute of Child Health and Human Development). C'est une très bonne chose. Toutefois, les enquêteurs passent ensuite des heures à retranscrire à l'écrit les propos et les attitudes des enfants. Ne serait-il pas plus simple d'arrêter ces retranscriptions et de demander plutôt au juge de regarder la vidéo de ces auditions, ce qui lui permettrait en outre de se forger son intime conviction ?
Lors d'un de mes déplacements, j'ai observé le dispositif de confrontation d'un enfant à son agresseur en visioconférence depuis une salle d'Uaped. L'enfant est alors accompagné d'un enquêteur et d'un avocat. Pourrait-on envisager cette procédure par visioconférence pour les auditions des parquets, voire les témoignages lors des procès ? Ce serait moins intimidant pour les enfants.
Certaines des préconisations des professionnels des Uaped que j'ai rencontrés n'ont pas été entendues par les procureurs et les juges. Ils ont été bouleversés de devoir remettre des enfants à leurs agresseurs. Comment fluidifier les échanges entre le médical et la justice ? Pourrait-on envisager, en cas de doute, d'hospitaliser l'enfant quelques jours le temps d'y voir plus clair, comme pour le protocole « féminicide » ? Comment protéger la parole des médecins afin de leur éviter d'être jugés pour immixtion dans la vie privée des familles alors qu'ils n'ont voulu faire que leur devoir en procédant à un signalement ?
Enfin, notre délégation va installer en janvier un groupe de travail sur la prise en charge des enfants de retour de la zone irako-syrienne. La France a été condamnée par la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) en septembre au motif que les décisions du Gouvernement doivent être contrôlées pour éviter tout risque d'arbitraire. Selon la Cour, le rejet d'une demande de retour sur le territoire national doit pouvoir faire l'objet d'un examen individuel approprié par un organe indépendant chargé d'en contrôler la légalité. Quel sera le protocole retenu pour répondre à cette demande ?