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Intervention de Charles d'Arailh

Réunion du jeudi 24 novembre 2022 à 14h00
Groupe de travail sur le développement durable de l'assemblée nationale

Charles d'Arailh, directeur de la Logistique parlementaire :

La direction de la Logistique parlementaire (DLP) comprend environ 150 collaborateurs pour un budget d'environ 25 millions d'euros. Elle est au service des 3 000 occupants du Palais-Bourbon, selon les trois pôles principaux que vous avez décrits.

La question du développement durable a connu, au début de la précédente législature, une forte actualité. Nous n'avons cependant pas abouti à l'élaboration d'un plan structuré, peut-être en raison de la multitude des objectifs à poursuivre.

S'agissant de la restauration, l'Association pour la gestion des restaurants de l'Assemblée nationale (AGRAN) a développé, depuis une dizaine d'années, des achats dits « responsables ». Ces initiatives ont été formalisées dans une démarche appelée « Mon restau responsable » depuis 2018.

La réglementation issue de la loi du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite loi « Égalim », a fixé l'objectif d'un taux d'approvisionnement de 50 % de produits durables et de qualité, dont 20 % issus de l'agriculture biologique à compter du 1er janvier 2022. En 2021, sur un montant total de 1,4 million d'euros, la part des produits durables et de qualité s'est élevée à plus de 35 % et celle des produits issus de l'agriculture biologique à plus de 11 %. À titre illustratif, les achats de poissons se font de préférence auprès de fournisseurs de pêche raisonnée et durable. Les achats de produits biologiques se sont développés, notamment pour les fruits et légumes, les laitages et les œufs. C'est plus compliqué pour la viande : une partie de la volaille achetée est bio, les autres viandes achetées sont issues autant que possible de l'agriculture biologique. Chaque jour, un plat au minimum est biologique dans les restaurants et dans les libre-service.

Depuis 2015, nous proposons une offre végétarienne, qui représente 13 % des ventes en 2021. Nous avons également entamé la réduction de l'offre et du choix de viandes.

Un plan conséquent de réduction des déchets a été mis en œuvre. Il concerne la livraison en caisses plastiques consignées, le tri du verre et des biodéchets ainsi qu'un projet d'installation de tables de tri avec des balances de pesée dans l'ensemble des restaurants. L'élimination progressive du plastique alimentaire à usage unique a été recherchée. Nous avons également un projet d'installation de fontaines à eau dans l'ensemble des restaurants en libre-service et parlementaires. Il permettra de bannir définitivement les bouteilles en plastique.

La lutte contre le gaspillage alimentaire a fait l'objet d'actions ponctuelles. Nous avons notamment essayé de faire des commandes sur une base quotidienne afin de limiter les stocks qui sont souvent source de gaspillage.

S'agissant des transports à l'Assemblée nationale, les facilités de transport concernent, d'une part, la gestion du parc (voitures, chauffeurs) et, d'autre part, un bureau des transports qui, telle une agence de voyages, gère les déplacements des députés. L'empreinte carbone de l'ensemble de ces facilités n'a, jusqu'à présent, pas fait l'objet d'évaluations globales.

En revanche, la flotte automobile a fait l'objet d'un « verdissement ». Durant la précédente législature, le collège des Questeurs s'est attaché à diminuer l'empreinte carbone des véhicules du parc et à répondre ainsi aux objectifs induits par la réglementation liée aux zones à faibles émissions. En fin de dernière législature, les véhicules électriques et hybrides rechargeables représentaient 32 % de la flotte contre seulement 10 % en 2017. Le taux moyen des émissions de carbone de la flotte est ainsi passé de 131 g de CO2 par kilomètre parcouru au 31 décembre 2017 à 109 grammes au 31 décembre 2021. Par ailleurs, les chauffeurs du parc ont suivi des formations d'écoconduite.

Le recours à la location longue durée pour certains véhicules permet d'avoir une meilleure réactivité et une meilleure souplesse face aux évolutions du marché automobile. Douze véhicules hybrides ont été acquis selon cette formule, ce qui représente 13 % de la flotte.

Le précédent collège des Questeurs avait également décidé de compléter et moderniser le parc de vélos de l'Assemblée nationale. Il a approuvé l'achat de six vélos à assistance électrique. L'Assemblée nationale prend également en charge l'achat de Pass navigo pour tous les députés, afin d'encourager l'usage des transports en commun.

Concernant les transports ferroviaires, aériens et en taxi, un plan d'action reste à définir. L'Assemblée nationale ne fournissant pas ces moyens de transport, nous sommes nécessairement dépendants des politiques de développement durable constatées. Une solution pourrait consister à imposer l'usage prioritaire du train au détriment de l'avion pour des trajets de moins de trois heures. Dans les faits, le bureau des transports ainsi que les députés ont adopté cette solution, mais ils ne peuvent pas y être obligés. Pour rappel, l'avion émet en moyenne trente fois plus de CO2 que le train sur une même distance.

