Merci beaucoup Monsieur le président, Monsieur le rapporteur et Mesdames et Messieurs les députés. Merci pour votre invitation sur un sujet évidemment majeur pour le pays.
La responsabilité principale de la définition de la politique énergétique revient bien sûr au ministère de la Transition écologique, mais nous y contribuons tant la politique énergétique et la politique industrielle sont liées. La crise énergétique actuelle, en particulier, démontre que notre dépendance aux énergies fossiles importées rend notre tissu économique vulnérable. Il existe ainsi un lien assez direct entre la souveraineté industrielle et le déploiement de filières de production énergétique bas carbone et souveraine.
Dans ce propos introductif, avant de répondre aux deux sujets que vous avez évoqués, je reviendrai autour de quatre grandes idées. Premièrement, notre politique énergétique a un impact direct sur notre compétitivité industrielle, autour de deux types d'actions. D'abord, nous intervenons dans la conception de la politique énergétique pour assurer à nos entreprises industrielles en particulier et nos entreprises en général un approvisionnement stable et attractif en matière énergétique. Ensuite, de manière conjoncturelle, face à la hausse des prix de l'énergie, nous apportons des réponses permettant de maintenir autant que possible la compétitivité de l'approvisionnement énergétique des entreprises.
Par ailleurs, nous contribuons à la conception de l'indépendance énergétique dans le contexte de la transition énergétique, autour de deux grandes actions : d'une part les actions de soutien à l'offre, pour faire émerger une offre française capable de répondre à nos besoins d'équipement en matière de production d'énergie bas carbone, qu'il s'agisse d'énergie renouvelable ou nucléaire, ou encore de la sécurisation des matériaux critiques pour ces capacités de production, et d'autre part les actions sur la demande, pour inciter l'industrie à se décarboner. La souveraineté industrielle et la souveraineté énergétique passent par la décarbonation.
La compétitivité énergétique est un élément majeur de notre politique de réindustrialisation. Nous l'avons vu avant la crise avec une compétitivité importante de l'énergie en France, en particulier de l'électricité. Au second semestre 2021, nous avions ainsi un prix moyen de l'électricité facturé à 77 euros par mégawatt/heure en France, contre 131 euros en Allemagne, 161 euros en Italie et 123 euros en Espagne. Nous avons également des politiques de compensation carbone pour les industriels les plus énergo-intensifs. Ce dispositif spécifique, voté tous les ans, permet la compensation partielle du prix du quota carbone. Il bénéficie à 500 entreprises chaque année. Nous aurons également des enjeux de moyen terme, avec par exemple la redéfinition du cadre de la régulation du nucléaire historique, dans le cadre de la fin du dispositif ARENH en 2025.
De manière conjoncturelle, nous essayons d'agir sur la compétitivité de l'énergie en période de crise, autour de plusieurs actions : la décision du gouvernement d'augmenter le plafond de l'ARENH de 20 térawatts/heure a eu un effet significatif sur le maintien de la compétitivité de l'énergie pour les entreprises. Nous mettons en outre en œuvre un plan de résilience qui permet depuis juillet d'apporter des aides d'urgence aux entreprises pour compenser en partie la hausse du coût de l'énergie. Ces aides sont mises en place dans un cadre réglementaire négocié avec la Commission européenne, qui permettra d'apporter dans les prochains jours des aides plus importantes et accessibles aux entreprises, afin de leur permettre de compenser la hausse du coût de l'énergie et de maintenir leur production.
Nous menons également une action en matière de transition énergétique, d'abord du point de vue du soutien à l'offre, considérant que les enjeux de souveraineté passent aussi par le fait que la France dispose des capacités de production d'équipements pour produire de l'énergie bas carbone ou renouvelable. Nous consacrons notamment dans le plan France 2030 4 milliards d'euros à l'émergence de filières de production en France, qu'il s'agisse de filières renouvelables, d'hydrogène ou de la filière nucléaire. Pour l'ensemble des énergies renouvelables, le plan France 2030 consacre un milliard d'euros d'investissements afin d'accompagner l'émergence d'une filière de production d'équipements photovoltaïques, qui manque encore largement en France. Nous avons un objectif de 10 gigawatts de production annuelle de cellules et de modules de panneaux photovoltaïques. Par ailleurs, le soutien à l'émergence d'une filière d'éolien flottant doit permettre d'atteindre nos objectifs de 2 gigawatts de production d'éoliennes flottantes. Sur l'hydrogène, nous avons également un plan en cours de mise en œuvre, qui a déjà été initié dans le cadre de France Relance, à hauteur de 1,3 milliard d'euros. France 2030 prévoit 1,9 milliard d'euros supplémentaires, qui permettra, à horizon 2030, d'installer 6,5 gigawatts d'électrolyse en France pour produire de l'hydrogène bas carbone, en vue de répondre aux besoins de transition énergétique de manière souveraine. Par ailleurs, nous avons 10 projets qui doivent permettre de développer en France les capacités de production de la chaîne de motricité lourde hydrogène, afin de disposer des capacités de produire en France les équipements dont nous aurons besoin, en particulier pour les poids lourds, les trains, le secteur naval, etc. Nous avons une action similaire dans la filière nucléaire, en particulier sur les questions d'innovation. Dans le cadre de France 2030, nous soutenons des projets de développement de réacteurs innovants, notamment de type SMR, ainsi que des actions d'innovation sur l'ensemble de la chaîne de valeur nucléaire, en particulier au niveau de la gestion des déchets.
