Les gouvernements qui se sont succédé de 1997 à la crise financière ont bénéficié d'une période d'expansion relative. Certes, on trouvait que le prix du pétrole atteignait parfois un niveau un peu élevé, on commençait à se préoccuper du changement climatique et on voulait se détacher du charbon le plus rapidement possible, mais on était avant tout soucieux de maintenir notre production, en particulier nucléaire, et de préserver sa fiabilité. On importait du gaz et du pétrole pour les usages énergétiques autres que la production d'électricité. Je n'ai jamais eu le sentiment, lorsque j'étais administrateur général du CEA, d'avoir beaucoup de pression à ce sujet. Cela étant, dans nos services, nous y réfléchissions et nous élaborions des projections correspondant à tel ou tel scénario, par exemple un embargo sur le pétrole et le gaz, mais nous n'étions pas les seuls. EDF, la DGEMP, l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), pour ne citer qu'eux, établissaient aussi des prévisions. Toutefois, c'étaient plus des exercices académiques qu'autre chose. À cet égard, les choses ont complètement changé.
Le rapport Pellat-Charpin-Dessus de 2000 avait comparé le coût du kilowattheure (kWh) selon qu'il était d'origine nucléaire ou qu'il provenait d'autres sources de production, et avait conclu, sur cette base, à la pertinence du nucléaire. Cela étant, ses auteurs n'avaient pas prévu la baisse du coût des renouvelables. Mais personne ne l'avait anticipée. En 2002-2003, le prix du kilowattheure d'origine éolienne ou solaire était beaucoup plus élevé que celui issu du charbon ou du nucléaire. Cela a beaucoup changé. L'évolution est apparue clairement entre 2012 et 2014, et elle n'est pas arrivée à son terme : on va connaître des progrès très importants dans le domaine solaire, en particulier en termes d'efficacité énergétique.
Si l'on refaisait le même exercice aujourd'hui, les conclusions seraient probablement sensiblement différentes.
N'oublions pas non plus le gaz, qui dégage nettement moins de gaz à effet de serre que le charbon. Des progrès extraordinaires ont été réalisés depuis les années 1980 : les turbines à gaz permettent désormais des rendements supérieurs pour des coûts inférieurs à ceux que l'on constatait il y a encore vingt ans.
On parle du coût par kilowattheure, mais ce chiffre ne veut pas dire grand-chose car les différentes sources d'énergie ont en réalité des structures de retour sur investissement complètement différentes. Pour un réacteur nucléaire, les investissements initiaux sont gigantesques, mais les dépenses se limitent ensuite au coût du combustible, qui est relativement prévisible, et à l'optimisation du fonctionnement du réacteur tous les dix ans. Pour une turbine à gaz, la somme d'argent à mettre sur la table est beaucoup plus faible, mais l'opérateur est alors soumis aux fluctuations du prix du gaz, relativement imprévisibles. La structure du retour sur investissement des énergies solaire et éolienne est également complètement différente.