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Intervention de Philippe Sauquet

Réunion du jeudi 1er décembre 2022 à 9h00
Commission d'enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d'indépendance énergétique de la france

Philippe Sauquet :

C'est la première fois que l'on me pose cette question. Honnêtement, je n'ai jamais observé ce phénomène. Je me suis bagarré, jusqu'au sein de la profession des gaziers, pour convaincre mes homologues de développer les énergies renouvelables. C'était très compliqué.

Les énergies renouvelables sont apparues d'une manière quasi autonome. Dans les pays d'Afrique, où le soleil et le vent sont les ressources naturelles, privilégier l'utilisation de l'énergie solaire à la construction d'imposantes centrales électriques tombait sous le sens. Cela étant, l'hydroélectricité occupe une part importante de la production d'électricité dans certaines parties d'Afrique, même si se pose le problème de l'acheminement de cette électricité, contrairement à celle issue de l'énergie solaire puisqu'il suffit d'un fil relié à un panneau photovoltaïque pour faire fonctionner un réfrigérateur ou éclairer une pièce et faciliter ainsi l'accès à la santé ou à la culture.

Dans un second temps, les électriciens s'y sont intéressés pour des raisons environnementales. On continue de croire, en France, que le nucléaire peut répondre à toutes les demandes. L'hiver qui s'annonce nous prouvera qu'il n'en est rien ; si la France peut limiter les dégâts cet hiver, ce sera grâce aux centrales à charbon, à gaz et à énergies renouvelables qui permettront de pallier les défaillances de presque la moitié de notre parc nucléaire. Dans beaucoup de pays, le nucléaire est considéré comme une énergie marginale. Il représente 5 % de l'énergie primaire mondiale. La crainte des accidents pèse dans l'opinion. L'accident nucléaire de Three Mile Island aux États-Unis, ceux de Tchernobyl ou de Fukushima, ont frappé les esprits. Mon ami Jean-Marc Jancovici a beau penser qu'un accident nucléaire causera toujours moins de morts que les accidents de la route, les gens ont peur, ce qui limite le recours à cette énergie dans de nombreux pays. En France, d'ailleurs, il reste compliqué d'ouvrir un nouveau site nucléaire. Je fonde beaucoup d'espoir dans les nouvelles technologies mais, pour le moment, l'eau reste essentielle au fonctionnement d'une centrale nucléaire car elle en assure le refroidissement. Le niveau de la Loire, qui ne cesse de baisser en été, rend difficile le fonctionnement des centrales nucléaires. Il faudrait les installer en bord de mer mais les Bretons n'en ont pas voulu à l'époque, ce que je peux comprendre. De nombreux pays n'ont pas de façade maritime. Par ailleurs, les centrales nucléaires fonctionnent avec de l'uranium enrichi, matière permettant de fabriquer une bombe, ce qui n'aide pas à envisager un avenir radieux sous le signe du nucléaire.

Pour en revenir aux électriciens, lorsqu'ils ont compris les effets néfastes pour le climat du charbon à partir duquel ils produisaient de l'électricité, ils ont essayé d'autres voies. Le gaz, non seulement était cher car il fallait l'importer, mais sa combustion libérait aussi du dioxyde de carbone. Ils ont donc engagé des recherches autour des énergies renouvelables bien avant que les gaziers ne s'en préoccupent. Total est, de loin, la société la plus avancée dans le domaine des énergies renouvelables. Nos concurrents américains, ExxonMobil et Chevron, continuent de penser que les énergies renouvelables n'ont pas d'avenir. Il n'existe aucun consensus entre les producteurs d'hydrocarbures pour faire passer un quelconque message. Ce sont les électriciens, en particulier des indépendants qui, les premiers, se sont intéressés à cette filière et ont commencé par développer des projets modestes. Ils ont à présent des difficultés à passer à la vitesse supérieure et à s'imposer sur les marchés. Ne produisant que de l'énergie solaire ou éolienne, ils ont parfois du mal à fournir leurs clients. Les leaders, aujourd'hui, sont des électriciens, qu'il s'agisse d'Iberdrola et d'Enel. EDF et Engie ont également pris leur part.

Sur un marché électrique, la constante est de fournir autant d'électricité que les clients en consomment, à tout moment. C'est compliqué, surtout lorsque la population se chauffe essentiellement à l'électricité, comme c'est le cas en France – les pointes de consommation demandées par le chauffage sont difficiles à gérer. Les énergies renouvelables, dont la production est intermittente et non contrôlable, ne peuvent pas suivre la consommation des clients ce qui explique qu'il faille déployer d'autres types d'énergie en parallèle. Les centrales à gaz actuelles peuvent utiliser du biogaz ou de l'hydrogène décarboné. Je suis convaincu que nous en aurons besoin encore longtemps pour pallier l'intermittence de la production des énergies renouvelables. Le nucléaire n'y suffira pas seul. Lorsqu'une vague de froid s'abat sur notre pays, le pic de consommation d'électricité peut atteindre 100 gigawatts et celui du gaz, 150 gigawatts. Si vous reportez la consommation de gaz sur l'électricité et, par conséquent, le nucléaire, cela signifie qu'il faudra augmenter la production nucléaire pour répondre à ce surcroît de consommation mais cette électricité ne servira que durant les épisodes hivernaux les plus rigoureux, soit deux ou trois jours par an. Ce n'est pas raisonnable. Nous avons besoin de dispositifs flexibles. Les centrales au gaz, de par leur technologie, le sont. Comme un moteur d'avion, la machine démarre au moment où l'on en a besoin. Bien évidemment, nous devrons les verdir mais nous avons plusieurs pistes pour y parvenir. Les batteries peuvent également aider à surmonter ces pics de pollution s'ils ne durent qu'une heure. C'est plus compliqué s'ils s'étendent durant plusieurs jours.

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