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Intervention de Yannick d'Escatha

Réunion du mardi 29 novembre 2022 à 17h05
Commission d'enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d'indépendance énergétique de la france

Yannick d'Escatha, ancien administrateur général du CEA et membre de l'Académie des technologies :

En guise d'introduction, je voudrais faire deux remarques. Premièrement, j'ai été administrateur général du CEA de 1995 à 1999 : c'était il y a vingt-cinq ans. Beaucoup de choses ont changé depuis et il est difficile de faire des comparaisons entre cette époque et l'actuelle. Les circonstances ne sont plus les mêmes ; la société n'est plus la même ; le monde n'est plus le même. Deuxièmement, je m'en tiendrai aux faits que je connais, pour les avoir vécus.

Dans les années 1990, nous étions dans la dernière phase du grand programme national de construction d'infrastructures énergétiques, que le Gouvernment avait lancé après le choc pétrolier de 1973 pour garantir à la France sa souveraineté et son indépendance énergétique. Ce grand programme électronucléaire prévoyait la construction de six tranches par an. Le nucléaire devait représenter les trois quarts de notre production d'électricité et, à mes homologues étrangers, qui s'étonnaient de ce choix, je répondais souvent : « No coal, no oil, no gas, no choice », c'est-à-dire : « Pas de charbon, pas de pétrole, pas de gaz, pas le choix. »

Ce programme était une priorité nationale. Il était conduit directement par l'État, au plus haut niveau. Tous les départements ministériels, toutes les forces vives de la nation étaient alignés sur les objectifs fixés par le Gouvernement, et cela a très bien marché.

À la fin des années 1990, la construction des trente-quatre réacteurs de 900 mégawatts et des vingt réacteurs de 1 300 mégawatts était terminée. On était en train de construire les quatre réacteurs de type N4, de 1 450 mégawatts, et Superphénix fonctionnait depuis 1984. Les N4 représentaient un saut technologique en matière de sûreté : c'étaient des réacteurs de deuxième génération, comme les autres, mais la grande nouveauté, c'est qu'ils avaient un contrôle commande entièrement digital. La mise en service de ces réacteurs a pris beaucoup de retard, parce qu'EDF a eu de grandes difficultés à mettre au point, avec les industriels, ce contrôle commande digital.

Le CEA était le conseiller du Gouvernement en matière de nucléaire, aussi bien civil que de défense. Il était le bras armé du Gouvernement, sa référence scientifique et technique. Il représentait la France à l'étranger pour le nucléaire ; d'ailleurs, les attachés nucléaires sont toujours présents dans les ambassades. Il était aussi, par sa filiale, CEA Industrie, le responsable et le garant de la filière industrielle. CEA Industrie était une holding qui rassemblait les filiales du CEA : Framatome, pour les réacteurs et leurs combustibles ; Cogema, pour le cycle du combustible, à savoir l'enrichissement de l'uranium, le retraitement et le recyclage des combustibles usés et le conditionnement des déchets, par la vitrification ; Eurodif, pour l'enrichissement ; TechnicAtome, enfin, pour la propulsion nucléaire navale.

Le CEA, à l'époque, était très proche d'EDF, qui faisait largement appel à ses chercheurs et à ses moyens de recherche : réacteurs de recherche, « labos chauds », qui permettent de travailler sur des matériaux radioactifs, boucles d'essai – qui sont des moyens expérimentaux en thermohydraulique –, moyens de calcul, etc. Cette proximité avec EDF a été un gage d'efficacité.

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