Ce site présente les travaux des députés de la précédente législature.
NosDéputés.fr reviendra d'ici quelques mois avec une nouvelle version pour les députés élus en 2024.

Intervention de Yves Bréchet

Réunion du mardi 29 novembre 2022 à 20h00
Commission d'enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d'indépendance énergétique de la france

Yves Bréchet, ancien Haut-commissaire à l'énergie atomique :

Quand je suis arrivé, je n'ai pas fait le point sur l'état du parc : ce n'était pas ma fonction. J'ai eu à produire des rapports sur le vieillissement des cuves, mais ne me posez pas de questions sur les histoires actuelles de corrosion, car je n'ai pas la totalité du dossier et je n'ai pas l'habitude de donner des opinions au lieu d'avis ; je pourrai en donner un quand je connaîtrai tous les éléments. Je suis également intervenu sur diverses autres questions, toujours sous la forme de conseils scientifiques.

Pour ce qui était des activités de recherche, en matière de compétences scientifiques, ceux qui restaient demeuraient à un bon niveau ; en matière de dispositifs, à force de gratter on finit par toucher l'os, et à force de gratter l'os on finit par arriver à la moelle. J'ai vu des dispositifs fermer faute de pouvoir être entretenus. Or fermer un pilote de criticité ou un réacteur d'étude qui permet d'avoir des données neutroniques, cela ne facilite pas la tâche des chercheurs.

En ce qui concerne l'innovation, la question est difficile car le nucléaire est une industrie incroyablement conservatrice, du fait de la nécessité de la sûreté : avant de changer quelque chose, vous regardez de très près si ce changement ne va pas conduire à des problèmes. Il y avait donc relativement peu d'études sur les réacteurs innovants.

Celles qui portaient sur les réacteurs de quatrième génération se focalisaient essentiellement sur les réacteurs à neutrons rapides refroidis au sodium, ce qui était un choix stratégique : la quatrième génération a été décidée au niveau international et les différents pays ont opté pour telle ou telle orientation. Avant mon arrivée, je faisais partie d'un comité d'évaluation demandé par M. Bernard Bigot pour examiner les différentes options de cette génération : les réacteurs à très haute température, les réacteurs à neutrons rapides refroidis au sodium et les réacteurs à neutrons rapides refroidis au plomb. La deuxième était la plus accessible compte tenu de nos compétences. J'ai hérité, lorsque je suis devenu Haut-commissaire, de cette recommandation que j'avais formulée auparavant, de même que j'avais présidé le conseil scientifique de la direction des applications militaires du CEA avant ma nomination.

Un moment vraiment intéressant a eu lieu au tout début de mon premier mandat. Charles-Antoine Louët, alors chargé du nucléaire au sein de la DGEC, m'a suggéré d'étudier l'articulation des activités de recherche d'EDF, de Framatome, du CEA, de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) et du milieu universitaire – qui en fait relativement peu dans le domaine du nucléaire, parce que le CEA s'en occupe et fait en sorte que personne d'autre ne s'en approche. J'ai donc réalisé une étude sur le sujet, ce qui m'a donné très rapidement une vision d'ensemble de tout ce qui se faisait dans les différents centres de recherche. J'arrivais en disant : « Vous pouvez ne pas me répondre, mais sur les questions de politique nucléaire, si vous ne répondez pas au Haut-commissaire, cette omission est illégale. » C'était une époque où il y avait encore des gens pour considérer que faire quelque chose d'illégal, ce n'est pas bien. J'ai donc pu avoir accès à beaucoup d'éléments. Il y a encore une marge de progrès pour une meilleure interaction entre les acteurs du nucléaire, à commencer par EDF, Framatome et le CEA. Mais, à force d'être en difficulté, les gens finissent par comprendre : j'ose espérer que la situation ne pourra que s'améliorer.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.