Les conséquences ont été particulièrement importantes en Allemagne. En effet, la chancelière Angela Merkel a immédiatement décidé – sans aucune concertation – d'accélérer le calendrier de sortie du nucléaire allemand, sur la base de sondages d'opinion. L'opinion publique allemande y était très majoritairement favorable.
L'Allemagne, qui estimait que le gaz était une source d'énergie sûre, a vu dans le fait de sortir du nucléaire une opportunité industrielle liée aux énergies renouvelables. En outre, l'Allemagne a toujours considéré la Russie comme un défi sécuritaire. A cet égard, le fait de renforcer l'interdépendance économique avec la Russie était un moyen de la canaliser.
La Belgique, qui disposait de sept réacteurs posant des questions de maintenance et de sûreté, a également décidé de sortir du nucléaire à l'horizon 2025.
La Suisse a pris la décision de sortir du nucléaire, sans pour autant fixer d'échéance, du fait de l'enjeu que représentait la sécurité des approvisionnements.
Par ailleurs, les autorités de sûreté nucléaire des différents pays ont renforcé leurs exigences.
L'Europe centrale, quant à elle, a fait le choix, au fur et à mesure que le débat sur la décarbonation complète progressait, de miser sur le nucléaire existant et sur le nouveau nucléaire. Les pays d'Europe centrale et orientale ont compris que la décarbonation était inéluctable et que leur avenir industriel et économique dépendait de leur capacité à décarboner leur mix électrique. C'est la raison pour laquelle ils ont décidé de construire de nouvelles centrales nucléaires. La Pologne a des ambitions importantes en la matière. La République tchèque a décidé de prolonger ses réacteurs existants et d'en construire de nouveaux. La Slovaquie souhaite également construire de nouveaux réacteurs, tandis que la Roumanie a la volonté de prolonger le parc existant et de développer de petits réacteurs nucléaires modulaires. L'Ukraine ambitionne de construire de nouveaux réacteurs, grands et petits.
Ainsi, l'Europe se retrouve coupée en deux, avec une Europe centrale et orientale absolument pronucléaire. Avec le Brexit, la France a perdu un allié précieux qui partageait la même vision qu'elle au sujet du mix énergétique permettant d'assurer la sécurité des approvisionnements dans la durée. La France n'est pas exactement sur la même ligne que la Pologne ou la Hongrie, car certains principes fondamentaux de l'état de droit y posent question. En ce qui concerne les pays nucléaires tels que la Finlande et la Suède, il faut savoir que la Finlande est confrontée à des problèmes de construction de réacteur, ce qui nuit à notre crédibilité, notamment du fait du contentieux financier existant avec Areva. En Suède, la coalition au pouvoir comprend des formations politiques antinucléaires, qui se sont prononcées en faveur d'un arrêt du nucléaire à terme. Pourtant, il a finalement été décidé de réinvestir dans le nucléaire, la question du stockage ayant été traitée dans la durée.
La plupart des grands pays émergents continuent de s'intéresser fortement au nucléaire. En effet, jamais les panneaux solaires et les éoliennes ne pourront fournir de l'énergie à des mégalopoles de plusieurs dizaines de millions d'habitants. A ce titre, les gros réacteurs nucléaires sont particulièrement attractifs, notamment aux yeux de l'Inde, de la Chine ou d'autre pays d'Asie du Sud-Est.
Au-delà des enjeux de sûreté, la capacité de financement de ces technologies reste un sujet de fond. Compte tenu de l'augmentation des taux d'intérêt, l'accès au financement des pays émergents risque de devenir de plus en plus compliqué. Selon moi, les petits réacteurs nucléaires pourraient constituer une solution d'avenir, permettant de faire face au défi de la décarbonation et à la demande d'énergie, à condition que leur développement soit un succès.