Intervention de Éric Coquerel

Réunion du jeudi 15 décembre 2022 à 14h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Coquerel, président :

Notre ordre du jour appelle l'examen, en lecture définitive, du projet de loi de finances pour 2023.

Nous concluons ainsi nos travaux de l'automne. C'est l'occasion pour moi de vous présenter un bilan chiffré des trois derniers mois.

Depuis le 26 septembre, date de dépôt du projet de loi de finances (PLF) pour 2023, la commission s'est réunie à trente-six reprises – sans compter la présente réunion – et a consacré vingt-trois de ces réunions à l'examen du texte. L'an dernier, elle avait tenu trente-cinq réunions durant la même période.

En commission, en première lecture, 3 107 amendements ont été déposés sur le PLF pour 2023 ; 2 189 ont été examinés et 205 adoptés. L'an dernier, 2 642 amendements avaient été déposés, 1 824 examinés et 75 adoptés à ce stade. Nous avons consacré près de 70 heures à l'examen du texte, contre 50 heures l'an dernier.

En nouvelle lecture, 358 amendements ont été déposés en commission, 293 examinés et 183 adoptés, et nous y avons consacré un peu plus de 6 heures, contre 4 heures l'année précédente.

En séance publique, l'examen du PLF a duré 92 heures et 38 minutes en première lecture, ce qui est difficilement comparable aux 210 heures qui y avaient été consacrées l'an dernier. Chacun en connaît les raisons. Si cela n'a permis d'examiner que 1 214 amendements sur les 6 971 qui avaient été déposés, on peut toutefois relever que le nombre d'amendements a crû significativement par rapport à l'année passée, où 5 698 avaient été déposés à ce stade.

En ce qui concerne l'examen en nouvelle lecture, je n'ai pas besoin de vous rappeler qu'aucun des 706 amendements déposés en séance publique n'a été examiné.

Avec 11 142 amendements déposés au total en commission et en séance, le PLF pour 2023 aura connu un nombre d'amendements supérieur à la moyenne des cinq projets de loi de finances de la précédente législature, qui s'établissait à près de 9 800. J'y vois un motif d'espoir : depuis le début de l'examen du texte, la menace du 49.3 n'a pas empêché l'initiative parlementaire de prospérer. Toutefois, ce nombre contraste fortement avec celui des dispositions d'origine parlementaire retenues dans le texte qui sera promulgué dans quelques jours.

Mme la Première ministre a fait savoir à Mme la présidente de l'Assemblée nationale que le Gouvernement, conformément aux dispositions du quatrième alinéa de l'article 45 de la Constitution, demande à notre assemblée de statuer définitivement sur le PLF pour 2023.

À ce stade de la discussion, conformément à l'article 45 de la Constitution, il n'est possible de modifier le texte considéré comme adopté par l'Assemblée nationale qu'en reprenant, le cas échéant, un ou plusieurs amendements adoptés par le Sénat en nouvelle lecture. Or, ce matin, le Sénat a voté la motion, présentée par M. Jean-François Husson au nom de la commission des finances, tendant à opposer la question préalable au texte considéré comme adopté en nouvelle lecture par notre assemblée.

Tout à l'heure, en séance publique, le Gouvernement utilisera immédiatement le 49.3, ce qui nous privera de débat. Je propose donc de laisser la parole à un orateur de chaque groupe, pour une intervention de deux minutes, après ma propre intervention et celle du rapporteur général.

Nous allons donc avoir droit à un dixième 49.3. Au départ, cet outil a servi à éviter de voter. Ensuite, il a permis de faire en sorte qu'il n'y ait pas une seule minute de débat. « À quoi bon débattre », nous a-t-on dit, « puisque de toute façon les oppositions avaient indiqué dès le départ qu'elles ne souhaitaient pas voter le budget ? » L'argument n'est pas recevable. D'une part, ce n'est pas vrai de toutes les oppositions. D'autre part, chacun comprendra que l'on ne saurait conditionner le débat au fait que les oppositions acceptent de voter le budget. Une telle logique pourrait conduire assez loin.

En ce qui me concerne, je crois que, s'il n'y a eu ni débat ni vote, c'est parce que le Gouvernement est minoritaire à l'Assemblée et qu'il n'aurait pas réussi à faire adopter son budget. En soi, le 49.3 pose un problème démocratique, mais la manière dont il a été utilisé est spécifique : vous y avez eu recours non pas à cause de la présence de frondeurs dans vos rangs, ni parce que l'opposition faisait de l'obstruction, mais parce que vous n'aviez pas de majorité.

En dépit de cela, vous auriez pu rendre le 49.3 un peu plus supportable pour l'Assemblée dans son ensemble si vous aviez retenu certaines des mesures importantes qui avaient rassemblé une majorité dans les deux chambres – pas forcément à travers un vote en séance en ce qui concerne l'Assemblée, car la discussion s'est arrêtée pour la première partie avant l'article 5, ce qui ne nous a pas permis d'établir, par exemple, qu'une majorité d'entre nous souhaitait à tout le moins reporter la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), comme cela a été le cas au Sénat.

Plusieurs amendements, quoique différents, témoignaient également d'une volonté commune de consacrer davantage de moyens à l'isolation thermique des bâtiments. Il en allait de même pour le soutien au rail.

Le Gouvernement avait là l'occasion d'entendre les revendications de l'Assemblée et de prendre en considération la nouvelle période politique qui s'ouvre, caractérisée par une absence de majorité. Cela aurait été préférable pour tout le monde.

À l'inverse, le Gouvernement a intégré des articles importants qui n'avaient été débattus ni en commission ni en séance, que ce soit ici ou au Sénat. J'en suis très étonné.

Il s'agit, par exemple, de la disposition relative aux captives de réassurance, qui crée une véritable niche fiscale. Bruno Le Maire avait pourtant affirmé à Valérie Rabault, en séance, que cet article ne serait pas introduit.

De même, un article modifie le fonctionnement du compte personnel de formation : les salariés devront désormais payer une partie des formations.

Le « loto de la biodiversité » figure lui aussi dans le texte final, alors que, pour le coup, la disposition avait été écartée en commission, y compris avec les voix de membres de la majorité. Il ne s'agit pourtant pas d'un dispositif important, structurel, ce qui aurait pu justifier qu'il soit retenu malgré tout.

Il aurait mieux valu éviter de tels ajouts, s'expliquant par je ne sais quelles pressions, dans un projet de loi adopté par ailleurs dans des conditions particulières.

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