Nous menons également une action sur l'amont de nos politiques, qui vise à sécuriser l'ensemble des intrants les plus stratégiques, pour permettre une souveraineté dans ces politiques, avec un accent particulier sur les métaux critiques, qui sont indispensables à la transition écologique. Nous mettons en œuvre un certain nombre d'actions dans ce domaine pour renforcer la capacité de production primaire ou secondaire de ces métaux stratégiques en France, notamment les aimants permanents, qui sont indispensables pour la transition écologique, à la fois pour les générateurs d'éoliennes et pour les moteurs électriques. Nous nous fixons l'objectif de couvrir, au niveau européen, 30 % des besoins de manière domestique, à la fois par des productions primaires et secondaires. Enfin, dans le domaine des batteries, qui sont une composante essentielle de la transition écologique, entre 2019 et aujourd'hui, nous avons développé dans un cadre européen une chaîne de valeur de production de batteries, avec trois grandes giga-factories en France de production de batteries, et en menant une action à la fois sur l'amont et les métaux critiques nécessaires à leur production et sur l'aval, en termes de recyclage de ces batteries.
Enfin, nous agissons sur la demande afin de décarboner l'industrie. Il s'agit à la fois d'assurer la transition écologique de l'industrie et d'en augmenter la souveraineté. Nous allons ainsi modifier une partie des intrants de l'industrie pour remplacer des énergies fossiles importées par de l'électricité produite en France. Nous constatons déjà l'évolution du mix énergétique utilisé par l'industrie. 40 % de l'énergie finale consommée par l'industrie est aujourd'hui électrique, alors que l'électricité est à 90 % décarbonée. Entre 1990 et aujourd'hui, nous avons vu une baisse de 22 à 10 % de la consommation énergétique de l'industrie s'agissant du pétrole et de 11 à 3 % pour le charbon. Ce mouvement de réduction de nos dépendances énergétiques est ainsi très marqué, et nous cherchons à l'accélérer par cet effort de décarbonation de l'industrie que nous avons engagé en 2019 et qui a conduit à établir des feuilles de route de décarbonation de l'industrie, notamment dans les quatre filières qui représentent 60 % des émissions. Nous avons apporté des financements à un certain nombre de projets de décarbonation, à la fois dans le cadre du plan de relance et de France 2030. Dans le cadre du plan de relance, nous avons financé pour 1,2 milliard d'euros d'aides 240 projets de décarbonation qui ont permis de réduire les émissions de l'industrie de 4,7 millions de tonnes, soit 5 % de réduction. Au total, avec les financements intervenus dans le cadre de France Relance et de France 2030, notre industrie française est sur la trajectoire pour atteindre l'objectif qui avait été fixé dans la stratégie nationale bas carbone de réduction de 35 % des émissions de l'industrie en 2030. Cette transition est possible et, dans le cadre du paquet européen « Fit for 55 », l'ambition a été rehaussée, notamment dans le cadre d'une nouvelle stratégie nationale bas carbone, avec pour l'industrie comme les autres secteurs un nouvel objectif plus élevé de réduction des émissions, auquel nous pourrons contribuer. Sur la décarbonation de l'industrie, le Président de la République a récemment réuni les 50 sites les plus émetteurs pour fixer les objectifs.
Sur les questions de sécurité économique et d'investissement direct étranger, notre action est indissociable de notre politique de souveraineté industrielle. Celle-ci doit ainsi s'accompagner d'une politique de sécurisation des actifs stratégiques. Ces dernières années, nous avons constaté une augmentation forte de la menace sur nos entreprises stratégiques. Depuis 2019, nous avons rehaussé le niveau de sécurisation de nos actifs stratégiques, en partageant en interministériel, dans le cadre d'un comité qui se réunit au SGDSN, la liste des entreprises stratégiques que nous souhaitons protéger. Avec l'ensemble des acteurs, nous menons une veille régulière de ces actifs et identifions les menaces, qui sont nombreuses. Nous enregistrons environ 50 menaces par mois sur des actifs stratégiques. Nous apportons une réponse de nature variable. L'une d'entre elles intervient lors d'une acquisition par un acteur étranger d'entreprises stratégiques, qui se fait pour partie dans le cadre du règlement sur les investissements étrangers en France, que nous mobilisons régulièrement et qui permet soit de refuser l'investissement, soit d'y apporter des conditions qui permettent, en dépit de l'acquisition, de maintenir la capacité de production en France.
Sur la question de savoir si nous devons considérer les IDE comme une menace, nous comptons environ 1 600 investissements étrangers en France tous les ans, dont 200 environ font l'objet d'un contrôle. La France est le premier pays européen en termes d'investissements étrangers, ce qui démontre qu'il est possible de concilier une politique d'attractivité et un contrôle particulier.