Constance Le Grip et Joëlle Mélin ont effectué un important travail transpartisan sur la proposition de règlement présentée par la Commission européenne le 16 septembre dernier. Je salue la qualité de ce travail, auquel j'ai pu m'associer en tant que rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l'éducation. Celle-ci examinera la proposition de résolution mercredi prochain. J'ai de mon côté commencé à mener des auditions sur ce projet d'acte législatif européen.
La proposition de la Commission européenne procède sans aucun doute d'une bonne intention et constitue un signal fort adressé aux États membres qui s'attaquent à la liberté de la presse. N'ayons pas peur de les nommer, puisque la Commission le fait dans ses rapports sur l'État de droit, comme plusieurs ONG et centres de recherche. Il s'agit de la Hongrie, de la Pologne, de la Slovénie, de la République tchèque, de Malte et de la Slovaquie. Autant de pays qui, d'une façon ou d'une autre, s'en prennent à la liberté et à l'indépendance des médias. Tout récemment, Reporters sans frontières a dénoncé le sort réservé à Tomasz Piątek, journaliste polonais attaqué en justice par un proche du Premier ministre et condamné suivant une procédure inéquitable qui méconnait les droits de la défense.
Dès lors, inscrire dans le droit de l'Union un socle minimal de garanties protectrices de la liberté des médias est une initiative bienvenue, que je soutiens pleinement. Interdiction des États de s'immiscer dans les décisions éditoriales des médias, protection des sources et de l'intégrité physique des journalistes, reconnaissance de la spécificité des médias du service public : je ne peux que soutenir de tels principes.
Cependant, l'intervention de la Commission n'avait rien d'évident au premier abord. Les médias ne figurent pas explicitement parmi ses compétences. De plus, il s'agit d'un domaine hautement sensible pour les États, qui ont des traditions réglementaires différentes et souhaitent légitimement les conserver. Je rappelle que nous disposons en France d'un corpus de textes très riche. La loi de 1881 sur la liberté de la presse et celle de 1986 relative à la liberté de communication posent un cadre clair et protecteur pour les journalistes. Dès lors, je considère que la Commission européenne aurait dû se limiter à fixer dans une directive les objectifs à atteindre, plutôt que de prévoir des règles d'effet direct – ce qui risque de déstabiliser des droits nationaux bien établis et qui ont fait leurs preuves.
Malgré ses aspects positifs, le texte m'apparaît insuffisant en l'état.
À titre d'exemple, je regrette l'absence de distinction entre le secteur de la presse écrite et l'audiovisuel, dichotomie fondamentale en droit français. La presse française s'inquiète à juste titre de son inclusion dans le champ de compétence du futur comité européen pour les services de médias, alors qu'elle ne relève pas de l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom). De plus, l'indépendance de ce futur comité n'est pas suffisamment garantie à ce stade.
Je déplore également le manque d'ambition de la Commission européenne sur la responsabilisation des plateformes numériques. L'article 17 de la proposition de règlement leur impose seulement de prendre « toutes les mesures possibles » pour communiquer au fournisseur de services de médias concerné les motifs des décisions de suspension de leur contenu avant que celle-ci ne prenne effet. Il ne s'agit donc pas d'une obligation réelle et sanctionnée, et le texte se borne à demander aux plateformes de traiter les plaintes des entreprises de médias en priorité. Cet article doit être renforcé. J'espère que la France, au sein du Conseil, et les parlementaires européens travailleront dans ce sens.
Je remercie le président Anglade de m'avoir permis de m'exprimer en tant que rapporteur sur cette proposition de résolution, que je vous invite à adopter largement.