Il y a deux comités de l'énergie atomique. L'un s'occupe des affaires militaires ; celui-là a été réuni chaque année, dans les délais voulus, sous la présidence du ministre de la défense – conformément à sa fonction. Quant à l'autre, civil, je l'ai vu réuni une fois à mon arrivée, présidé par Mme Fioraso, qui était ministre de la recherche – donc pas par le Premier ministre –, puis une seconde fois sous la présidence de Manuel Valls, Premier ministre. Ce sont les deux seules fois, en six ans, où je l'ai vu réuni ; à ma connaissance, il ne l'a pas été depuis que je suis parti.
L'État est une merveille qui est capable de faire fonctionner ses propres institutions contre ses propres lois. Je trouve cela absolument fascinant.
J'ai mis longtemps à comprendre la raison pour laquelle le comité n'était pas réuni. Chaque année, je demandais qu'il le soit et, chaque année, les conseillers des ministères disaient « c'est compliqué, ça n'intéresse pas les ministres, on ne trouvera pas de date dans l'emploi du temps ». J'avais beau leur dire que c'était dans les textes, que la loi l'imposait, rien n'y faisait.
En fait, c'est très simple : quand vous n'instruisez pas correctement les dossiers, vous n'avez sûrement pas envie que des dossiers correctement instruits par des gens qui connaissent le sujet – même si vous pouvez les accuser d'être biaisés – arrivent sous les yeux de ceux qui vous considèrent comme conseillers. Donc la structure a été vidée de son contenu. Le dysfonctionnement de l'analyse scientifique et technique des dossiers en ce qui concerne l'énergie atomique – j'espère que ce n'est pas vrai partout – se manifeste aussi dans le dysfonctionnement organisationnel.