Il faut également considérer l'offre ferroviaire : encourager les députés à prendre le train plutôt que l'avion est une bonne chose ; mais s'il n'y a pas de trains disponibles aux horaires privilégiés par les députés, ils sont bien obligés de prendre l'avion.

Une voie complémentaire à emprunter pourrait être celle de la compensation carbone. En 2021 et 2022, Air France a proposé au collège des Questeurs de compenser en partie l'empreinte carbone des vols pris en charge par l'Assemblée nationale. Cette proposition a été rejetée par le précédent collège des Questeurs, parce que le projet concernant la reforestation en Colombie paraissait loin de Paris. De plus, il était impossible de flécher précisément la compensation carbone de l'institution.

Enfin, la fusion de la dotation matérielle des députés (DMD) et du forfait taxi, ainsi que l'élargissement du périmètre de prise en charge, sur la DMD, des courses de taxi, ont conduit à ouvrir largement les possibilités de remboursement de ces courses avec, pour conséquence, non seulement l'augmentation très importante des courses remboursées, mais aussi, de facto, des émissions de CO2 y afférentes, en fonction de la motorisation des taxis. À titre de comparaison, le Sénat a maintenu la seule prise en charge directe des courses de taxi à Paris et dans les communes voisines.

S'agissant des impressions et des moyens de communication, nous avons, parmi les critères d'appréciation de la valeur technique d'une offre de marché, un critère de performance environnementale des papiers. Cette performance est appréciée à partir des fiches techniques de fabrication des produits, des écolabels, des processus de fabrication du papier, de la part de fibres recyclées, des lieux de production et du mode de blanchiment. Ce critère représente dix points sur les soixante points d'évaluation des critères techniques d'une offre. Les exigences concernent également les véhicules de livraison : nous avons décidé de procéder à une seule livraison hebdomadaire de papier, ce qui permet de réduire les rotations de véhicules.

Il a aussi été décidé de favoriser le processus de recyclage et l'emploi de papier recyclé. Le papier recyclé a été introduit dans les marchés d'approvisionnement en papier en 2010. Il a d'abord été privilégié pour les tirages de l'atelier de reprographie. Depuis 2013, il est généralisé dans les achats de l'Assemblée nationale pour tous les formats d'enveloppes et de pochettes, que ce soit pour les services, les députés ou les groupes.

L'instruction a été donnée, en 2018, d'utiliser le papier recyclé pour les photocopies des services. L'usage du papier recyclé s'est donc fortement accru sous la précédente législature, sans toutefois se généraliser. En effet, le papier recyclé présentant une blancheur comparable au papier de fibres vierges est plus onéreux : son coût, pour des feuilles A4 de 80 g, est de 15 % plus élevé. Le papier recyclé ordinaire, sans traitement de blancheur, a un prix équivalent ; mais il a tendance à créer davantage de poussière, ce qui provoque des bourrages dans les machines et le rend donc peu apprécié au sein de l'atelier de reprographie.

Depuis le début de la crise mondiale de l'approvisionnement de papier, en 2020 avec la covid-19, puis avec la guerre en Ukraine, les différents distributeurs de papier sont régulièrement en rupture d'approvisionnement en papier recyclé. Ce produit est en effet peu fabriqué en France, notamment après la liquidation judiciaire du n° 1 français, Arjo Wiggins, en mars 2019 et la fermeture de ses deux usines. Par conséquent, l'empreinte carbone du papier recyclé est accrue, parce qu'il est transporté sur plus de 1 000 kilomètres. Afin de réduire le bilan carbone de ses achats de papier, l'Assemblée nationale a invité à introduire dans ces achats un grammage réduit du papier.

Globalement, la réduction de l'usage du papier a été encouragée, passant de 88 000 ramettes environ en 2007 à 41 000 en 2019 et 23 000 en 2021. Au cours de la quatorzième législature, de nombreux documents parlementaires utilisés dans les procédures ont été dématérialisés. Il en est de même au début de la quinzième législature pour les ordres du jour des réunions, le compte rendu intégral de la séance et les documents de séance. Une tablette a été remise aux députés.

Les tirages de documents parlementaires ont également été fortement réduits depuis 2012, grâce à la fixation de quotas d'impression limités. Globalement, le nombre de pages réalisées par les imprimeurs de l'Assemblée nationale ou l'atelier de reprographie est passé de 62,3 millions de pages en 2011 à 21,6 millions en 2016 et 18,5 millions en 2021.

Par souci du développement durable et pour ajuster les fournitures à la réalité des besoins, il a été décidé, pour la seizième législature, de ne pas commander systématiquement des kits de papeterie pour chaque député et plutôt de traiter au magasin du Palais-Bourbon les commandes des députés au fil de l'eau. Cette mesure a permis d'éviter du gaspillage et de maintenir la baisse tendancielle des demandes de papeterie.

À compter de 2021, l'adhésion de l'Assemblée nationale au principe de responsabilité élargie du producteur, s'agissant du marché des papiers imprimés, a donné lieu au versement d'une contribution financière à l'organisme Citeo.

