Ma question s'adresse au garde des sceaux. En préambule, je citerai un avocat très célèbre : « La justice est rendue au nom du peuple et on voudrait interdire au peuple de rendre justice. » Le même disait alors : « Il n'y a rien de plus démocratique que la cour d'assises. Maintenant, exit le peuple ! » Reconnaissez-vous ces mots, monsieur le ministre ? Ce sont les vôtres ! En quelques semaines, vous avez réussi à raccrocher votre robe et à retourner votre veste.
« Exit le peuple », disiez-vous ? Vous n'auriez pas pu être plus clairvoyant puisque plus de la moitié des jurés des cours d'assises vont disparaître au 1er janvier 2023. Ce drame démocratique, nous le devons à votre loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire. Au profit de quoi sacrifiez-vous cet héritage inestimable de la Révolution ? Aucun des objectifs poursuivis par les nouvelles cours criminelles n'est atteint : gain de temps réduit à néant par l'augmentation du taux d'appel, effet inexistant sur la décorrectionnalisation, et même la plus-value financière – logique comptable et gestionnaire que nous combattons, mais qui vous motive – est bien difficile à démontrer, voire totalement chimérique.
Quand bien même, nous parlons ici d'un héritage de la Révolution française ! Allez-vous oser comparer le gain d'une demi-heure d'audience ou de quelques centaines d'euros au formidable instrument de citoyenneté que représente le jury populaire ? Avec votre réforme, nous allons droit dans le mur et vous le savez pertinemment ! Tout comme vous, nous souhaitons que le procès ait lieu dans des délais raisonnables mais, contrairement à vous, nous sommes lucides. Les jurés populaires ne sont pas responsables de la situation, liée au manque de moyens ; vous condamnez à tort un innocent.
Souhaitez-vous qu'on se souvienne de vous comme du ministre de la justice qui aura scellé le déclin du jury populaire ?