La situation de la presse et des médias, en particulier d'information, est préoccupante dans l'ensemble des pays membres de l'UE. Le modèle économique concurrentiel et la liberté d'informer sont rarement compatibles – surtout lorsque cette concurrence est encore renforcée par les quotidiens gratuits lancés par d'influents industriels ou par la mise à disposition de contenus sur internet.
L'espace médiatique est crucial pour la formation d'une opinion publique libre et éclairée, garante de la démocratie. Il est en outre devenu un véritable enjeu de luttes de pouvoir et d'influence. La combinaison de la pression économique et des appétits croissants des milliardaires et grands groupes empoisonne l'ensemble du secteur.
C'est la raison pour laquelle la proposition de la Commission européenne, qui va être soumise à l'examen du Conseil et du Parlement européens, est la bienvenue. Nul doute que ses insuffisances en matière de garantie des équilibres financiers d'un secteur fragile attireront l'attention de nos collègues du Parlement européen. J'espère que nous pourrons compter sur leur vigilance et leur travail pour renforcer l'indépendance et les moyens des autorités de régulation, ainsi que les dispositifs relatifs à la transparence et à l'autonomie financière.
Je remercie les rapporteures d'avoir insisté sur la préservation de notre système d'aides publiques, en particulier à la presse. Je les trouve un peu trop indulgentes envers un texte européen qui laisse beaucoup à désirer en matière d'indépendance, de respect de l'intérêt général et de qualité du débat public. En revanche, il me semble que nous devrions anticiper sa transposition, afin d'en faire le levier d'une réforme ambitieuse du paysage audiovisuel.
En mars dernier, nos collègues sénateurs avaient déjà fait un certain nombre de propositions en matière de concentration de la propriété, de publication des résultats financiers titre par titre, de déclaration des actionnaires à l'Arcom et de séparation stricte entre activités – particulièrement nécessaire dans un pays où les détenteurs de capitaux sont très dépendants de la commande publique dans les domaines de l'armement, des télécommunications et du bâtiment et travaux publics (BTP).
Les médias sont le lieu où la parole publique se déploie. Dans un régime démocratique, ils sont le poumon du débat public. S'ils sont empoisonnés ou malades, c'est toute la vie démocratique qui menace de s'étouffer. Nous devons veiller à les préserver de la toxicité des puissances de l'argent, de la violence, de l'injure et des dérives haineuses. J'espère que ce texte européen fournira les armes nécessaires pour mettre au pas les oligarques et les réseaux d'influence, en France comme dans le reste de l'Union.