Par ailleurs, les copieurs de proximité sont plus efficaces d'un point de vue environnemental que les imprimantes : l'Assemblée nationale essaie donc d'encourager leur utilisation. Sous la quinzième législature, le parc de copieurs de proximité vieillissants et hétérogènes a été remplacé par un parc de 197 copieurs de marque Toshiba, loués auprès d'un prestataire spécialisé. Le constructeur retenu intègre la fin de vie des machines dans sa gestion de production. Par ailleurs, ces 197 nouveaux copieurs présentent des caractéristiques qui renforcent leur utilisation écoresponsable : ils sont notamment programmés, par défaut, pour des impressions recto-verso et un système de libération des copies par badge évite les gaspillages d'impressions à distance non récupérées.

S'agissant des achats et marchés, sur 90 marchés en cours en 2017, 15 comportaient des clauses écoresponsables dans les critères de sélection des offres.

Concernant les conditions dans lesquelles l'action pour le développement durable pourrait être promue, il me semble que la multiplicité des objectifs et des contraintes conduit parfois à tempérer l'objectif de développement durable, voire à le rétrograder en dernière place sur la liste des objectifs.

Une première contrainte concerne la disponibilité chez les prestataires extérieurs, qu'il s'agisse de viande bio, de places de train ou de papier recyclé.

Une seconde contrainte est la limitation des coûts, concernant les produits biologiques dans les restaurants. Une étude menée en novembre 2019 dans les libre-service a montré que l'achat de denrées issues de l'agriculture biologique représentait une augmentation des prix d'achat d'environ 30 % pour les fruits et légumes et 37 % pour des aliments de type bœuf, beurre et fromage. La même expérience réalisée dernièrement a montré que le surcoût pouvait atteindre de 50 à 100 % pour les viandes.

Une troisième contrainte au développement durable est de garantir la qualité attendue des produits, tels que le papier recyclé moins blanc ou qui provoque des bourrages. De même, comment la réduction de l'offre de produits dans les restaurants va-t-elle être acceptée ?

Dans le développement durable, certains sous-objectifs sont à concilier tels que la réduction des émissions de gaz à effet de serre, la préservation de la biodiversité, l'alimentation saine ou la réduction des ponctions sur l'environnement (eau). Par exemple, dans le domaine de la restauration, comment pondérer l'achat d'un produit bio qui serait « lointain » ? Comment choisir entre un bœuf conventionnel élevé en Île-de-France et un bœuf bio élevé dans le Finistère ? De même, s'agissant des achats, selon l'agence danoise de protection de l'environnement, un tote bag en coton comparé à un sac en plastique n'a un impact positif sur le changement climatique que s'il est utilisé au moins cinquante fois – et trois fois plus s'il s'agit d'un coton bio.

Plusieurs préalables s'imposent avant de pouvoir s'engager plus en avant dans le développement durable :

– disposer d'un outil fiable et exhaustif sur le bilan carbone de l'institution, en évaluant notamment la dette carbone ou le carbone importé ;

– pouvoir arbitrer entre les différents objectifs et sous-objectifs du développement durable. Cela nécessite de l'agilité pour suivre l'actualité des différentes variables, ce qui est difficile avec les marchés publics ;

– décider politiquement d'un plan qui comporterait des mesures éventuellement impopulaires, mais bénéfiques pour l'environnement. Cela signifie l'entrée dans un périmètre de décisions contraignantes et difficiles à prendre.

À titre illustratif, trois exemples de décisions hypothétiques – ce ne sont ni des propositions, ni des recommandations… – pourraient avoir un impact positif : limiter drastiquement les déplacements en avion des députés et des fonctionnaires en service ; instituer un jour sans viande ; supprimer les éditions papier des rapports parlementaires.

La limitation des déplacements en avion conduirait à interdire certaines missions ou à les rendre plus longues à cause des durées de transport. Cette mesure réduirait également drastiquement le nombre de participants. Pour les députés habitant loin de l'Île-de-France, elle impacterait considérablement leur temps de trajet, voire leur capacité même à rejoindre le Palais-Bourbon – sans évoquer l'outre-mer, qui constitue un cas particulier.

Concernant l'institution d'un jour sans viande, quels seraient les périmètres – libre-service, restaurants parlementaires… – concernés par la mesure ? Quelles solutions de rechange seraient proposées pour l'apport en protéines ? Quel serait le coût de ces solutions de remplacement ? Comment réagiront les usagers et les députés dont les circonscriptions sont très concernées par l'élevage bovin ?

Enfin, la suppression de l'impression papier des rapports parlementaires signifierait une publication exclusivement numérique de ces rapports, ce qui constitue une décision lourde. Y aurait-il tout de même des éditions papier pour les auteurs et pour les archives ?

Pour chaque mesure, avant de prendre des décisions qui pourraient avoir un impact positif sur l'environnement mais qui seraient contraignantes, il convient de résoudre plusieurs questions et de réfléchir profondément.

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